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Dimension culturelle de la recherche

12.2 Relations et confiance

12.2.3 Dimension culturelle de la recherche

Comme explicit´e dans ce travail, la relation entre l’universit´e et l’industrie a fortement ´evolu´e ces vingt derni`eres ann´ees. Cependant, cette ´evolution n’a pas eu les mˆemes impacts sur toutes les universit´es. Selon le degr´e d’ouverture vers l’industrie, les universit´e ne d´eveloppent pas les mˆemes structures de valorisation, ni les mˆemes rapports avec cette entit´e. D’apr`es un entretien effectu´e avec un expert en valorisation, la performance des bureaux de valorisation montr´ealais est surtout fonction de la culture autour de la recherche universitaire. Ce param`etre expliquerait par exemple pourquoi l’universit´e McGill, travaillant avec MSBIV, a des r´esultats sup´erieurs `a ceux d’Univalor : McGill poss`ede un nombre important de chercheurs en provenance des ´Etats-Unis et de la Chine o`u il est plus courant d’ˆetre tourn´e vers la valorisation. De ce fait, ces chercheurs sont tr`es actifs dans ce domaine et, bien qu’ils ne repr´esentent pas la majorit´e des chercheurs, contribuent fortement aux performances du bureau. Un chercheur de l’Universit´e de Montr´eal illustre bien par ses propos cette diff´erence :

« Le plus embˆetant c’est la politique g´en´erale de la recherche et la mani`ere dont ¸ca ´evolue, que tout devient de la recherche cibl´ee, on peut de moins en moins faire de la recherche en fonction de notre curiosit´e et on est moins libre, il faut que ¸ca r´eponde `a des probl`emes particuliers. [...] [Dans le cadre de la valorisation de notre technologie] on nous demandait d’aller voir les compagnies et leur vendre notre technologie et on a pas l’habitude de faire ¸

ca. »

Deux aspects importants qui ressortent de cet extrait. Tout d’abord, le premier argument critique la troisi`eme mission de l’universit´e et son importance grandissante, laquelle diminue les possibilit´es de recherche non cibl´ee.

Ceci rappelle le scepticisme g´en´eral mentionn´e `a l’´egard de la relation universit´e-industrie et rappelle `

a quel point la valorisation se trouve au centre de telles pr´eoccupations. Notamment, cette activit´e souligne l’importance grandissante de la troisi`eme mission universitaire. Les changements induits par cette red´efinition de l’universit´e pourraient amener la recherche `a ˆetre totalement et uniquement tourn´ee vers l’industrie, ce qui transformerait la d´efinition mˆeme de la recherche.

Le second argument, quant `a lui, exprime l’id´ee d’un manque d’exp´erience ce qui, suivant le d´ebut de l’extrait, marque le sceau d’une culture universitaire encore peu tourn´ee vers l’industrie.

Dans la comparaison Univalor - LRD, une autre dimension vient soutenir cette id´ee et concerne un moment cl´e dans le processus de transfert : la recherche de partenaires industriels. De mani`ere g´en´erale - il y a donc des exceptions - les chercheurs de l’Universit´e de Montr´eal font appel aux services d’Univalor sans avoir de partenaires industriels. Cela fait partie de la d´emarche classique du bureau d’effectuer cette recherche. `A la KUL, de mani`ere g´en´erale, les chercheurs arrivent chez LRD avec leurs partenaires industriels.

– LRD vous a-t-elle aid´e `a trouver des contacts dans l’industrie ?

– Non, ¸ca c’est moi. Ce serait tout `a fait impossible pour eux de suivre l’industrie. Si un professeur fait ce qu’il est cens´e faire, alors il devrait venir lui-mˆeme avec ses contacts. Il peut y avoir des exceptions `a cette r`egle, mais je pense que l’approche sommet - base ne peut pas fonctionner.

– Pourquoi ?

– [Du fait qu’il y ait trop de chercheurs], ils [LRD] ne peuvent pas comprendre tous les sujets. Les contacts doivent donc venir de l’individu.

Cette citation est donc assez ´eloquente sur l’aspect trait´e et montre `a quel point la culture de la recherche universitaire peut avoir un impact sur le processus de transfert et donc sur la performance d’une soci´et´e de valorisation. Il faut ici se souvenir du mod`ele d’´economie du savoir et voir que les chercheurs de la KUL l’ont probablement bien int´egr´e. Selon l’extrait, le chercheur consid`ere effectivement qu’il est normal pour un chercheur d’avoir ses propres contacts industriels, donc d’ˆetre tourn´e vers l’industrie et donc de participer `a la troisi`eme mission de l’universit´e. Cet aspect se comprend ´egalement `a la lumi`ere de la deuxi`eme tendance principale du Mode 2.

Enfin, si l’on regarde l’activit´e de valorisation, outre la culture universitaire dans laquelle elle baigne, son caract`ere nouveau a un impact sur les acteurs du « syst`eme de valorisation » - principalement chercheurs et employ´es du bureau de transfert - d’un point de vue strat´egique. La nouvelle forme d’organisation qu’apporte la valorisation - les soci´et´es de valorisation - est en effet une corollaire du changement d’orientation de la recherche universitaire et « le changement suppose que tombe momentan´ement [...] la capacit´e `a cacher son jeu pour maˆıtriser les zones d’incertitudes pertinentes. [...]. Le changement suppose une transparence, un moment de confiance pour engager d’autres relations. »199. Dans le cas d’Univalor, ceci suppose que la confiance est v´eritablement une caract´eristique indispensable `a la valorisation, tant il est vrai que pour de nombreux chercheurs il s’agit encore d’une sph`ere peu connue et symbole de changement. Cela peut ˆetre contrast´e avec LRD, existant depuis longtemps et connue de la majorit´e : pour ce bureau, la capacit´e de maˆıtriser les zones d’incertitudes n’est pas affect´ee `a ce niveau car ils ne doivent pas leur existence `a un changement r´ecent. Ces arguments sont, d’un point de vue strat´egique,

199

Bernoux Philippe, Servet Jean-Michel sous la direction de, 1997, op. cit., p. 356, cit´e dans Barr´e Philippe, 2003, op. cit., p. 81

coh´erents avec la position de relais vue ci-dessus.