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Discrétisation du problème continu

1.4 Conclusion

2.2.2 Discrétisation du problème continu

Dans la section précédente, nous présentions les bases de la reconstruction tomographique en étudiant le problème sous sa forme complètement continue, et avec des mesures complètes. Ce modèle idéal n’est pas réalisable en pratique, car il suppose que chaque projection soit connue dans son intégralité (projection continue) et que l’on dispose d’une infinité de projections couvrant tout le cercle (ou demi-cercle en utilisant les symétries).

En pratique, les systèmes d’acquisition tomographique ne permettent d’acquérir qu’un nombre fini de projections, et chaque projection est composée d’un nombre fini d’échantillons (qu’on nommera désormais bins en accord avec l’usage du chapitre précédent). La discrétisation a ainsi lieu à deux niveaux :

Sur chaque projection Nous ne connaissons pas toute la projection mais

seule-ment des échantillons (qui plus est, des échantillons sur les lignes radiales). Les échantillons se présentent donc dans l’espace de Fourier sous forme de cercles concentriques.

Sur le nombre de projections Les projections sont connues uniquement à

cer-tains angles, en nombre fini. L’espace de Fourier est alors connu non plus sur des cercles concentriques mais seulement sur certains points de ceux-ci.

Dans la suite, lorsque nous parlerons de transformée de Radon discrétisée, nous entendons un échantillonnage de la transformée de Radon continue, avec :

— un nombre Nφ de projections régulièrement distribuées d’angle φi = i π

, pour i ∈ [0 . . . Nφ− 1] ;

— un nombre Nρ d’échantillons sur chaque projection, espacés d’un pas ∆ρ.

Nous allons maintenant voir l’effet de ces discrétisations sur les méthodes analytiques puis itératives.

2.2.2.1 Analyse spectrale dans le domaine discret

Les projections étant maintenant données par un signal discret et non plus un signal continu, nous ne pouvons utiliser les transformées de Fourier continues. En lieu et place, nous allons utiliser les transformées de Fourier discrètes.

Définition 2.8 (Transformée de Fourier discrète unidimensionnelle). La

trans-formée de Fourier discrète 1D, notée TFD1D(·) d’un signal discret s de N échantillons est définie par :

TFD1D(s) : [0 . . . N − 1] → C u 7→ ˆs [u] = N −1 X n=0 s [n] e−2iπnNu. (2.29)

On note indifféremment TFD1D(s) [u] ou ˆs [u], lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté,

la transformée de Fourier discrète de s à la fréquence discrète u

N.

Cette transformée est inversible et on note TFD−11D(·) la transformée de Fourier discrète inverse telle que :

TFD−11Ds) : [0 . . . N − 1] → C n 7→ s [n] = 1 N N −1 X u=0 ˆ s [u] e2iπnNu. (2.30)

Définition 2.9 (Transformée de Fourier discrète bidimensionnelle). La

échantillons est définie par : TFD2D(s) : [0 . . . M − 1] × [0 . . . N − 1] → C (u, v) 7→ ˆs [u, v] = M −1 X m=0 N −1 X n=0 s [m, n] e−2iπ(mMu+nNv). (2.31)

On note indifféremment TFD2D(s) [u, v] ou ˆs [u, v], lorsqu’il n’y a pas

d’am-bigüité, la transformée de Fourier discrète 2D de s à la fréquence discrète Mu,Nv. Cette transformée est inversible et on note TFD−12D(·) la transformée de Fourier discrète inverse telle que :

TFD−12Ds) : [0 . . . M − 1] × [0 . . . N − 1] → C (m, n) 7→ s [m, n] = 1 M N M −1 X u=0 N −1 X v=0 ˆ s [u, v] e2iπ(mMu+mv N). (2.32) 2.2.2.2 Méthode de Fourier

On considère maintenant que f est à support borné carré [−D, D] × [−D, D]. Dans le problème discret, nous souhaitons seulement reconstruire f sur un ensemble fini de points : ˜f (k, l) = f (xk, yl).

Soit f un objet à étudier et les échantillons des projections p(ρk, φl) obtenus avec la transformée de Radon discrétisée de f avec :

∀k ∈ Nρ− 1 2  . . . Nρ− 1 2  , ρk= kσρ ∀l ∈ [0 . . . Nφ] , φk= lσφ. (2.33)

Contrairement aux projections continues, une projection discrète ne permet d’estimer la transformée de Fourier de f que sur un nombre fini de points. En effet,

en utilisant la transformée de Fourier discrète des projections et l’équation (2.18),

on obtient :

TFD1D(pφl) (s) ≈ 1

σρF2D(f ) (s cos φl, s sin φl). (2.34)

d’échantillon-nage de Shannon sont respectées, ce qui est impossible en totalité en théorie mais on peut se trouver dans des conditions proches en pratique, cette formule produit une bonne approximation. Il est donc possible de connaître la transformée de Fourier de f sur l’ensemble de points du plan de Fourier {(λsl, µsl) = (s cos φl, s sin φl)}.

Malheureusement, comme le montre la figure 2.10, ces points sont disposés sur

une grille polaire et non sur une grille cartésienne. Bien qu’il soit théoriquement possible d’inverser la transformée de Fourier discrète sur grille polaire, ce n’est pas souhaitable en pratique car il n’existe pas de méthode rapide en O(N log N ) comme pour les grilles cartésiennes. La solution alors souvent adoptée est d’interpoler la grille polaire à une grille cartésienne pour l’inverser de manière séparable, en

particulier avec la transformée de Fourier rapide ou FFT2 inverse. L’image

reconstruite est donc une image discrète ˜f .

Figure 2.10 – Échantillonnage polaire du plan de Fourier pour les méthodes de reconstruction basées sur le théorème de la tranche centrale

Pour résumer, les étapes de la méthode de reconstruction de Fourier sont : 1. Calculer la transformée de Fourier discrète de chaque projection ;

2. Remplir une grille polaire du plan de Fourier de f avec les échantillons calculés à l’étape précédente ;

3. Interpoler la grille polaire sur une grille cartésienne ;

4. Calculer la transformée de Fourier bidimensionnelle inverse pour obtenir des échantillons de f sur une grille cartésienne.

Un cas particulier d’utilisation notable de cet algorithme de reconstruction est l’IRM, où les données sont directement acquises dans l’espace de Fourier. Dans

cette configuration, on se retrouve directement à l’étape 3voire l’étape 4 dans le

cas le plus simple. On possède alors les véritables échantillons des composantes fréquentielles, et non une approximation.

Hormis ce dernier cas, cette méthode n’est pas beaucoup utilisée en pratique du fait de ses nombreuses limitations. La première limitation concerne l’approximation des échantillons de la transformée de Fourier continue par ceux de la transformée

de Fourier discrète (équation (2.34)et FFT inverse). En réalité, ces étapes sont

entachées d’erreurs dues au repliement de spectre à cause de l’échantillonnage des

projections d’une part, et de l’échantillonnage de ˜f d’autre part, qui ne peuvent

être à bande limitée.

La seconde limitation, et la majeure, est due à l’interpolation de la grille polaire à la grille cartésienne dans le domaine de Fourier. Le problème rencontré ici est dû à la densité de l’échantillonnage polaire, qui est plus importante dans les basses fréquences que dans les hautes fréquences. Intuitivement, les hautes fréquences qui contiennent les détails de l’image sont donc beaucoup moins bien reconstruites que les basses fréquences, qui sont, pour leur part, estimées à partir de suffisamment de points. Il est intéressant de remarquer que cette étape d’interpolation apparaît implicitement dans la formule continue de la rétroprojection filtrée, |ν| étant le jacobien de passage d’une grille polaire à une grille cartésienne.

Comme cette seconde limitation semble être la plus importante, quelques tentatives pour améliorer le processus d’interpolation ont été proposées dans la littérature. Nous pouvons les classer en deux catégories :

— l’utilisation une méthode d’interpolation plus précise ;

— l’utilisation d’autres points d’échantillonnage rendant l’interpolation inutile. Pour la première catégorie, J. Walden propose un cadre théorique pour com-parer quantitativement les méthodes d’interpolation dans le plan de Fourier et

préconise une interpolation par fenêtre de Kaiser-Bessel [173].

La seconde catégorie nous semble plus judicieuse car elle s’attaque aux causes du problème. Ici encore, plusieurs stratégies sont envisagées. Une première stratégie est de tenter d’inverser la transformée de Fourier directement sur la grille polaire, donc de travailler directement sur la transformée inverse, à l’aide de la transformée

de Fourier non-uniforme (NUFT) [45,51]. Une autre alternative consiste à utiliser

les expansions en séries de Fourier [67].

Enfin, d’autres auteurs proposent de modifier le protocole d’acquisition des images, donc la discrétisation de la transformée de Radon, pour obtenir des échantillons dans le plan fréquentiel qui ne sont plus disposés sur une grille po-laire, mais une grille pseudo-polaire. Cette méthode porte le nom de méthode

du linogramme [46, 47, 112]. Cette méthode retient notre attention car elle pro-pose d’adapter le pas d’échantillonnage des projections en fonction de l’angle de projection, tout comme la transformée Mojette que nous allons voir ensuite. Les données ainsi acquises forment un échantillonnage pseudo-polaire, qu’il est possible

de ramener sur une grille cartésienne sans interpolation [10]. Ces techniques se

retrouvent également dans une méthode de reconstruction similaire — appelée

Equally Sloped Tomography — consistant à considérer un ensemble de directions

de projections définies par incréments de pente, donc à incrément constant de la tangente, produisant le même échantillonnage pseudo-polaire de l’espace de

Fourier [116].

2.2.2.3 Rétroprojection filtrée

Une alternative à la méthode de Fourier, fournie par l’équation (2.26), est

de filtrer chaque projection par un filtre rampe, puis de la rétroprojeter. C’est l’algorithme de la rétroprojection filtrée ou FBP.

Grâce à sa simplicité de mise en œuvre, c’est encore de nos jours l’algorithme le plus usité dans le monde. Malgré tout, sa mise en œuvre sur des données discrètes requiert quelques précautions. En effet, le filtre rampe est infini et sa réalisation partielle induit donc des oscillations. De plus, le gain du filtre rampe étant proportionnel à la fréquence, celui-ci atténue les basses fréquences et privilégie

les hautes fréquences. Ce comportement est incompatible avec des conditions d’acquisition bruitées, où le bruit est essentiellement localisé dans les hautes fréquences et se retrouve donc amplifié. Enfin, le fait que la valeur du filtre dans le domaine de Fourier à la fréquence ν = 0 soit nulle élimine la valeur moyenne des projections.

Pour répondre aux deux premiers problèmes, il est d’usage dans la littérature d’utiliser une fenêtre d’apodisation, qui atténue le gain du filtre à partir d’une certaine fréquence. L’expression du fréquentielle du filtre est donc :

ˆ

h(ν) = ˆa(ν)|ν|, (2.35)

où ˆa(ν) est la fenêtre d’apodisation.

Il existe de nombreuses fenêtres d’apodisation que l’on peut utiliser. La plus simple, proposée par Ramachandran et Lacksminarayanan et couramment appelée Ram-Lak consiste à couper le spectre à partir d’une certaine fréquence. Les autres fenêtres (Shepp-Logan, Hann, Hamming, etc.) visent à éviter la discontinuité produite par la fenêtre de Ram-Lak en amenant plus progressivement

le gain du filtre rampe à une valeur nulle, comme le montre la figure 2.11.

La discrétisation directe de ces filtres par simple échantillonnage conduit toujours à F (ν = 0) = 0 et donc à la perte de la valeur moyenne du signal. Ce problème est résolu en utilisant non pas une version discrétisée de la transformé de Fourier du filtre, mais la transformée de Fourier discrète du filtre spatial discrétisé [97]. Cette implémentation est la preuve qu’une discrétisation naïve du continu par simple échantillonnage n’est généralement pas équivalente à un paradigme intégralement discret.

Dans ce sens, il nous semble important de citer les travaux de J. Guédon et Y. Bizais ainsi que ceux de S. Horbelt, M. Liebling et al. qui tentent de tenir compte de la nature réellement discrète des données pour proposer un algorithme de rétroprojection filtrée discret [74,77,91]. Dans [77] et [74], les auteurs proposent une modélisation de l’image discrète par une base de fonctions B-spline de degré zéro,

aussi appelées fonctions de Haar. Ce travail est largement étendu dans [91], où les

−νc νc 0.2 0.4 0.6 0.8 1 ν ˆ a(ν)

Ram-Lak ˆa(ν) = rectνc 2) Shepp-Logan ˆa(ν) = rectνc

2) sinc( ν 2νc) Hann ˆa(ν) = rectνc(ν

2) (0.5 + 0.5 cos(πν νc)) Hamming ˆa(ν) = rectνc(ν2) (0.54 + 0.46 cos(πνν

c)) −νc νc 1 2 3 4 ν |ν|ˆa(ν)

Figure 2.11 – Fenêtres d’apodisation (à gauche) et filtres de reconstruction correspondants (à droite)

B-spline et d’effectuer une discrétisation optimale au sens des moindres carrés, au lieu d’un échantillonnage direct. Ces travaux montrent, dans une certaine mesure, l’importance de travailler avec des discrétisations propres et proposent d’utiliser des bases de fonctions B-spline, qui sont dotées de caractéristiques optimales permettant de lier les problèmes discrets aux problèmes continus, et vice versa [20,165].

2.2.2.4 Bilan sur les méthodes analytiques

Les méthodes analytiques sont issues de la discrétisation du continu, on peut par ailleurs les trouver dans la littérature sous le terme méthodes continues. Elle ne font pas l’hypothèse d’un milieu d’acquisition discret, contrairement aux méthodes itératives. De plus, les algorithmes ne laissent que très peu de place aux apriori et aux modélisation physiques avancées (réponse impulsionnelle du capteur, atténuation). Pour ces raisons, les méthodes itératives sont de plus en plus utilisées et nous allons maintenant les présenter.

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