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José Rose

2. Diplômes et/ou certifications : spécificités et enjeux

Considéré jusqu’ici comme un seul ensemble, diplômes et certifications sont en réalité extrêmement diversifiés.

2.1. Comment distinguer les certifications entre elles ?

L’espace actuel des diplômes et certifications est marqué par une grande variété. Il y a bien entendu les diplômes, ceux-ci pouvant être soit d’État (et décernés par les divers ministères de l’Éducation nationale, de l’Agriculture, de Jeunesse et Sports, etc.) soit d’université et pouvant parfois être assortis de mentions complémentaires (comme pour le baccalauréat). Il y avait, jusqu’à une date récente, les titres homologués (devenus titres répertoriés) portés par les services de l’État, ceux du ministère du Travail (avec notamment les titres décernés par l’Afpa) ou portés par des organismes parapublics (chambres consulaires) ou par des organismes privés. Il y a les certificats : certificats de qualification professionnelle (CQP) des branches, certificats de compétence professionnelle du ministère de l’Emploi, certificats de compétences (CCE) des chambres de commerce. Il y a aussi les habilitations (pour conduite d’engin par exemple), les attestations (aptitude à la conduite de taxis, utilisation de logiciels, premiers secours), les labels (qualité) et des

certifications privées développées de façon purement interne par des entreprises, notamment multinationales, et qui peuvent être des conditions d’exercice du métier.

2.1.1. De nombreux critères de distinction

Reste alors à définir les critères susceptibles d’ordonner cet ensemble. Les uns renvoient à l’organisme certificateur que l’on peut caractériser par son statut (public, privé, associatif), son type d’activité (spécialisé ou non, formateur ou non) et son niveau (secondaire, supérieur). D’autres concernent le type de public : des jeunes ou des adultes, des publics ciblés ou non, sélectionnés ou non.

Il y a ensuite l’objet certifié qui peut être un ensemble constitué d’éléments insécables ou de modules. Il y a également le niveau de la certification, souvent dépendant de la durée de la formation, ce qui correspond à une conception implicite de la formation comme progression par marches successives, empilement de connaissances supposant des pré-requis et des points de départ équivalents, conception commode et qui semble aller de soi mais qui en fait se discute, notamment parce que le niveau réel de formation dépend aussi de la façon dont s’acquièrent les connaissances et dont le temps de formation est utilisé.

D’autres critères concernent le mode d’acquisition des qualités certifiées, qui peut être la formation formelle, de type scolaire ou non, mais aussi la formation informelle et l’expérience, le mode d’évaluation, qui peut se dérouler sous la forme classique de l’examen mais peut comporter aussi des mises en situation concrètes, et le mode de définition des certifications, qui peut se fonder sur des référentiels plus ou moins précis et formalisés.

On peut également distinguer les certifications par leur mode de reconnaissance et d’usage, lequel varie selon l’espace concerné (européen, national, de branche ou d’entreprise), le temps (indéfini ou limité), la mise en forme (avec inscription ou non dans les conventions collectives, les accords d’entreprises ou les nomenclatures de classifications) et le degré de reconnaissance (salariale notamment).

Enfin, on peut ajouter un critère de logique de certification. À cet égard, la distinction entre logique éducative et logique professionnelle reste pertinente et continue à opposer les certifications de la formation initiale, dont les objectifs sont la préparation à la vie dans toutes ses dimensions y compris, mais pas exclusivement, professionnelles, et celles de la vie active qui reflètent plus directement des objectifs rattachés aux situations d’emploi et de travail.

2.1.2. Un classement possible mais pas de véritable typologie

De cet inventaire de critères distinctifs, on peut retenir que certains relèvent de la construction des certifications (qui certifie ? comment et quoi ?), d’autres de leurs usages (pourquoi on certifie ? s’agit-il de gérer des parcours de formation initiale, de former à l’emploi ou de contrôler le développement d’une activité professionnelle ?), d’autres encore de leur portée (quel champ de reconnaissance ? quelle inscription dans des registres conventionnels ou de notoriété ?).

Pour simplifier, il est envisageable d’ordonner les diplômes et les certifications selon deux critères. Ainsi, dans le groupe des enseignements technologiques (GET) consacré à ce sujet en 1996, les certifications étaient distinguées au regard du degré de formalisation des normes et de l’étendue de leur application mais aussi de l’instance chargée du référent et de la validation. On distinguait alors des normes collectives dont certaines sont des normes officielles spécialement constituées pour sanctionner des parcours de formation (diplômes, titres homologués, CQP) tandis que d’autres existent sans constituer pour autant un titre spécifique, et des démarches d’identification de qualités individuelles non normées (type portefeuille de compétences).

Le premier critère est celui de la mise en forme des certifications qui recouvre les critères d’organisme et d’objet. Il permet de décliner une gamme de possibilités allant de certifications très structurées construites à partir de référentiels globaux et de dispositifs formels importants (comme les diplômes nationaux) à des certifications conçues de façon plus souple comme une combinatoire d’éléments plus ou moins prédéterminés. Le second critère est celui de la reconnaissance des certifications, de son ampleur, de son espace et de sa durée. On passe ainsi des diplômes à reconnaissance forte, générale, durable et attestée comme les diplômes d’État, à des certifications plus locales, temporaires et n’offrant que de faibles garanties.

Cette reconnaissance est parfois telle qu’elle constitue une condition d’accès à des emplois réglementés,

dans d’autres cas elle est institutionnalisée dans les conventions collectives, dans d’autres encore elle est simplement le fait d’une pratique locale.

Ces distinctions ne permettent pourtant pas de construire une véritable typologie à usage pratique car la période récente est justement marquée par le flou et le déplacement des critères distinctifs des certifications.

Ainsi, la distinction entre des référentiels structurés et englobants supposés caractériser l’enseignement secondaire, et des référentiels plus souples et fondés sur une combinatoire d’éléments, comme on le fait désormais dans l’enseignement supérieur avec le système des ECTS, ne va pas de soi. En effet, l’enseignement secondaire et la formation continue ont inventé de longue date les unités capitalisables tandis que le passage au système des unités dans l’enseignement supérieur a souvent conservé la structuration antérieure en filières et niveaux.

De même, le critère de la reconnaissance ne permet pas de différencier aussi nettement les diplômes, dont la portée est supposée générale et pérenne, alors qu’existent déjà des diplômes d’université et que l’on s’interroge actuellement sur la possibilité d’intégrer des habilitations à durée temporaire dans les référentiels des diplômes de l’enseignement secondaire. Inversement, les projets de certificats de qualification professionnelle (CQP) interprofessionnels rendent possible une reconnaissance dépassant largement le cadre de la branche comme cela était le cas pour les premiers certificats de qualification professionnelle.

Quant aux critères relatifs à l’objet de la certification, ils ne vont pas non plus de soi. Il devient en effet difficile, avec la validation des acquis de l’expérience, de dire que les diplômes de l’Éducation nationale attestent, mieux que les titres du ministère du Travail, d’acquis disciplinaires généraux, même si de fait, leurs référentiels contiennent des connaissances générales qui n’existent pas dans ceux des titres du ministère du Travail. Le lien entre savoirs généraux attestés par ces diplômes et aire générale de reconnaissance est aussi à questionner. De même, les CQP peuvent attester de savoirs formels, en sanctionnant des parcours de formation, ou de compétences, en étant adossés à des performances et non à des programmes de formation.

De tout cela ressort l’extrême réactivité actuelle des certificateurs, qui fondaient à l’origine leurs certifications sur des principes forts et clivants (sanctionner des capacités à occuper des emplois à court terme ou des capacités à s’adapter à long terme aux évolutions de la vie professionnelle) et qui, de plus en plus, tentent de tenir plusieurs objectifs en même temps. De ce fait, les certifications voient leur finalité évoluer et leur image se brouiller. Cela est vrai également des diplômes, même s’ils restent fortement structurés par leur finalité de sanction de la formation initiale pour des cohortes importantes de jeunes, ce qui ralentit les tentations de céder aux effets de mode mais rend les enjeux incomparablement plus importants.

2.2. En quoi le diplôme se distingue-t-il ?

Les diplômes se distinguent nettement des certifications mais il convient également d’établir, parmi eux, des distinctions.

2.2.1. Des éléments spécifiques aux diplômes

Au regard des critères de différenciation mentionnés plus haut, la spécificité du diplôme peut se formuler ainsi. Porté par l’État, il vise principalement à sanctionner ou valider un parcours éducatif destiné à des jeunes, dans le cadre de la scolarité obligatoire ou au-delà. L’objet certifié est un ensemble de connaissances acquises et attestées par une procédure de validation officielle, le système des examens.

Chaque diplôme s’inscrit dans une structure d’ensemble permettant des progressions et imposant des pré-requis. La reconnaissance est particulièrement forte tant du point de vue de l’espace concerné (le diplôme a un fort degré de généralité, une reconnaissance nationale, une forte image sociale) que du temps (le diplôme vaut pour toute la vie), de la forme (nombre de diplômes sont reconnus dans les conventions collectives et dans les classifications en niveaux et spécialités et la détention de certains diplômes conditionne l’accès aux concours de la fonction publique ou à des professions réglementées) ou des opportunités que le diplôme offre dans les registres scolaires (poursuite, équivalences, passerelles) et professionnels (critère d’embauche, condition de tenue d’un poste de travail, critère de promotion). On peut aussi dire que le diplôme remplit de multiples fonctions relevant de registres différents : poursuite d’études, accès à l’emploi, moyen d’évoluer dans sa carrière, sanction d’une formation, validation de compétences, etc. Dans sa conclusion, le GET 1996 prônait la conservation de « l’unicité du diplôme », marquée par

« une essence commune » par-delà la diversité des spécialités, et le maintien d’une « différence marquée » par rapport à toutes les autres certifications. Celle-ci était résumée en deux points : le diplôme comme élément d’un système articulé en niveaux et en spécialités, le diplôme comme signal d’aptitudes et de compétences permettant l’accès à une qualification avec des garanties particulières concernant l’exigence de culture générale, le contenu professionnel et la neutralité. « L’Éducation nationale doit défendre son rôle et sa légitimité en matière de formation et de certification professionnelle et y affirmer sa propre vision de la professionnalité : culture technologique de base, transversalité, rapport à la qualification professionnelle sans être (ni de droit ni de fait) une qualification professionnelle, rapport particulier au temps : le diplôme sert pour l’insertion immédiate, pour l’insertion différée, pour l’évolution de métier ou de carrière » (p. 12).

Il convient d’insister sur le fait que le diplôme se distingue radicalement des autres certifications par le fait qu’il s’inscrit dans une véritable architecture, ce qui explique sans doute sa puissance. Le diplôme d’État, dont les ministères, notamment celui de l’Éducation nationale, détiennent le monopole, constitue bien un référent. « Autour du système de référence ainsi institué et contrôlé, les titres et diplômes qui sont apparus hors de l’Éducation nationale avec le développement de la formation continue sont dotés de propriétés qui ne leur assurent pas une valeur équivalente : moins standardisés, moins stables dans le temps, ils sont aussi moins anonymes et moins détachés des caractéristiques de leurs titulaires » écrivait déjà J. Affichard en 1983 (Affichard, 1983, p. 60).

De leur côté, les diplômes professionnels de l’Éducation nationale peuvent se caractériser ainsi. Ils s’acquièrent selon plusieurs modes de préparation, une forme scolaire dominante et correspondant à ce que l’on appelait entre les deux guerres « l’apprentissage méthodique et complet » d’une spécialité, mais aussi en alternance et en apprentissage, et ils ont une double finalité propédeutique et professionnelle. C’est ici sans doute que les diplômes professionnels puisent leur force particulière par rapport à l’ensemble des autres certifications professionnelles. Ils sont inscrits en effet dans une véritable architecture construite selon trois dimensions : la filière, le niveau et la spécialité. Celle-ci propose un vaste éventail de diplômes hiérarchiquement organisés (CAP, BEP, bac professionnel, BTS) et distincts selon leur domaine mais aussi selon leur degré de spécialisation (certains diplômes étant spécifiques à un métier ou à une branche professionnelle, d’autres étant beaucoup plus généraux) et leur niveau. Enfin, il faut insister sur le fait que ces diplômes se distinguent par leur mode d’élaboration puisqu’ils impliquent les partenaires sociaux dans une procédure spécifique, les commissions professionnelles consultatives, chargées de définir les référentiels et la place des diplômes dans la cartographie d’ensemble.

2.2.2. Un ensemble hétérogène

Pour autant, les diplômes de l’Éducation nationale ne constituent pas un ensemble homogène. On peut en effet les distinguer selon les filières (générale, technologique, professionnelle), les niveaux (secondaire, supérieur), les spécialités (industrielles, tertiaires) et les acteurs de la certification (indépendants ou non des équipes pédagogiques).

Sur ce dernier point, l’enseignement supérieur se distingue par le fait que les établissements, et souvent les enseignants eux-mêmes, assurent avec une grande autonomie, à la fois la formation et la certification, tandis que dans l’enseignement secondaire, l’organisation des dispositifs de certification est nationale, du moins pour le baccalauréat. Notons au passage que l’organisation de l’enseignement secondaire, en scindant missions éducative et certificative, permet d’ouvrir l’accès aux examens à des candidats qui n’ont pas forcément suivi la formation dispensée par l’Éducation nationale (et les candidats libres représentent des effectifs non négligeables, tant des candidats que des diplômés, surtout dans certains niveaux et spécialités) tandis que dans l’enseignement supérieur, les diplômes nationaux sont fortement marqués par la singularité de chaque équipe pédagogique, ce qui complique l’attribution par validation des acquis de l’expérience de

« parties de diplômes » reconnues en droit par toutes les universités.

2.3. Quels sont les rapports possibles entre certifications ?

Reste enfin à examiner les rapports entre les diverses certifications. Parfois, certaines sont concurrentes entre elles dans la mesure où elles semblent correspondre à des contenus voisins et assurer des garanties équivalentes mais encore faut-il s’assurer de la réalité de cette concurrence. Parfois, elles sont complémentaires et viennent se combiner selon une logique de spécialisation ou d’approfondissement et dans un ensemble hiérarchiquement élaboré (comme dans les logiques de filières) ou structuré horizontalement (dans l’organisation en spécialités). Parfois, elles sont mises en rapport à travers les dispositifs d’équivalence.

La question de l’architecture de l’ensemble des diplômes et certifications se pose donc et mérite d’être examinée de près. Il ne s’agit pas pour autant d’envisager la « mise en cohérence » des certifications, qui est supposée relever de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), au moins dans les termes de la loi à son origine (2002). Sans prendre la place de cette commission, qui n’a actuellement ni la légitimité ni les moyens de réguler l’offre nationale de certification, il peut cependant être utile d’expliciter les spécificités de chaque certification, de repérer d’éventuels doublons, d’effectuer certains regroupements ou simplifications. Pour cela, la première possibilité est de comparer les contenus des certifications dont les intitulés semblent proches pour voir si elles sont dans des rapports de concurrence ou de complémentarité, ou constituent des certifications véritablement singulières. Il s’agit alors de comparer les référentiels constitutifs des certifications, qu’il s’agisse de référentiels d’activité lorsqu’ils existent, ou de référentiels de formation, sans omettre les référentiels de certification définissant les épreuves.

S’interroger sur les rapports entre certifications passe aussi par la compréhension des motifs de cette recherche de cohérence promise par la loi de 2002. Qui en est vraiment porteur, qui en fait usage et pourquoi ? S’agit-il de répondre à une demande de jeunes perdus dans le vaste espace des certifications ou d’employeurs soucieux de mieux repérer les signaux émis par les diverses certifications ? Est-ce l’institution éducative qui doit instaurer une cohérence entre ses filières, ses niveaux et ses spécialités ? Enfin, il importe de s’attacher aux caractéristiques des certifications et aux droits et opportunités qu’elles ouvrent à leurs détenteurs et aux organismes de formation qui préparent les personnes à l’obtention de ces certifications.

Ainsi, l’attribution de niveaux est particulièrement sensible en France et le choix du MEDEF de faire des CQP une exception à cet égard présage peut-être d’une évolution dans ce domaine ou simplement d’une réaction à l’hégémonique nomenclature des niveaux9.

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