• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. Contexte géologique général et gisements aurifères du Craton Ouest-Africain

Chapitre 5 : Etude de la minéralisation

VII. Discussion

VII.2 Différences structurales et minéralogiques entre les trois gisements

Enfin, si ces divers gisements situés dans la même ceinture présentent de nombreuses similitudes, ils montrent également certaines différences tant d’un point de vue structural que minéralogique.

Sur le plan structural, on constate pour les 3 gisements que la minéralisation est associée à un stockwork de veines auquel s’ajoute pour le gisement de Syama une forte

153 bréchification. Ces structures se forment lors des phases de déformation ductile-fragiles et fragiles résultant d’un raccourcissement régional WNW – ESE (Miller et al. 2016).

D’un point de vue minéralogique, la principale différence entre les trois gisements se marque par la présence simultanée de pyrite et d’arsénopyrite dans les gisements de Tabakoroni et de Tellem, et la présence unique de pyrite dans le gisement de Syama. D’autres différences minéralogiques sont manifestes, comme la richesse en chalcopyrite et en sulfoantimoniures dans la paragenèse aurifère à Syama, en galène à Tellem. Enfin, on observe également une nette différence de composition des pyrites, celles associées à l’arsénopyrite étant nettement plus riches en As. Ces différences peuvent être imputables aux caractéristiques du fluide minéralisateur et aux conditions T – P de formation, mais également à la nature des roches encaissantes qui diffèrent suivant les gisements. Par exemple, à Tabakoroni, les argilites carbonées (black-shales) sont beaucoup plus développées que dans les deux autres gisements. Or, les black-shales sont connus comme étant des « réservoirs à As » (e.g., Ketris and Yudovich, 2009) qui pourraient à eux seuls justifier de la présence d’arsénopyrite et de pyrite arsenifère à Tabakoroni. Ce contrôle lithologique serait également valable pour l’or dit invisible, les pyrites et arsénopyrites des argilites de Tabakoroni étant parmi les plus riches du craton ouest-africain ; il est également connu que les black-shales sont aussi de bons réservoirs pour l’or (Ketris and Yudovich, 2009 ; Gregory et al., 2015). Toutefois, le contrôle lithologique seul ne suffit pas pour expliquer la présence d’arsénopyrite à Tabakoroni, des différences de température de formation de la minéralisation dans les trois différents gisements pouvant également expliquer les différences minéralogiques.

Pour retrouver les caractéristiques thermochimiques propres à chacun des gisements, nous allons utiliser les données microthermométriques des inclusions fluides et la composition des arsénopyrites (Morey et al., 2008 ; Kretschmar et Scott., 1976 ; Sharp et al., 1985). Deux paramètres indépendants, la température et l'activité en soufre, conditionnent pour l'essentiel la composition de l’arsénopyrite et la nature des phases associées. Sharp et al. (1985) indiquaient que la pression lithostatique n’avait pas ou peu d’influence sur la composition chimique de ces minéraux. Le champ de stabilité de l’arsénopyrite (Fig. 66) et les courbes d'isocomposition ont été définies expérimentalement par Kretschmar et Scott (1976) en fonction de ces deux paramètres, pour des pourcentages atomiques en arsenic allant de 29,5% à 38,5%. Ces données expérimentales permettent d'utiliser l’arsénopyrite comme géothermomètre si celle-ci présente une composition homogène. La teneur en arsenic des arsénopyrites de Tabakoroni oscille entre 27 at. % et 30.8 at. %, avec une moyenne de 28.4 at.%, ce qui indiquerait une température de cristallisation ≤ 300°C. A Tellem, la teneur en

154 arsenic oscille entre 29.14 at.% et 33.69 at.%, avec une moyenne de 31.66 at.%, ce qui donnerait une température de 380°C (Fig. 66). Ces valeurs ne sont pas très différentes de celles obtenues par microthermométrie (270-285 pour Tabakoroni et 310-340 pour les roches minéralisées à Tellem). On retrouve ainsi le même décalage de valeurs de température, i.e. les plus fortes valeurs pour Tellem, puis des valeurs plus faibles à Tabakoroni, et Syama autour de 250°C (données IF uniquement pour Syama) ; cette plus faible température du fluide minéralisateur pourrait expliquer la présence unique de pyrite à Syama.

Figure 66. Températures de formation de l’arsénopyrite à Tabakoroni et Tellem, basées sur les teneurs en As dans l’arsénopyrite (Kretschmar et Scott, 1976 modifié par Morey et al., 2008). Apy = arsénopyrite, Lö = löllingite, Py = pyrite

Les plus basses températures pour la minéralisation de Syama seraient cohérentes avec la présence d’un très grand nombre de sulfoantimoniures et sulfosels de type tétraédrite, chalcostibite, bournonite et ullmannite dans ce gisement relativement aux deux autres. En effet, la saturation en Sb du fluide hydrothermal chute considérablement de plus de 1000 ppm à moins de 10 ppm dans un intervalle de température compris entre 410 et 260°C

(Williams-155 Jones and Normand, 1997) signifiant que la diminution de la température favorise la précipitation des sulfosels, en accord avec les plus faibles températures estimées pour Syama. De plus, les sulfosels forment des solutions solides étendues pour des températures comprises entre 300 et 400°C mais ces solutions solides sont beaucoup plus restreintes pour des températures inférieures à 300°C (Moëlo et al., 2008) ; ainsi, la diversité d’espèces de sulfosels observées à Syama serait également en accord avec de plus faibles températures de précipitation. Enfin, nous avons observé des différences de composition entre les tétraédrites de Tabakoroni et de Syama assez similaires à celles du système aurifère Prestea – Bogosu. Mumin et al. (1994) indiquaient que le niveau de mise en place de la minéralisation était différent entre les deux gisements de la ceinture d’Ashanti, celle de Prestea se mettrait en place dans un niveau structural plus profond (transition ductile – fragile) que celle de Bogosu (domaine fragile). Sur la base de la composition de la tétraédrite, ils concluaient que la concentration en Sb dans le fluide minéralisateur diminuait lors de sa remontée vers des niveaux plus superficiels. On aurait ainsi dans la ceinture de Bagoé, comme pour la ceinture d’Ashanti, une diminution de l’activité en Sb et As dans les fluides, en relation avec le niveau de mise en place de la minéralisation, celui-ci étant plus profond à Tabakoroni qu’à Syama.

Enfin, on remarque également une différence de composition de l’or entre les trois gisements, marquée par une teneur en Ag décroissante depuis l’or de Tellem (pureté de 800), celui de Tabakoroni (pureté de 900) et celui de Syama (pureté de 938) tout à fait conforme avec les différences de températures de formation supposées pour ces 3 gisements.

Ainsi, sur la base de ces nouvelles données minéralogiques et fluides, nous considérons que la formation des minéralisations aurifères dans ces trois gisements serait essentiellement la conséquence d’une évolution continue à température décroissante d’un même fluide minéralisateur plutôt que la conséquence de fluides de nature et de sources différentes pour chacun des trois gisements. Pour les trois gisements, la précipitation de l'or serait directement contrôlée par l'immiscibilité des fluides. La séparation de phase tend à fractionner le H2S en phase vapeur, diminuant ainsi l'activité du ligand dans la phase aqueuse (Williams-Jones et al., 2009). Les fluctuations de la pression liées à l’activité sismique seraient également responsables de l'immiscibilité des fluides et du dépôt de l'or dans ces gisements.

156

VIII. Comparaison entre les minéralisations de la ceinture de Bagoé et