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Chapitre 5 Prise en compte d’une charge mobile

5.4 Application à un remblai ferroviaire renforcé

5.4.1

Géométrie

On modélise un remblai ferroviaire type, dont la géométrie est présentée sur la Figure 5-13. Il est constitué d’une couche de ballast de 25 cm d’épaisseur, puis d’une sous-couche d’épaisseur identique, puis du corps de remblai. Comme dans l’expérience du CER présentée au Chapitre 2, on suppose que le remblai est constitué d’une partie renforcée et d’une partie non renforcée. La partie renfor- cée est associé à un parement en béton. Les armatures font 5 m de long.

Le remblai est construit en cinq étapes : les quatre premières étapes cor- respondent à la construction de chacune des couches de remblai et de la section de parement correspondante. La cinquième étape correspond à la mise en place de la sous-couche et du ballast.

Figure 5-13 : Géométrie de la section du remblai considéré

5.4.2

Symétries et conditions aux limites

On étudie ici les relations de symétrie du chargement dans le cas d’un train et leurs conséquences en termes d’implémentation en référentiel mobile, afin de proposer un modèle représentatif du passage d’un TGV sur un domaine maillé le plus restreint possible (Figure 5-15).

On démontre dans l’annexe B que le domaine d’étude dans le cas d’un référentiel mobile pour un chargement périodique symétrique par rapport au plan

Π (Figure 5-14), peut se ramener à l’étude d’une demi-période spatiale avec des

conditions aux limites classiques d’un code éléments finis sur les bords du do- maine.

En choisissant de considérer un train « infini » dans le sens où la modéli- sation simule le passage d’une infinité de wagons sur le remblai armé et en re- prenant la géométrie d’un Thalys présentée Figure 1-38, la longueur finalement choisie dans la direction longitudinale pour représenter le domaine maillé est L/2=9.3 m. Les conditions aux limites bloquent les déplacements dans la direc- tion longitudinale sur les bords du domaine (traits rouges pointillés, Figure 5-14) et laissent libres les déplacements dans les deux autres directions.

Figure 5-14 : Symétrie d'une voiture TGV (d'après [DEG00])

Figure 5-15 : Maillage tridimensionnel

5.4.3

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Comme on le remarque sur la Figure 5-14, la roue du bogie applique une force située à 1,50 m du plan de symétrie Π. Nous avons choisi de ne représenter ni les traverses ni les rails, pour ne pas surcharger le modèle et pour ne pas rompre la continuité dans la direction X1, qui est une condition essentielle à l’application de la méthode de résolution en référentiel mobile (cf. partie 5.3.3).

ΠL/2 Π

On applique donc le poids du train directement sur le ballast, en négligeant celui du rail et des traverses.

La diffusion de la charge de 180 kN (correspondant à deux roues d’un bogie, cf. partie 1.5.3) au travers de la voie, du fait de la déflexion du rail, a été prise en compte en réutilisant les résultats expérimentaux de [MAN07] (partie 1.5.3.1). Nous avons choisi ici de considérer les coefficients de diffusion de la charge correspondant à un chargement TGV (c'est-à-dire considérant que la dé- flexion du rail a une incidence jusqu’à la quatrième traverse située en amont et en aval de la traverse sur laquelle passe la roue). Ces coefficients tiennent compte de la vibration du rail et des effets d’amortissement de la voie sous grandes vitesses et doivent donc être pris en compte y compris lors de l’utilisation du référentiel mobile.

5.4.4

Paramètres matériaux

Nous étudions deux remblais types. Pour chacune des structures, les paramètres matériaux sont identiques excepté ceux du modèle de sol. De plus, pour chaque calcul, un certain nombre de paramètres correspondent à la construction, et un certain nombre d’autres sont mis en jeu lors de d’application de la charge mo- bile.

Le premier remblai, qualifié dans la suite de « raide » correspond aux pa- ramètres matériaux issus de la modélisation de l’expérience du CER (cf. Tableau 3-3). Le second remblai correspond à un remblai qualifié de « souple » dans la suite : le module d’Young du sol y est pris suffisamment faible pour que la vi- tesse des ondes de cisaillement dans le massif prenne une valeur proche de 350 km/h, ce qui permet d’observer les phénomènes de résonance pour des vitesses proches de vitesses TGV.

5.4.4.1

Construction du remblai

La construction du remblai comprend quatre étapes qui correspondent à l’activation successive du poids des quatre couches de sol et de la section de pa- rement correspondante ; la sous-couche et le ballast étant activés en même temps que la couche supérieure de sol. On introduit une couche d’éléments minces entre le parement et le sol renforcé, pour tenir compte du tassement du sol qui « glisse » contre les écailles indéformables lors de l’application du poids des couches supérieures. A cette étape, le parement est modélisé comme un matériau continu homogène et isotrope, avec des paramètres élastiques correspondant au béton.

Le ballast, la sous-couche et le sol sont modélisés à l’aide d’une loi élas- toplastique de type Mohr-Coulomb. Les valeurs d’angle de frottement et de dila- tance sont prises égales à celles proposées dans [SOY09]. L’ensemble des para- mètres sont rappelés dans le Tableau 5-2.

Le sol renforcé est modélisé à l’aide du modèle multiphasique précé- demment présenté : la « phase renforcement » possède des caractéristiques d’élasticité déduites de celles de l’acier et de la fraction volumique des arma- tures. La loi d’interaction entre les deux phases est élastique bilinéaire - parfai- tement plastique, les coefficients étant identiques à ceux présentés dans le Ta- bleau 3-1, mais pondérés par la fraction volumique de la phase renforcement.

Tableau 5-2 : Paramètres matériaux lors de la construction

γ (kN/m³) E (MPa) ν (-) c (kPa) φ (°) Ballast 17 60 0,2 10 36 Sous-couche 23,3 90 0,3 10 36 Remblai souple 21 70 0,3 10 36 Remblai raide 21 150 0,3 10 36 Contact sol-parement 20 0,1 0,49 - - Écaille béton 25 25 000 0,2 - -

5.4.4.2

Application d’une charge mobile

L’étape de chargement consiste à appliquer une charge mobile sur le remblai préalablement construit. Numériquement, la procédure consiste à lancer un nou- veau calcul en initialisant les contraintes au sein du massif à la valeur qu’elles avaient à la fin de la construction. Les déplacements sont réinitalisés au début de cette étape.

Le calcul est effectué en élasticité avec de nouveaux paramètres pour les matériaux correspondant à cette étape. On choisit pour le sol de nouveaux mo- dules d’Young : pour le remblai raide, ces modules varient avec la profondeur et sont identiques à ceux fixés lors de la modélisation du CER (Figure 3-2). Pour le remblai « souple », on garde la valeur de 70 MPa pour l’ensemble du massif. Enfin, le ballast et la sous-couche ne changent pas de propriétés élastiques.

Le comportement du parement est décrit par une loi de comportement de type élastique isotrope transverse, dans le but de s’affranchir des effets de flexion (cf. partie 3.2.1.3). De plus, on attribue également ces paramètres aux éléments qui servaient auparavant de joint entre le sol et le parement.

Les renforcements sont toujours modélisés à l’aide du modèle multipha- sique, avec les mêmes caractéristiques que lors de la phase construction.

5.4.5

Résultats

Les résultats du calcul pour les deux modèles de remblai sont présentés ci des- sous. Conformément à l’hypothèse de représentation en référentiel mobile, on rappelle que la distance au plan de symétrie est proportionnelle à la dépendance temporelle des grandeurs. Ainsi, la distribution spatiale dans l’axe x des résultats qui suivent correspondent en fait aux variations temporelles avant, pendant et après le passage de la roue.

5.4.5.1

Remblai raide

Les paramètres associés à ce modèle sont similaires à ceux présentés dans le Chapitre 3 mais la géométrie, les conditions aux limites et le type de chargement diffèrent sensiblement entre les deux modèles.

Néanmoins, par souci de clarté, nous présenterons les résultats du calcul {construction + chargement mobile} de manière similaire à ce qui a été fait dans le Chapitre 4.

On s’intéresse tout d’abord à la déformée globale du massif, représentée sur la Figure 5-16 dans le cas d’un chargement à 350 km/h et sur la Figure 5-17 dans le cas d’un chargement immobile (V=0 km/h). Les niveaux de couleur cor- respondent sur ces figures aux isovaleurs du déplacement vertical w donné en millimètres.

Figure 5-17 : Maillage déformé pour le chargement immobile (à 0 km/h)

Figure 5-18 : Déplacement vertical à l'interface sous-couche/remblai, remblai raide.

La Figure 5-18 reprend les déplacements verticaux de l’interface sous- couche remblai dans la direction x et à 3 m du parement. À cette profondeur, la charge à 350 km/h entraîne des déplacements plus importants au droit de la roue, de l’ordre de 11 % de plus que les déplacements engendrés par une charge im- mobile de même magnitude.

-0,5 -0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0 0,1 0 2 4 6 8

Distance au plan de symétrie X=0 (m)

D é p la c e m e n t v e rt ic a l (m m ) V = 350 km/h Charge immobile (V=0 km/h)

On compare également dans la Figure 5-19 les tractions équivalentes to- tales T dans la phase renforcée et dans la Figure 5-20 les contraintes verticales totales σzz (données avec la convention de la mécanique, les contraintes de com- pression ayant des valeurs négatives). Ces deux grandeurs tiennent compte à la fois de la construction du parement et de l’application de la surcharge. Les trac- tions équivalentes sont obtenues en ramenant la force d’interaction de la phase renforcée du modèle multiphasique à un volume correspondant à une armature. On s’intéresse uniquement ici aux variations des grandeurs à l’endroit où serait situé le premier lit d’armatures (pris à Z = 3,8 m), le comportement étant simi- laire pour les lits inférieurs.

Figure 5-20 : Contraintes de compression verticales totales

Dans la Figure 5-21 et dans la Figure 5-22, on présente respectivement les incréments de traction ∆T et de déplacement relatif ∆δ entre la phase renfor- cement et la phase sol du modèle multiphasique générés par la seule application de la charge mobile ou immobile. La construction du remblai engendre évidem- ment également des déplacements relatifs, mais il n’est pas pertinent de les con- sidérer si l’on s’intéresse uniquement aux conséquences du passage d’un train sur la réponse instantanée du massif renforcé.

Figure 5-21 : Incrément de traction équivalente

Figure 5-22 : Déplacements relatifs d’interface générés par la seule surcharge

On présente également dans la Figure 5-23 les variations des coefficients de frottement mobilisés équivalents au lit d’armature supérieur. Le coefficient de frottement mobilisé dans le cas de la charge mobile est appelé µdyn et celui correspondant à une vitesse nulle µstat. La démarche effectuée pour calculer ces coefficients est identique à celle présentée à la partie 4.3.

Figure 5-23 : Coefficients de frottement mobilisés, remblai raide.

Les résultats présentés ci-dessus ne montrent pas de différences significa- tives entre le chargement mobile à 350 km/h et le chargement immobile. On constate cependant une localisation des contraintes de compression au niveau de la roue, pour une vitesse élevée (Figure 5-20) qui correspond à une variation temporelle plus rapide des contraintes. On note par ailleurs que les ordres de grandeurs des tractions équivalentes totales (Figure 5-19) sont identiques aux valeurs expérimentales du CER (cf. par exemple Figure 4-13).

Les incréments de traction (Figure 5-21) sont ici supérieurs d’un facteur 10 environ par rapport à un chargement ponctuel sur une seule traverse (de type de l’expérience du CER). Cependant, on ne constate pas d’effet dynamique sur les valeurs des incréments de traction, alors que ces effets dynamiques étaient présents sur l’expérience du CER (cf. par exemple Figure 2-10 et Figure 2-11).

On constate enfin que le déplacement élastique d’interface arma- ture/remblai ne dépasse pas quelques dizaines de micromètres.

5.4.5.2

Remblai souple

On présente maintenant les résultats du calcul relatif au remblai souple. La Fi- gure 5-24 présente la déformée et les isovaleurs des déplacements verticaux pour une vitesse de 350 km/h, tandis que la Figure 5-25 présente ces mêmes gran- deurs pour un chargement immobile.

Figure 5-24 : Déformée et déplacements verticaux d'un remblai souple à 350 km/h

Figure 5-25 : Déformée et déplacement verticaux d'un remblai souple pour une charge immobile (à 0 km/h)

On remarque une concentration des déformations sous la charge, du fait de la proximité de la vitesse du train avec la vitesse des ondes de Rayleigh au sein du massif, comme cela a été constaté dans la littérature avec d’autres mé- thodes numériques (cf. Figure 5-8).

La Figure 5-26 représente les déplacements verticaux de l’interface sous- couche remblai dans la direction x et à 3 m du parement. La charge à 350 km/h entraine 44 % de déplacements supplémentaires par rapport à ceux engendrés par une charge immobile.

Figure 5-26 : Déplacement vertical à l'interface sous-couche/remblai, remblai souple.

Comme précédemment, les tractions équivalentes totales T, les con- traintes verticales totales σzz et les incréments de déplacement relatif d’interface

∆δ en Z = 3,80 m sont présentés respectivement sur la Figure 5-27, la Figure

5-28 et la Figure 5-29. -1,8 -1,6 -1,4 -1,2 -1 -0,8 -0,6 -0,4 -0,2 0 0,2 0,4 0 2 4 6 8

Distance au plan de symétrie X=0 (m)

D é p la c e m e n t v e rt ic a l (m m ) V = 350 km/h Charge immobile (V=0 km/h)

Figure 5-27 : Tractions équivalentes totales au niveau du premier lit d'armatures

Figure 5-29 : Contraintes de compression verticales totales

Figure 5-30 : Coefficients de frottement mobilisés, remblai souple.

Les résultats ci-dessus montrent une différence significative en termes de déplacements, contraintes et coefficients de frottement, selon que la charge est mobile ou non. On remarque en particulier une localisation de ces contraintes et déplacements au niveau du point d’application de la charge (Figure 5-29). En revanche, les tractions équivalentes (Figure 5-27) et déplacements relatifs

d’interface (Figure 5-28) ne sont pas sensiblement affectés par la vitesse de la charge.

Nous présentons également ci-après les résultats correspondant à l’application de la charge seule, en décomptant la contribution due à la construc- tion préalable du remblai. La Figure 5-31 présente ainsi les incréments de trac- tion et la Figure 5-32 les incréments de contrainte verticale de compression en Z=3,80 m.

Figure 5-32 : Incréments de contrainte verticale

La concentration de contraintes identifiée sur la Figure 5-29 se retrouve sur la Figure 5-32, localisée sous la traverse la plus sollicitée et la différence entre les incréments de contrainte statique et dynamique est de 30 % environ.

Les incréments de traction dynamique ont la même allure en statique et dynamique (Figure 5-31) mais les surtractions sous la charge sont légèrement plus faibles dans le cas dynamique par rapport au cas statique. En revanche, celles-ci ont des valeurs plus élevées que les tractions statiques en des points plus éloignés de la charge (loin du plan de symétrie). L’augmentation de ces sur- tractions loin de la charge a pour conséquence une variation sur les valeurs de déplacement relatif de l’interface (Figure 5-28), qui restent cependant de l’ordre de grandeur des déplacements générés par l’application d’une charge statique.

5.5

Discussion

5.5.1

Déplacements

Le déplacement de la charge à des vitesses élevées implique des variations im- portantes des déplacements dans le haut du remblai, par rapport à ceux engen- drés par l’application d’une charge immobile. Cependant, même si les variations sont importantes en pourcentage, leur valeur reste limitée à quelques dixièmes de millimètres pour un remblai raide et quelques millimètres pour un remblai souple, ce qui n’a pas de conséquence pratique sur la stabilité globale de l’ouvrage.

5.5.2

Tractions

Les résultats présentés ci avant mettent en évidence la faible influence de la vi- tesse de la charge sur les niveaux de traction totale au sein du remblai dans le cas du massif raide : les incréments de traction présentent le même profil que la vitesse soit nulle ou égale à 350 km/h.

Pour le remblai souple, ces incréments ont une variation d’amplitude plus faible dans le cas dynamique que dans le cas statique, et ne s’annulent jamais vraiment, ce qui signifie que la variation des tractions dans les barres est plus lente que la vitesse de passage du train. L’amplitude de ces tractions reste infé- rieure à la traction dans les armatures à la fin de la construction, excepté au bout de l’armature, et de ce fait, les tractions totales statiques et dynamiques présen- tent globalement le même profil. Ce phénomène est illustré dans la Figure 5-33, pour une longueur de voiture totale, pour un point situé en milieu d’une arma- ture du lit supérieur. Sur cette figure, la « longueur du train » correspond en fait à une distance depuis le milieu d’une voiture (du fait des symétries du problème présentées dans la partie 5.4.2).