• Aucun résultat trouvé

Les exemples de l’implication de l’autophagie dans ces 5 versants de la vie des organismes uni et multi-cellulaires sont nombreux et ont été résumés dans une revue (Levine and Klionsky 2004), quelques uns seront cités ci-après.

L’autophagie est stimulée par la carence dans tous les organismes. Elle permet alors de recycler des macromolécules issues de portions de cytoplasme ou d’organelles afin de les mettre au service des fonctions essentielles à la survie. En conséquence, les cellules déficientes pour l’autophagie ont une survie réduite en carence. Cette observation est à la base de nombreux cribles ayant permis d’isoler des mutants atg chez la levure dans les années 1990 (Tsukada and Ohsumi 1993).

Intuitivement, on comprend facilement que la dégradation autophagique permette l’ajustement de l’expression des protéines devenues obsolètes pendant la différenciation, souvent induite par le stress. Les ressources ainsi recyclées sont utilisées pour en former de nouvelles protéines et structures rendues nécessaires par les changements phénotypiques. Cette hypothèse est confortée par des données génétiques chez S. cerevisiae, Dictyostelium discoideum, et C. elegans (figure 29). Dans ces

trois organismes, la machinerie d’autophagie intervient dans la différentiation induite par le stress. Alors que les Atg sont dispensables pendant la croissance végétative chez la levure, elles deviennent nécessaires pendant la carence et la formation des spores qui suit (Tsukada and Ohsumi 1993). Chez l’amibe, une carence nutritive induit un cycle complexe de développement conduisant à la formation d’un organisme multicellulaire, le « fruiting body ». Cette sporulation lui permet de se disperser à la recherche de réserve du sol. La mutagénèse par insertion dans plusieurs ATG entraîne une perte importante de viabilité pendant la carence et la formation de structures anormales (Otto et al. 2003). Enfin, en cas de nourriture limitée, la larve de nématode passe en diapause “dauer” afin de survivre. Il a été montré que l’autophagie est accélérée pendant la transition vers le stade dauer et l’inactivation de certains Atg bloque cette transition (Melendez et al. 2003).

Des données récentes impliquent également l’autophagie dans le développement précoce chez la drosophile, chez la souris et dans les plantes. La déplétion de drATG3 par interférence à ARN conduit à la mort de la pupe pendant sa métamorphose (Juhasz et al. 2003). Chez la souris, la disruption de

bécline 1 / ATG6 entraîne une létalité embryonnaire précoce (Yue et al. 2003). Chez Arabidopsis thaliana, les mutations de AtAPG7 et AtAPG9 conduisent à des altérations phénotypiques, comme la

sénescence précoce des feuilles et l’absence de recyclage des ressources (Doelling et al. 2002). Pendant le développement, l’autophagie participe donc au « remodelage » des cellules, on pense également que cette voie participerait à la mort cellulaire (Gozuacik and Kimchi 2007). En effet, dès les années 60, des vésicules d’autophagie ont été observées dans les cellules de glandes salivaires d’insectes pendant leur mort (Schin and Clever 1965). La multiplication des exemples, notamment dans les tissus larvaires chez Drosophila melanogaster, a conduit au concept de « mort cellulaire programmée par autophagie ou de type II» par opposition à la « mort cellulaire apoptotique ou de type I», où les structures sont morphologiquement différentes (Baehrecke 2003; Gozuacik and Kimchi 2007). Cependant, d’autres études semblent indiquer que les deux types de morts seraient reliés. En effet, différentes situations ont été observées où la macro-autophagie est soit un phénomène protecteur vis-à-vis de l’apoptose soit un événement pro-apoptotique et des vacuoles autophagiques sont fréquemment observées dans les cellules pendant leur mort par apoptose. Le lien entre les deux voies pourrait passer par le couple de protéines bcl-2 de nature anti-apoptotique qui se lie à bécline 1 qui contrôle l’autophagie. Cependant, l’inhibition de la caspase 8 et donc de l’apoptose entraîne une mort cellulaire alternative par autophagie dépendant de Atg7 et bécline 1 montrant que les deux voies sont reliées (Yu et al. 2004).

En conclusion, on ne sait pas si l’autophagie est réellement un processus promouvant la mort dans ces cellules, ou, si au contraire, l’autophagie est induite comme stratégie de survie qui paradoxalement pourrait finir par tuer la cellule par auto-canibalisme trop poussé (Shintani and Klionsky 2004a). Malgré les avancées récentes dans la connaissance des mécanismes moléculaires contrôlant l’autophagie, on ne sait toujours pas expliquer ce paradoxe : comment pourrait s’opérer le basculement de sa fonction vitale vers sa fonction fatale ?

91

Figure 29 : Autophagie et différenciation induite par le stress / développement

Les cycles cellulaires de S. cerevisiae, D. discoideum et C. elegans sont présentés pour un organisme sauvage (WT) et un mutant d’autophagie (atg). Dans les trois cas, des mutations dans les gènes ATG bloquent la différenciation induite par le stress. Chez Saccharomyces cerevisiae, la carence induit la sporulation et la formation de corps d’autophagie dans les vacuoles visualisées en microscopie électronique dans un WT mais non présents dans le mutant atg. Chez Dictyostelium discoideum, la carence induit le développement d’une forme multicellulaire jusqu’au « fruiting body » mature chez le WT. Les mutations Atg bloquent le développement du fruiting body. Chez Caenorhabdiitis elegans, la carence conduit à l’arrêt du développement et au passage dans un stage alternatif appelé dauer chez un sauvage. Au contraire, chez un mutant atg, le développement dauer est altéré. D’après (Levine and Klionsky 2004).

Si le rôle de l’autophagie dans la mort cellulaire au cours du développement est donc loin d’être une certitude, cette voie interviendrait aussi dans la mort cellulaire en conditions pathologiques. Par exemple, chez les patients atteints de maladies neurodégénératives à agrégats comme Alzheimer, Huntington, et Parkinson, l’autopsie des tissus cérébraux montre l’accumulation d’autophagosomes (Larsen and Sulzer 2002). Là encore, les résultats expérimentaux peuvent être interprétés inversement. L’autophagie pourrait être un mécanisme neuro-protecteur facilitant l’élimination des gros agrégats protéiques non pris en charge par le protéasome. Les deux modèles ne sont pas exclusifs, on peut imaginer que dans les stades précoces, l’autophagie participe au contrôle qualité puis finisse par induire la mort cellulaire. On ne sait pas comment ces agrégats sont reconnus par la machinerie d’autophagie. Une étude chez une souris déficiente pour Atg7 montre l’accumulation d’agrégats polyubiquitinés dans le cytoplasme (Komatsu et al. 2005). L’ubiquitine, déjà connue comme signal de dégradation endocytique et par le protéasome (voir chapitre II.A.6.), pourrait donc également servir de signal d’adressage vers la voie autophagique. Cette hypothèse nécessite confirmation et l’identification de la protéine Atg reconnaissant les protéines ubiquitinées.

L’autophagie est également un mécanisme d’anti-vieillissement en détruisant les espèces réactives de l’oxygène qui contribuent au stress génotoxique (Levine and Klionsky 2004). Chez C.elegans, l’invalidation, par des ARN à interférence, de l’expression de la bécline 1 diminue la longévité ; l’autophagie permettrait donc d’allonger la durée de vie (Melendez et al. 2003).