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Gérard Cagni et Sabine Chabert (SEDAP)

Profils des consommateurs

D’une manière générale, et ce dans tous les milieux observés, la proportion des femmes semble en augmentation par rapport aux années précédentes pour la plu-part des produits.

L’abaissement de l’âge des consommateurs (15-23 ans), notamment dans le milieu festif, se confirme.

Polyconsommation

On constate une généralisation de la polyconsommation et surtout une augmen-tation de la variété des produits consommés (l’alcool et le tabac restant les substan-ces les plus utilisées). Quel que soit le produit, il est observé que de plus en plus d’usagers recherchent un effet maximum et immédiat « la défonce pour la défonce ».

Opiacés

L’héroïne ne semble pas plus disponible sur le site et pourtant son usage est plus visible dans le milieu festif où l’on remarque une augmentation des consom-mateurs occasionnels. L’héroïne semble être consommée à la fois comme un pro-duit de régulation des stimulants et hallucinogènes et pour ses effets opiacés spé-cifiques. Mais cette consommation semble pour le moment minoritaire. La poursuite d’une observation de ce phénomène s’impose.

Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003

et en particulier celle de l’héroïne. Les jeunes perçoivent le Subutex® comme un mauvais produit, surtout associé aux usagers les plus dépendants. L’injection et le sniff de la BHD poursuivent leur évolution ascendante par rapport aux années précédentes.

Bien que la méthadone soit disponible hors prescription médicale, sa diffusion reste très limitée. Il en va de même pour le sulfate de morphine qui semble jouer un rôle marginal. L’usage de médicaments codéinés (Néocodion®, Dicodin®) sem-ble également en diminution.

Psychostimulants

La place importante de la cocaïne dans le panel des produits proposés se confirme. Sa disponibilité continue d’augmenter tant dans l’espace festif que dans l’espace urbain. On remarque davantage une augmentation de la consommation chez les usagers habituels de cocaïne que son élargissement à d’autres publics. Le service des douanes signale que les saisies de cocaïne ont augmenté fortement en Bourgogne. La consommation de free-base/crack se popularise et devient visible en free-parties et en appartement. Cependant, les usagers réfutent majoritairement l’appellation « crack ».

Parmi les échantillons de MDMA collectés par le dispositif SINTES en 2003, on note la présence de comprimés fortement dosés (7 comprimés entre 116 mg et 135 mg) ainsi que de 3 poudres composées à 90/100 % de chlorhydrate de MDMA.

Les observateurs de l’espace festif font état parmi les usagers de MDMA d’une recherche d’effets plus orientée vers la stimulation et la performance que vers les effets empathogènes. Certains usagers multiplient les prises au cours d’une même soirée ; la MDMA et les amphétamines sont surtout présentes dans l’espace festif techno alors que la cocaïne et la free-base le sont dans les deux espa-ces. Les modes d’administration dominants sont : la voie nasale pour la cocaïne et les amphétamines ; la voie orale pour l’ecstasy et la voie pulmonaire pour la free-base. Dans l’espace urbain, la cocaïne est aussi utilisée par voie injectable par les consommateurs.

Cannabis

Outre sa « cote » dans les lycées, l’usage de cannabis est plus fréquemment observé dans les collèges de l’agglomération et en zone rurale. C’est un produit dont la consommation s’inscrit de plus en plus dans le quotidien de certaines per-sonnes. On constate une augmentation de 40 % de l’activité du « classement sous condition » sous main de justice, ainsi que les premières demandes de soins dans les CSST pour les usagers abusifs.

Hallucinogènes

Les hallucinogènes, et en particulier le LSD, finalement peu disponible cette année, sont fortement recherchés dans le milieu festif, principalement dans les milieux « tribe », « hard tek », « hardcore ».

Les champignons ont l’image toujours très positive d’un produit peu dange-reux. Ils sont très disponibles sur le site.

Le profil des consommateurs de LSD, de champignons ou de protoxyde d’azote semble être assez similaire à celui des consommateurs d’ecstasy. Celui des consom-mateurs réguliers de kétamine semble quant à lui différent : on y trouverait plus sou-vent des adeptes d’un mode de vie marginal et en « rébellion » avec la société.

Le Datura est consommé par une population spécifique de teufeurs précarisés.

La racine et les graines auraient des effets marqués et difficiles à gérer.

La Salvia Divinorum a fait son entrée au printemps dernier tant en milieu fes-tif dans une optique de régulation de produits psychostimulants, qu’en milieu urbain où elle est consommée en petit comité dans un but d’introspection. Ces plantes accessibles sont toujours considérées comme étant moins dangereuses puisque naturelles.

Nouveau produit

La N, N-diisopropyl-5-méthoxytryptamine (famille des tryptamines) vendu pour de la DMT a été identifié dans un échantillon de liquide incolore et inodore à ingérer, vendu entre 5 et 10 euros dans une petite fiole en plastique de 1ml.

Modes d’administration

La voie d’administration intraveineuse de l’héroïne demeure prépondérante dans l’espace urbain du site. Cependant, l’usage de la voie nasale tant pour l’héroïne que pour la BHD est en progression. Une situation opposée est observée au sein de l’espace festif où les voies nasale et pulmonaire demeurent prépondérantes, mais où l’usage de la voie injectable serait en discrète augmentation. La pratique du « sniff tout duit » est en forte augmentation sur le site dijonnais. Considéré comme « plus pro-pre », ce mode d’administration banalise ainsi la prise de drogues. Les flyers, « Le sniff propre » et les strawbags, sont toujours très demandés.

En conclusion

La diversité des produits circulants, l’hétérogénéité des usagers et des scènes de consommation semblent marquer un tournant dans l’évolution des consomma-tions. Une poursuite de l’observation est nécessaire pour décrire les mutations qui paraissent s’opérer sur le site.

Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003

Depuis trois années consécutives, la Guyane participe au dispositif TREND avec pour objectif de mieux cerner les problématiques et les phénomènes émer-gents des usages de substances illicites sur le site.

Contexte général

Le paysage guyanais a changé, de manière brutale, dans les années 1985-1990 avec la guerre civile du Surinam voisin et ses réfugiés dans l’ouest de la région.

Parallèlement, et en lien avec l’avènement du produit dans la zone caraïbe, la cocaïne-crack faisait son apparition sur le sol guyanais.

Jusque-là, peu soumise aux problématiques de consommations addictives à grande échelle (hormis la consommation d’alcool, notamment de rhum), la Guyane se trouve propulsée, rapidement, au rang des premiers lieux de trafics et de consom-mations de crack, auxquels s’ajoute le développement, en parallèle, d’un usage d’herbe de cannabis, certes préexistant mais dans des proportions bien moindres.

Depuis 1990 et jusqu’à aujourd’hui, ces trois substances : alcool, herbe de canna-bis et cocaïne-crack, dominent largement l’espace de consommations sur le site.

Souvent associés en polyconsommations, ces trois produits sont présents dans bien des couches de la société, de façon plus ou moins visible, selon les milieux concernés.

Les produits

Si l’alcool, produit licite et plus que toléré (en Guyane, les débits de boisson sont à la porte des petits commerces d’alimentation, avec le décapsuleur à portée de main et les jeunes mineurs repartent sans difficultés avec leurs bouteilles…) reste le produit de choix, l’herbe de cannabis, autrefois consommée dans certai-nes communautés (Buschinenge du fleuve, « Rasta » de Guyane), s’est largement banalisée avec une consommation sans cesse croissante et de plus en plus jeune.

Produit « naturel », sans danger aux yeux des jeunes, évoluant en parallèle du déve-loppement d’une mouvance « Rasta », à l’instar des jeunes du Surinam et du Guyana voisins, de plus en plus nombreux sur le territoire ; « l’herbe » est cultivée sur place ou vient du Surinam, elle peut être « donnée en cadeau » pour appâter à d’autres produits ou vendue entre 1 à 5 euros le « paquet » (10 g).

Le crack, lui, s’est implanté rapidement, avec, dans les premières années, une croissance de développement exponentielle, touchant, en premier, les plus fragiles et les plus démunis (marginaux, malades mentaux). Il s’est, depuis, subreptice-ment infiltré dans tous les milieux (cadres, enseignants, fonctionnaires, artisans), certes de manière minoritaire mais bien réelle. Facteur de désocialisation et d’exclusion, il touche surtout, et de manière de plus en plus criante, les groupes

57. Enquête sur la santé des jeunes des lycées et collèges, ORSG (observatoire Régional de Santé de Guyane) Avril 2003.

d’usagers défavorisés et/ou marginaux : chômeurs, errants, milieux de prostitution et d’orpaillage ; le crack est partout, aussi bien au coin de la rue que dans des sites ruraux isolés, il n’est pas besoin de le chercher, il vient à vous tout simplement, sur simple sollicitation directe des « dealers », bon marché (entre 1,5 et 5, selon les lieux et les clients). Les jeunes ne sont pas vraiment épargnés et sa consommation se répand auprès des jeunes des rues, de plus en plus nombreux et souvent en situa-tion irrégulière, mais aussi auprès de jeunes scolarisés57; l’âge moyen d’initiation est de 17 ans chez les consommateurs et la prévalence de 3,5 % chez les adoles-cents en milieu scolaire. Les associations crack-cannabis en « Blaka Jango », sont un mode fréquent d’usage à cet âge.

À côté de ces trois produits majoritaires, déjà bien implantés sur le site, se côtoient et s’installent d’autres pratiques de consommations, certaines anecdo-tiques, d’autres plus importantes, marquant une évolution dans les comportements d’usage des Guyanais, qu’ils soient locaux, de passage ou issus de communautés traditionnelles, ceci selon les produits choisis.

Un certain retour de la cocaïne poudre, considérée comme moins dangereuse que le crack et relativement accessible (12 à 30 euros le gramme) est constaté chez les plus aisés, le plus souvent « sniffée », le mode injecté demeurant rarissime sur le site.

L’héroïne, de tradition minoritaire sur ce site (prévalence de 10 % en milieu de soin spécialisé) ne se développe pas précisément, mais serait utilisée, parfois, plus sur un mode festif en polyconsommation ; elle deviendrait aussi un moyen de régu-lation des effets du crack, tout comme l’alcool et le cannabis. Cela serait à rap-procher du détournement progressif de la buprénorphine haut dosage (Subutex®) et d’une évolution vers l’usage détourné de certains tranquillisants (Valium®) aux même fins de régulation. La forme communément utilisée est le « Brown sugar » sur un mode « fumé ».

L’opium reste un produit usité en communauté asiatique et notamment H’mong mais sans débordement social et est à rapprocher de certains usages de plantes hal-lucinogènes en milieu amérindien.

La résine de cannabis et l’ecstasy ont fait une apparition confirmée sur le site depuis trois à quatre ans et sont utilisées en milieu jeune et festif ; le développement d’usage expérimental de « décoctions en tous genres » (boissons au cannabis, décoctions de Datura…) se retrouvent aussi dans certains milieux festifs initiés.

Produits plus rares et plutôt inquiétants, la méthamphétamine ou « Ice » circu-lerait a minima dans certains cercles et le « GHB » serait assez fréquemment uti-lisé pour nuire à des personnes (vol d’argent ou de papiers, abus sexuels).

Chez les plus jeunes, l’inhalation de solvants avait été décrite en 1997, dans une enquête en milieu scolaire (ORSG) et, bien qu’en diminution au profit du can-nabis, cette pratique demeure chez les plus jeunes mais, surtout, semble progres-ser auprès de jeunes plus âgés, en errance, avec le développement d’usage de sacs plastiques favorisant l’inhalation (les produits utilisés préférentiellement seraient de la classe des détergents).

Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003

halation de tabac liquide en décoction. Ces pratiques témoignent de conduites à risques importantes et d’une paupérisation des usages, dans une course à la recher-che d’effets psychotropes par tous les moyens.

Conséquences sanitaires

Parmi les conséquences sanitaires, les plus marquantes restent les troubles psychologiques consécutifs à l’usage de crack et de cannabis, toutefois, il faut sou-ligner l’augmentation des pathologies somatiques décelées, notamment pour ce qui concerne les infections pulmonaires et les infections virales (hépatites C, sida).

Quelques cas de tuberculose chez des patients sidéens consommateurs de crack sont signalés ; les conséquences du fort lien « crack-conduites à risques sexuelles-prosti-tution » pour le sida et les risques de contamination du virus HCV par le partage de matériel d’inhalation commencent à être préoccupantes et auraient, sans doute, dû faire l’objet de plus d’attention auparavant, en termes de mesures de prévention.

En conclusion, l’hégémonie du crack et de l’herbe de cannabis reste incontes-table, cependant, l’ensemble des conduites addictives répertoriées, la diversité des produits circulants et l’hétérogénéité des groupes d’usagers semblent marquer un tournant dans l’évolution des consommations, sur le site, notamment en milieu fes-tif et auprès des jeunes, toutes catégories confondues.

Cela vient s’inscrire dans une réalité préoccupante pour l’avenir proche, en l’absence d’amélioration sociale en termes de logement, d’intégration et surtout d’éducation avec la nécessité d’un effort considérable en direction de la jeunesse, ici majoritaire au plan démographique (moins de 25 ans > 50 % de la popula-tion !).

Dans le document TRENDTendances récentes et nouvelles drogues (Page 192-197)

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