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(ce chapitre est très directement inspiré des articles de N. Alby et de Y-J. Bignon [31]) Le savoir apporté par l'oncogénétique porte sur l'origine, le destin et la lignée.

Il est scientifique, fondé sur la biologie moléculaire, mais il est aussi statistique : il ne peut jamais répondre complètement et précisément aux seules questions qui comptent pour un individu : « Aurai-je un cancer, un autre cancer et quand ? Mes enfants seront-ils menacés et quand ? »

La prédiction s'arroge un droit sur le destin en prédisant un risque c'est à dire « un péril dans lequel entre l'idée du hasard ».

La tentation est forte de croire « prédire » le cancer pour le supprimer ; c'est pourquoi le terme de « médecine présomptive » paraît plus adapté que celui de « médecine prédictive ».

Le gène relie ascendants et descendants ; il est le support de représentations très fortes. L'intrusion du biologique dans la symbolique familiale est violente. Chaque sujet interprète ses liens généalogiques à partir de son fonctionnement imaginaire et de son statut dans la lignée.

Le rôle des croyances personnelles est dominant : par exemple il est difficile d'admettre qu'un gène de prédisposition aux cancers féminins puisse être transmis par la lignée paternelle.

Chacun a besoin de s'inscrire dans une lignée bienfaisante ; une MCD est une effraction dans ce système, une altération du patrimoine familial évoquant les malédictions bibliques s'étendant sur « tes fils et les fils de tes fils ».

Avec la découverte des principaux gènes de prédispositions héréditaires aux cancers (PHC) il existe aujourd’hui un diagnostic dit « prédictif » individuel de risque génétique de cancer.

Les PHC sont impliqués dans l'ensemble des cancers. La pénétrance des gènes est élevée mais toujours incomplète. Le risque cumulé sur la vie est de l'ordre de 80 voire 90 %, c'est à dire multiplié par un facteur 10 pour les cancers fréquents et un facteur 100 pour les cancers rares.

L'analyse génétique moléculaire d'une personne ne se fait qu’après signature d'un formulaire de consentement éclairé (article 16-10 du Code Civil).

Tant que le résultat n'est pas rendu (ce qui prend plusieurs mois en général), le consultant peut renoncer à l'analyse.

Il est éthique de ne PAS rendre un résultat si le consultant ne s'y sent pas prêt.

Pour illustrer la « tension psychologique » au moment du rendu du résultat du test génétique, voici quelques réactions au rendu d’un résultat positif de présence de mutation ( Etude réalisée au CHU de Clermont-Ferrand)

• Culpabilité de transmission à la descendance.

• Mais aussi, sentiment de soulagement exprimé : « Dieu ne m’a pas oublié », ou l’intuition confortée d’être aussi à très haut risque de cancer « je savais ».

Ou quelques réactions au rendu d’un résultat négatif de présence de mutation :

• Soulagement : c’est la réaction la plus commune, pouvant s’exprimer parfois par une explosion de joie quand le poids du risque familial était très lourd.

• Regret de démarches d’adoption entreprises pour éviter la transmission d’une maladie grave.

• Sentiment d’exclusion familiale, pourquoi suis-je épargné quand toute ma famille est touchée.

• Voire remise en question de sa famille pouvant aller au rejet de filiation.

Comme dit plus haut en début de ce travail, le consultant peut autoriser par avance le généticien à informer des apparentés concernés en cas de dépistage d'une MCD (que le consultant connaisse ou non le résultat).

En effet la loi (loi 2011-814 du 7 juillet 2011) oblige à informer le consultant des risques que son silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés par un MCD dont les conséquences pourraient être prévenus par un suivi adapté : sa responsabilité civile est en jeu.

Cette difficulté supplémentaire de la consultation d'oncogénétique a été résolue par le décret 2013-527 du 20 juin 2013. Il stipule que le consultant peut déléguer par écrit au médecin de procéder à l'information familiale (pour certains des apparentés ou leur ensemble), en invitant les apparentés

à se rendre à une consultation de génétique. Cela sans dévoiler le nom du proposant, ni l'anomalie génétique en cause, ni les risques associés. Une liste de généticiens exerçant dans la région des apparentés est jointe au courrier (voir en annexe le modèle du courrier à la parentèle).

En effet nombreuses sont les difficultés pouvant entraver l'information de la famille : famille trop vaste et dispersée ; conflits intrafamiliaux ; tabou du cancer dans certaines familles ; refus d'être le porteur de mauvaises nouvelles ; état de santé de certains apparentés... Lorsque le généticien contactera par écrit les apparentés, il va s'adresser à des personnes qui n'ont rien demandé, inversant ainsi la relation entre le médecin et le consultant !

Y-J. Bignon décrit leur réaction sous forme de satisfaction (conscients d'un risque familial, certains apprécient qu'on leur propose de l'aide) ; de panique (pour qui ignorait tout du risque) ou encore de colère (avec recherche immédiate du « coupable » qui a vu le généticien et n'en a pas parlé). De toute façon, le secret médical est strict : « le cancer a touché plusieurs membres de la famille, ce qui a justifié l'enquête génétique moléculaire pour permettre de proposer des diagnostics prédictifs individuels ».

multiples questions éthiques.

Les nouvelles techniques de séquençage (NGS) permettent de séquencer le génome humain en 24 heures pour 1000 dollars !

En oncogénétique, cela permet de développer de nouvelles approches pour analyser l'ADN constitutionnel, mais aussi l'ADN somatique des tumeurs.

De nouveaux médicaments en oncologie sont mis au point sur des bases moléculaires tumorales pour mieux cibler leur action.

Mais la tumeur comporte aussi des cellules normales (cellules du sang, des tissus de soutien, etc...) et cela peut amener parfois à identifier une mutation possiblement héréditaire.

On souhaite alors vérifier le statut du patient pour rechercher un risque héréditaire : il faut pour cela une consultation d'oncogénétique mais la encore l'accord du patient est indispensable.

D'autre part lorsqu'on étudie un vaste panel de gènes voire le génome entier, on peut trouver une MCD dite « mutation incidente ». Elle sera annoncée au patient uniquement s'il existe une prise en charge médicale efficace. Il est nécessaire de s'assurer préalablement de l'accord écrit du patient pour procéder à une telle analyse.

Certains aspects éthiques sont critiqués des 1994 par Schickle [31] qui invente le terme « screeningitis » traduit par « dépistomanie » par le Pr Eisinger.

En 1995, le Comité National d'Ethique rappelait : « Le mythe du gène, support du programme de la vie, est tel que cela conduit à l'illusion qu'une connaissance parfaite du génome d'un individu donnerait accès à la réalité de la personne »

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