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Partie 4. Analyse dynamique de la production du méthane de synthèse

4.3 Développement du modèle dynamique pour la méthanation du CO 2

4.3.1 Dimensionnement des réacteurs

Les réacteurs de méthanation sont représentés par un modèle de réacteur à écoulement piston « Plug Flow Reactor – PFR ». Les transferts de masse et de chaleur dans la direction axiale sont supposés uniformes ce qui permet de ramener la modélisation à une seule dimension. Les expressions cinétiques des réactions mises en jeu dans le réacteur sont prises en compte à travers l’introduction de lois cinétiques validées expérimentalement.

4.3.1.1 Validation des lois cinétiques de réaction

Avant de dimensionner les réacteurs, nous commençons par définir un modèle de la cinétique intrinsèque du procédé. La problématique générale qui se pose lors de cette étape concerne l’utilisation d’une expression simple qui fournira une représentation fiable de l’évolution du système étudié sans impacter considérablement le temps de calcul nécessaire. L’inconvénient majeur derrière cette simplification est l’inaptitude du modèle à détecter l’éventuelle formation d’autres espèces (CO, carbone…) qui peut parvenir sous des conditions opératoires extrêmes. Cette hypothèse de non-formation d’espèces chimiques intermédiaires repose essentiellement sur la haute sélectivité du CH4 observée par (Gao et al., 2012) quand les

conditions opératoires sont convenablement choisies (cf. partie 2.3.1).

Le modèle utilisé dans cette étude est basé sur la loi cinétique récemment développée par Koschany (Koschany et al., 2016) sur un catalyseur commercial dans un réacteur à lit fixe. Les expressions cinétiques qui suivent la formulation semi-empirique de LHHW (équations (4.8) à (4.11)), sont intégrées sous Aspen Plus pour représenter la conversion du CO2.

𝑟 = 𝑘. 𝑝𝐻0.52𝑝 𝐶𝑂2 0.5 1 − 𝑝𝐶𝐻4𝑝𝐻2𝑂 2 𝑝𝐶𝑂2𝑝𝐻42𝐾𝑒𝑞 (1 + 𝐾𝑂𝐻𝑝𝐻2𝑂 𝑝𝐻0.52 + 𝐾𝐻2𝑝𝐻2 0.5+ 𝐾 𝑚𝑖𝑥𝑝𝐶𝑂2 0.5 ) 2 𝑘𝑚𝑜𝑙. 𝑘𝑔𝑐𝑎𝑡−1. 𝑠−1 (4.8) 𝐾𝑒𝑞 = 137. 𝑇−3.9exp ( 158,7 𝑘𝐽/𝑚𝑜𝑙 𝑅𝑇 ) (4.9) 𝑘 = 𝑘0exp (−𝐸𝑎 𝑅𝑇) = 3,46.10 −9exp (−77,5 𝑘𝐽/𝑚𝑜𝑙 𝑅𝑇 ) (4.10) 𝐾𝑂𝐻,𝐻2,𝑚𝑖𝑥 = 𝐾0exp [−∆𝐻 𝑅 ( 1 𝑇− 1 𝑇𝑟)] (4.11) KOH KH2 Kmix K0 Pa-0,5 1,58.10-3 1,39.10-3 2,78.10-3 ΔH kJ/mol 22,4 -6,20 -10,0

Tableau 4.3– Paramètres des constantes d’adsorption à la température de référence de 282°C (Koschany et al., 2016)

Nous procédons à une étape intermédiaire de validation de ce modèle cinétique choisi en se basant sur les résultats de deux campagnes d’expériences disponibles dans la littérature. Les caractéristiques de chacune des campagnes de mesures sont récapitulées dans le Tableau 4.4.

Koschany et al., 2016 Ducamp, 2015 Masse catalyseur mg 25,0 26,0 Densité catalyseur kg/m3 2300 1278 Température °C 180 à 450 280 à 400 Pression bar 8 1 à 10 Débit H2 mol/h 0,06692 0,26769 Débit CO2 mol/h 0,01673 0,06692 Débit Ar mol/h 0,08365 –

Tableau 4.4– Paramètres d’étude des lois cinétiques dans la littérature

La première comparaison concerne l’étude expérimentale de Koschany (Koschany et al., 2016) dans laquelle les données cinétiques ont été enregistrées avec 25 mg de catalyseur à base de nickel dans la gamme de température de 180 à 450°C, une pression de 8 bar et un rapport stœchiométrique de 4 entre les réactifs. Le taux de conversion du CO2 expérimental est

comparé au modèle cinétique développé par les mêmes auteurs (cf. Figure 2.19). Le modèle développé dans cette étude arrive à prédire l’influence de la température de réaction sur le taux de conversion du CO2 avec une précision comparable à celle obtenue par les auteurs (voir

Figure 4.18).

Figure 4.18– Comparaison du taux de conversion du CO2 obtenue par l’expérience de

Figure 4.19– Comparaison du taux de conversion du CO2 obtenue par (Ducamp, 2015) et le

modèle développé dans cette étude (température variée entre 280 et 400°C)

Dans le cadre de la caractérisation complète d’un réacteur-échangeur à lit fixe pour la méthanation du CO2, Ducamp (Ducamp, 2015) a réalisé une série de campagne de mesure en

variant les conditions opératoires du réacteur isotherme. Le catalyseur utilisé dans l’étude expérimentale est connu sous la référence commerciale de « Octolyst 1001 ». Il s’agit d’un catalyseur à base de nickel sur un support d’alumine gamma (Ducamp et al., 2017). Le modèle créé permet de prédire le taux de conversion du CO2 avec une erreur de ±20% pour la majorité

des points mesurés par l’étude expérimentale citée (cf. Figure 4.19). 4.3.1.2 Equations du modèle numérique en régime instationnaire

Le modèle numérique que nous utilisons pour la caractérisation en régime instationnaire des réacteurs de méthanation est constitué des équations de conservation de la matière, de la quantité de mouvement et de l’énergie. L’approche de modélisation consiste à considérer un milieu réactionnel homogène essentiellement gazeux. La présence du catalyseur est implicitement représentée à travers l’introduction de ces caractéristiques thermiques. On parle ainsi d’un modèle pseudo-homogène qui regroupe la simplicité et la rapidité de résolution du modèle homogène et la capacité de détection des phénomènes particuliers surgissant lors d’une opération transitoire du modèle hétérogène (voir partie 4.1.2). De plus, nous négligeons les flux de dispersion axiaux qui peuvent survenir dans le milieu poreux ce qui nous ramène à la résolution d’un problème unidimensionnel suivant la longueur du réacteur.

𝜕𝜌𝑔 𝜕𝑡 + 𝑑(𝜌𝑔𝑢𝑔) 𝑑𝑧 = 0 (4.12) 𝜕𝐶𝑖 𝜕𝑡 = − 𝑑𝐶𝑖 𝑑𝑧 + 𝑟 𝜌𝑐(1 − 𝜀) (4.13)

𝜌𝑔𝐶𝑝𝑔𝜕𝑇𝑔 𝜕𝑡 = − 𝑑(𝜌𝑔𝐶𝑝𝑔𝑢𝑔𝑇𝑔) 𝑑𝑧 + 𝐴𝑐𝑈𝑐(𝑇𝑐− 𝑇𝑔) (4.14) 𝐶𝑝𝑐𝜕𝑇𝑐 𝜕𝑡 = 𝑟∆𝑟𝐻(𝑇𝑐) (4.15) 𝑑𝑃 𝑑𝑧 = 150 (1 − 𝜀)2 𝜀3 𝜇𝑔𝑢𝑔 𝑑𝑐2 + 1,75 (1 − 𝜀) 𝜀3 𝜌𝑐𝑢𝑔2 𝑑𝑐 (4.16)

L’équation de continuité (4.12), écrite en régime instationnaire pour un réacteur à lit fixe sous les hypothèses susmentionnées, met en jeu la masse volumique du mélange gazeux 𝜌𝑔 et la vitesse superficielle moyenne 𝑢𝑔 sur la surface droite du tube de réacteur. Le bilan de matière (4.13) écrit pour chaque espèce i exprime l’évolution spatiotemporelle des concentrations des gaz 𝐶𝑖 en fonction de la cinétique de la réaction r et de la masse volumique apparente du lit

catalytique qui est le produit de la densité du catalyseur 𝜌𝑐 et de la fraction non vide du

lit (1 − 𝜀). Le bilan thermique (4.14) écrit pour la phase gazeuse prend en considération l’échange convectif avec la phase solide (catalyseur) en introduisant les caractéristiques d’échange thermique 𝐴𝑐, la surface spécifique du catalyseur et 𝑈𝑐, le coefficient d’échange

global déterminé par l’intermédiaire d’un ensemble de corrélations fournies en annexe E. Le bilan thermique (4.15), écrit pour la phase solide à l’échelle du grain de catalyseur, fait intervenir la chaleur dégagée par la réaction ∆𝑟𝐻 et la capacité calorifique du catalyseur. Enfin,

l’équation de conservation de la quantité de mouvement (4.16), appelée également l’équation d’Ergun dans le cas des réacteurs à lit fixe, met en relation la pression du réacteur en fonction des caractéristiques fluidiques du lit catalytique : la viscosité dynamique du mélange 𝜇𝑔, le

diamètre de la particule de catalyseur 𝑑𝑐 et la fraction du vide 𝜀.

Les paramètres caractéristiques du catalyseur présents dans ces équations sont fixés par rapport aux valeurs couramment utilisées dans les travaux de modélisation des réacteurs de méthanation. La capacité calorifique à pression constante du grain de catalyseur est estimée à 1063 J.kg -1.K-1, d’après les travaux de Oliveira et al. (Oliveira et al., 2011) réalisés sur le même

type de catalyseur étudié par (Ducamp, 2015). Bremer et al., ont choisi une valeur de 1107 J.kg

-1.K-1 pour le développement de leur modèle dynamique (Bremer et al., 2017). La surface

spécifique du catalyseur est fixée à une valeur de 10 600 m².m-3 (Oliveira et al., 2011), (Try et

al., 2018). Le reste des caractéristiques physiques et géométriques sont déterminées à partir

des pratiques usuelles en conception et design des réacteurs à lit fixe. Le résultat du dimensionnement des quatre réacteurs de méthanation utilisés dans l’unité EMO est récapitulé plus loin dans le Tableau 4.5.

4.3.1.3 Design des réacteurs de méthanation

Pour une application industrielle à l’échelle de l’installation étudiée, les réacteurs multitubulaires semblent fournir une solution adaptée au procédé de méthanation (Figure 4.20). Leur flexibilité, coût et facilité d’entretien (déchargement et remplacement du catalyseur) présentent des avantages considérables notamment lorsqu’un fonctionnement intermittent est prévu. La structure multitubulaire de ces réacteurs permet une répartition optimale du catalyseur sur le volume disponible. Les tubes sont soigneusement chargés avec les particules de catalyseur: une distribution uniforme du catalyseur est essentielle, notamment afin d’atténuer les effets de dispersion, de permettre une répartition plus

homogène des flux de chaleur au sein du lit catalytique et d’empêcher la formation des points chauds qui peuvent désactiver le catalyseur.

Un premier critère important à considérer lors du dimensionnement et de classification de ces réacteurs est la vitesse spatiale horaire des gaz « Gas Hourly Spatial Velocity – GHSV ». Cette vitesse est définie par le rapport du débit de gaz à l’entrée du réacteur et de son volume, elle est habituellement exprimée en h-1. Plus ce rapport est grand, plus la quantité de gaz traité est

importante (pour deux réacteurs de même volume et de même taux de conversion). A l’échelle industrielle, l’étude de Götz et al. (Götz et al., 2016) fixe le GHSV maximum entre 2000 et 5000 h-1 pour la technologie des réacteurs de méthanation à lit fixe. A titre de comparaison, le

procédé de reformage du méthane, qui est le procédé inverse de la méthanation, utilise des réacteurs multitubulaires avec un GHSV de 3000 h-1 (Rase, 1977).

Le diamètre du tube est généralement supérieur à 8 fois le diamètre des granulés (pour minimiser les phénomènes de dispersion) et sa longueur est limitée par les pertes de charge admissible (Perry and Green, 2008). Le transfert de chaleur requis par volume du catalyseur peut également imposer une limite supérieure au diamètre du tube.

Figure 4.20– Schéma d’un réacteur échangeur à tubes (Perry and Green, 2008)

Avec ce type de design, le scale-up d’un réacteur à l’échelle d’un démonstrateur ou d’une installation industrielle dépend essentiellement du nombre de tubes requis pour le traitement de la quantité de gaz supplémentaire. Si nous revenons à l’exemple du procédé de reformage de méthane, les hauts fourneaux (i.e. réacteurs catalytiques à très haute température utilisés dans le procédé) contiennent en général de 500 à 600 tubes avec une longueur de 7 à 12 m et un diamètre de tube entre 70 et 130 mm (Moulijn et al., 2013).

Dans le cas de l’unité de méthanation, nous disposons auparavant d’une première information concernant les débits des gaz à l’entrée de chaque réacteur : résultat du modèle statique. Nous imposant ensuite une fraction de vide constante de 40% pour le remplissage des tubes de réacteur. Nous fixons également la masse volumique du catalyseur utilisé qui dépend, entre autres, de la fraction massique du nickel s’y trouvant. Le diamètre des tubes 𝑑𝑡 est imposé

également ce qui détermine le diamètre des grains de catalyseur pour le calcul des pertes de charge (équation (4.16)). Ensuite, pour chaque réacteur, nous déterminons un couple de nombre de tubes 𝑁𝑡 et de langueur de tube 𝐿𝑡 qui ne dépasse pas d’une part le GHSV maximal

de 5000 h-1 et qui permet d’atteindre une composition stable du mélange produit sans pour

détermination de la masse de catalyseur 𝑚𝑐 nécessaire pour respecter ces contraintes passe

par le calcul du volume total du réacteur 𝑉𝑅 (somme des volumes des tubes) et la densité

apparente du lit catalytique :

𝑚𝑐 = 𝑉𝑅𝜌𝑐(1 − 𝜀) = 𝑁𝑡𝜋𝑑𝑡

2𝐿 𝑡

4 𝜌𝑐(1 − 𝜀) (4.17)

Le résultat du dimensionnement des quatre réacteurs de méthanation utilisés dans l’unité EMO est récapitulé dans le Tableau 4.5. Le premier réacteur R1, traite le plus grand débit de gaz en entrée compte tenu du flux recyclé à son entrée afin de réduire la température de réaction. De ce fait, il constitue le réacteur le plus grand en taille et en poids de catalyseur de l’installation. La réaction au niveau de ce premier réacteur a lieu dans les premiers centimètres en aval de l’entrée du réacteur.

Tableau 4.5– Paramètres de dimensionnement des réacteurs de méthanation

Réacteur R1 R2 R3 R4 Débit d’entrée Nm3.h-1 210 884 46 821 43 940 17 978 Diamètre catalyseur mm 16 16 16 16 Densité apparente kg.m-3 750 750 750 750 Densité catalyseur kg.m-3 1 250 1 250 1 250 1 250 Fraction du vide % 40 40 40 40 Langueur tube m 7,0 5,0 4,0 3,0 Diamètre tube mm 128 128 128 128 Nombre tubes 570 160 185 100 GHSV h-1 4 107 4 548 4 614 4 657 Volume réacteur m3 51,3 10,3 9,52 3,86 Masse catalyseur kg 38 507 7 721 7 142 2 895 Perte de charge % 1,8 0,5 0,5 0,5 Coefficient d’échange W/m2.K 393,5 317,3 260,3 251,1