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Chapitre I. Contexte géologique général et gisements aurifères du Craton Ouest-Africain

I.4 Caractères généraux des gisements aurifères orogéniques du Mali

L’or est exploité au Mali bien avant l’ancien empire du Mali de Soundjata Keita entre le 13e et le 14e siècle. Pour la petite histoire, l’empereur du Mali, Kankou Moussa lors de son pèlerinage à la Mecque en 1324, a fait fléchir le cours du métal jaune en y amenant huit tonnes d’or. L’exploitation artisanale de l’or sous forme de placers, de dragages dans les zones minéralisées perdure de nos jours et se perfectionne, bien que de nombreuses mines modernes aient vu le jour depuis déjà quelques décennies. Ces dernières années, le Mali a produit environ 50 tonnes d’or annuellement (production industrielle + production artisanale) et se classe au troisième rang des pays africains producteurs d’or derrière l’Afrique du Sud et le Ghana. Actuellement neuf mines d’or sont en phase d’exploitation : Sadiola, Yatéla, Loulo, Tabakoto dans la partie birimienne occidentale; Kalana, Morila, Syama, Kodiéran, Komana dans la partie sud du pays (Fig. 16). Par ailleurs plus d’une vingtaine d’indices sont en phase de développement (Chambre des Mines du Mali, 2012). En plus de l’exploitation industrielle, le pays fait l’objet d’intenses travaux d’orpaillage dont la production annuelle est estimée à environ 4 tonnes. En 2006, l’or a représenté 75% des recettes d’exportation du Mali et environ 15% de son PIB.

Les principales mines d’or de la partie occidentale du Mali apparaissent dans la boutonnière de Kédougou-Kéniéba à l’Est de la Sénégal-Mali Shear Zone (SMSZ, Bassot et Dommanget, 1986 ; Dommanget et al., 1993 ; Lawrence et al., 2013 a et b) au sein de ce qui est défini comme le bassin de Kofi (voir Lawrence et al., 2013 a et b, Lambert-Smith et al., 2016, Fig. 17). Le bassin de Kofi est formé essentiellement de séries sédimentaires détritiques avec quelques intercalations carbonatées. Ces séries sont recoupées par quelques dykes mafiques, de petits stocks de roches felsiques et intermédiaires et par quelques massifs de granitoïdes dont le plus important est le massif de Gamaye (Bassot, 1965). Les mines de Sadiola et de Yatéla se localisent dans l’extrémité Nord de la série de Kofi au contact de la SMSZ. Les mines de Gara, Yaléa, Gounkoto formant le district aurifère de Loulo ; elles se situent dans la partie médiane de la série de Kofi associées à des shear zones de deuxième ordre se branchant sur la SMSZ. Les mines de Ségala et Tabakoto apparaissent également dans la partie médiane de la série de Kofi mais à un vingtaine de kilomètres à l’Est de la SMSZ (Lawrence et al., 2013 a et b, Lambert-Smith et al., 2016).

Le district de Loulo (Dommanget et al., 1993 ; Lawrence et al., 2013 a et b) présente deux types de gisements aurifères en fonction de leurs caractéristiques géologiques. Ce sont les gisements de Gara et de Yaléa.

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32 Les deux gisements se développent dans les mêmes formations metasédimentaires correspondant à des calcaires grauwackeux et à des marbres dolomitico-calciques. Cependant dans le gisement de Gara la minéralisation apparait sous forme de sulfures disséminés et/ou de stockworks dans des veines formées au sein de grès tourmalinisés plissés. Ces dépôts sont caractérisés par un fort développement de tourmaline et d’albite. La minéralisation est riche en Fe et contient Cu, Ni et ± Co et correspond à une association pyrite – chalcopyrite - cobaltite – pentlandite, gersdorffite. Le gisement de Yaléa est associé à des veines de quartz + ankérite et à des chevelus de sulfures. La minéralisation apparaît au sein de formations fortement altérées (mais où la tourmaline est absente) affectées par des zones de cisaillement régionales dans un régime de déformation ductile-fragile. La minéralisation est enrichie en As avec plusieurs stades de croissance d’arsénopyrite et de pyrite arséniée. En conclusion, pour Lawrence et al (2013), le gisement de Yaléa présente des caractères le rapprochant des gisements du Ghana (Obuasi, Prestea, Ayanfuri (Oberthür et al., 1994 ; Allibone et al., 2002) avec des fluides aurifères issus de la déshydratation des métasédiments lors du métamorphisme. En revanche la minéralisation polymétallique riche en Fe et B, caractéristique du gisement de Gara, n’est pas commune dans les gisements birimiens. Les relations de terrain, la minéralogie et la géochimie du gisement de Gara indiquent un rôle important des fluides hydrothermaux issus de corps intrusifs avec de possibles liaisons entre la minéralisation aurifère et le développement de skarns riches en Fe présents dans le secteur. Dans le district de Loulo deux types de gisements aurifères coexistent, différenciés essentiellement par la nature des fluides issus de deux sources différentes : métamorphique et magmatique (Lawrence et al., 2013 b).

Le district de Yatéla-Sadiola (Hein et al., 2015 ; Masurel et al., 2017 a et b) renferme trois gisements aurifères alignés de la Sénégal-Mali Shear Zone ; Yatéla, Alamoutala et Sadiola. Les trois gisements se développent dans les mêmes formations metasédimentaires correspondant à des calcaires impurs recouverts de roches sédimentaires détritiques, l’ensemble étant métamorphisé dans le faciès schistes verts et recoupé par plusieurs générations de roches magmatiques calco-alcalines. Ces dernières montrent une variation dans l’âge de mise en place compris entre 2106 ± 10 Ma pour la diorite de Yatela, 2083 ± 7 Ma pour les roches intrusives d’Alamoutala, et entre 2080 et 2060 Ma pour celles de Sadiola. A Sadiola, l’essentiel de la minéralisation aurifère est contenu dans une zone de cisaillement orientée N-S- à NNW, de 10 à 50 m de large, mais les veines de quartz aurifère à fort pendage NNE se mettraient en place lors de l’évènement transcurrent D3 postérieurement au raccourcissement NNW-SSE.

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Figure 17. Carte de localisation des gisements de la boutonnière de Kénieba-Kédougou à l’Ouest du Mali (D’après Lawrence et al., 2013).

L'altération hydrothermale est polyphasée avec un stade précoce de haute température marqué par le développement d'actinote-trémolite suivie d'une phase potassique (biotite-calcite-quartz ± K-feldspath-tourmaline-actinote) synchrone de la minéralisation aurifère.

34 Parallèlement à l’altération, on distingue deux évènements minéralisateurs avec un premier stade à sulfure riche en As suivi d'un stade à Au-Sb. A Alamoutala, la minéralisation aurifère est contenue dans des formations de type skarn formées au contact des intrusifs, mais la minéralisation économique serait réliée à une phase tectonique cisaillante qui se serait produite postérieurement à la skarnification ; elle serait associée, comme à Sadiola, à une paragenèse d’altération potassique à biotite + calcite + pyrite ± pyrrhotite et chalcopyrite ± K-feldspath, actinote-trémolite, quartz, muscovite, et tourmaline (Masurel et al., 2017 a et b). Dans les trois gisements, la minéralisation aurifère serait contemporaine de la mise en place des divers intrusifs. Enfin, la minéralisation économique à Yatela est reliée à la zone d’altération supergène.

Le gisement de Morilla (McFarlane et al., 2011) affleure à l’ouest de Syama au sein d’une série métasédimentaire au contact d’un batholithe granodioritique. Le gisement est contenu dans une séquence de métagrauwackes et de roches métavolcanoclastiques avec des lits mineurs de métapélites. Au sein des métasédiments, s’intercalent plusieurs niveaux de métabasaltes et de roches felsiques porphyriques. Les formations magmatiques correspondent à trois suites de roches hypoabyssales et plutoniques. La plus précoce de ces suites se présente sous la forme de fines intrusions de roches porphyriques mafiques et intermédiaires. Elles sont foliées et plissées. La deuxième correspond à de petits plutons de granodiorites et la troisième à de petits corps dont la composition varie de leucogranite à biotite à granites à biotite et muscovite et à des pegmatites.

Les lits gréseux sont souvent affectés par des brèches hydrothermales. Le métamorphisme affectant la zone du gisement est un métamorphisme de faciès amphibolite alors que le métamorphisme des formations adjacentes est un métamorphisme de faciès schiste vert typique du Birimien.

La minéralisation aurifère est située dans une zone de schistes à biotite plissés de façon hétérogène, la minéralisation étant particulièrement localisée au sein des roches les moins déformées. Elle se présente sous deux formes : i) des grains d’or (5 à 25μ) en inclusion dans des porphyroblastes d’arsénopyrite disséminés dans les schistes à biotite, et ii) de l’or libre dans le quartz associé à de nombreux minéraux de Bismuth comme le Bi natif, la maldonite (Au2Bi) et la tellurobismuthite (Bi2Te3), la löllingite (FeAs2), pyrrhotite et chalcopyrite. Le district aurifère de Kalana se situe dans la partie Sud – Ouest du bassin de Bougouni – Keikoro, sur la bordure Est de la ceinture de Yanfolila (Fig.16). Il est constitué d’un ensemble volcano-sédimentaire métamorphisé dans le faciès schistes verts recoupé par un cortège de roches magmatiques calco-alcalines (diorite et dykes andésitiques et tonalitiques)

35 datées à ~2000 Ma (Fig. 18a, Sangaré, 2016). Les minéralisations aurifères sont associées à deux ensembles de veines de quartz sécantes sur la schistosité régionale et les corps magmatiques. Les veines du premier ensemble sont d’épaisseur métrique, à faible pendage et orientées N-S, NE-SW et E-W. Les veines du deuxième ensemble sont de dimensions centimétriques, subverticales et orientées NE-SW (Fig. 18b). Certaines veines (veine 10) recoupent le pluton dioritique, d’autres non (veine 3) mais elles recoupent toutes la schistosité régionale quasi-parallèle à la stratification. Ces deux ensembles de veines seraient génétiquement reliées et se mettraient en place à la faveur de failles inverses faiblement pentées provoquant dans un premier temps l’ouverture des veines subhorizontales puis, avec la progression de la déformation le développement de fentes de tension subverticales (Salvi et al., 2016). L’ensemble de ces structures est en accord avec un raccourcissement régional E-W et une déformation associée évoluant depuis un régime ductile (schistosité) vers un régime fragile (failles inverses et fracturation). L’étude minéralogique de la minéralisation montre la mise en place de deux générations d’or, une précoce où l’or est associé à l’arsénopyrite et une tardive associée à la fracturation des veines de quartz avec précipitation d’or libre dans le quartz, associé notamment à des minéraux de Bismuth.

Figure 18. a : Carte géologique simplifiée du gisement de Kalana, Mali (D’après Sangaré et al., 2016) ; b : Coupe interprétative d’après sondage de la distribution des deux types de veines minéralisées.

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Fig. 18b : Gisement de Kalana : Sections interprétatives de descriptions de sondages montrant dans les roches sédimentaires les intercalations de diorite, et les groupes de veines. Noter que les veines recoupent ou non la diorite, mais elles recoupent la schistosité régionale parallèle à la stratification.

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Chapitre 2. Méthodes et Techniques