• Aucun résultat trouvé

Différences moléculaires entre espèces du genre Tuber

Partie II : Modèle d’étude : Qu’est ce que la Truffe ?

B. Propriétés du genre Tuber et différenciation des espèces Tuber

3. Différences moléculaires entre espèces du genre Tuber

Outre les critères morphologiques utilisés pour identifier les espèces du genre Tuber, depuis les années 80, des techniques biochimiques et de biologie moléculaire ont été utilisées pour différencier les espèces de

Tuber. En premier lieu, les critères moléculaires étudiés ont été les profils protéiques

obtenus à partir de l’extraction de protéines totales (Mouches et al. 1981; Mouches et al. 1978). Ces profils ont permis d’avoir un aperçu général (une carte protéique) de l’ensemble des protéines des truffes. Grâce à cette technique, Mouches et collaborateurs ont pu distinguer différentes espèces et ainsi affirmer que chaque espèce

avait son propre profil électrophorétique. Ainsi les espèces telles que Tuber aestivum,

Tuber uncinatum, Tuber melanosporum, Tuber moschatum, Tuber brumale et Tuber excavatum ont pu être différenciées. Peu de temps après, avec un échantillonnage plus important, Dupré a pu confirmer ces résultats pour la majorité des espèces excepté

pour Tuber moschatum et Tuber brumale qui semblaient être une seule et même

espèce (Dupré et al. 1985). L’analyse des profils de protéines totales extraites des corps fructifères semblait donc utilisable pour différencier des espèces de truffes. En ce qui concerne les deux autres phases, mycorhizes et mycélium, les résultats ne sont pas aussi concluants (Dupré 1997). Les inconvénients importants de cette méthode sont la quantité importante de matériel biologique nécessaire ainsi que la fluctuation dans les résultats obtenus selon les conditions de conservation du matériel. Aussi, après cette technique une autre approche est apparue: les analyses d’isoenzymes. Les isoenzymes sont des enzymes ayant un substrat commun mais qui diffèrent par leur mobilité électrophorétique. Les isoenzymes peuvent être en fait l’expression de plusieurs gènes localisés sur plusieurs loci, l’expression de plusieurs allèles pour un même locus ou même l’expression des molécules résultant d’un changement de conformation

post-99

traductionnelle. C’est au congrès de Spoleto, en 1988 que Palenzona et collaborateurs ont présenté, pour la première fois, l’utilisation des isoenzymes pour identifier les

espèces de Tuber. Par la suite d’autres auteurs ont réussi, avec cette même technique,

à identifier certaines espèces de Tuber (Gandeboeuf et al. 1994; Pacioni and Pomponi

1989). Ces études présentent en plus de la possibilité de discrimination entre espèces, l’étude des relations phylogénétiques entre ces dernières.

Après l’utilisation des techniques biochimiques, en 1993, Lanfranco et collaborateurs ont été les premiers à utiliser les techniques de biologie moléculaire

pour identifier les espèces de Tuber (Lanfranco et al. 1993). Ils ont utilisé la technique

d’amplification aléatoire de l’ADN polymorphe, la RAPD (Random Amplification of

Polymorphic DNA) et ont pu montrer une forte diversité interspécifique pour

plusieurs espèces de truffes : Tuber magnatum, Tuber albidum, Tuber melanosporum,

Tuber aestivum, Tuber macrosporum et Tuber rufum. D’autres études par la suite ont

aussi utilisé la RAPD pour différencier les espèces de Tuber. Il apparait cependant

que les espèces présentant une forte diversité intraspécifique posent plus de problèmes pour l’identification (Gandeboeuf et al. 1997). Le principe de la RAPD reposant sur une amplification aléatoire avec des amorces assez courtes pour qu’elles s’hybrident facilement à divers endroits du génome, des contaminations de profils RAPD par d’autres organismes sont possibles. D’ailleurs, c’est pour cette même raison que cette méthode est inutilisable sur mycorhize (l’ADN de la plante est amplifié). D’autres techniques moléculaires ont donc été utilisées par la suite. C’est notamment le cas de la PCR dite « ciblée ». Cette technique consiste en une amplification d’un locus défini avec des amorces assez spécifiques pour qu’elles n’amplifient que le locus choisi. Le

polymorphisme et la diversité interspécifique des Tuber, via la PCR ciblée, ont été

100

(Henrion et al. 1994; Paolocci et al. 1999; Roux et al. 1999) puis par séquençage (Mello et al. 2002; Paolocci et al. 2004; Roux et al. 1999). Historiquement l’ADN ribosomique et notamment la région de l’Internal Transcribed Spacer (ITS) a été la région génomique la plus utilisée en taxonomie moléculaire des champignons et plus

particulièrement du genre Tuber. La région ITS est située sur l’ADN nucléaire entre

les gènes codant pour les sous-unités ribosomiques 18S, 5.8S et 25/28S (Figure 19). Plusieurs raisons ont motivé l’importante utilisation de ce marqueur : cette région est répétée plusieurs fois dans le génome donc plus facilement amplifiable, c’est un marqueur clé couramment utilisé à l’échelle inter-spécifique et une multitude d’amorces existent pour amplifier les organismes fongiques (Gardes and Bruns 1993; White et al. 1990).

Différentes études ont pu mettre en évidence les différences interspécifiques des

espèces de Tuber par l’utilisation de l’ITS (Henrion et al. 1994; Mello et al. 2002;

Roux et al. 1999). L’ITS a donc permis de différencier certaines espèces de Tuber

entre elles. D’autres régions et marqueurs ont été depuis utilisés chez le genre Tuber

Figure 19 : Représentation schématique de la disposition de la région ITS, des sous unités ribosomiques 18S, 5.8S et 25/28S et de la région IGS.

101

comme le gène codant pour la β-tubuline, le facteur d’élongation 1-α et ont également

permis de mettre en évidence des différences génétiques interspécifiques (Paolocci et al. 2004). Au-delà d’une identification moléculaire, l’utilisation de marqueurs génétiques a permis de construire des phylogénies moléculaires au sein du genre

Tuber. C’est ainsi que les reconstructions phylogénétiques ont permis de classer les différentes espèces et d’étudier leurs liens de parenté. Le concept d’espèce phylogénétique (PSC) a pris une place importante dans la systématique et est le concept le plus utilisé de nos jours pour établir une classification au sein du genre (Bonito et al. 2010a; Jeandroz et al. 2008). Cependant, malgré ces progrès, des ambiguïtés pour différencier certaines espèces subsistent encore comme par exemple

entre Tuber aestivum et Tuber uncinatum comme nous le verrons par la suite.

Outre les différences morphologiques et génétiques, les truffes de par leurs propriétés organoleptiques, présentent la caractéristique de dégager des arômes particuliers. Différentes études se sont donc intéressées aux composés organiques volatils qui pouvaient exister au sein des truffes.