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Différences de méthylation dans l’asthme

CHAPITRE 2 – RÉSULTATS

3.1 Différences de méthylation dans l’asthme

Les meilleurs CpG associés à l’asthme au niveau des promoteurs ont mis en évidence 7 gènes codant pour : CRYGN (crystallin gamma N), TBL2 (transducine bêta like 2), SRMS (src-related kinase lacking C-terminal regulatory tyrosine and N-terminal myristylation sites), TMEM64 (transmembrane protein 64), ABCC8 (ATP binding cassette subfamily C member 8) et RPS6KA2 (ribosomal protein S6 kinase A2). De ceux-ci, seulement CRYGN n’est pas exprimé dans le poumon. Ceci peut être facilement expliqué par le fait que ce gène code pour une protéine cristalline de l’œil. Même si les autres gènes mis en évidence sont exprimés dans le poumon, aucun de ceux-ci n’a déjà été associé à l’asthme ou à une autre maladie respiratoire selon le BioProject [180].

Toutefois, RPS6KA2 est un gène impliqué dans la croissance et la différenciation cellulaire et activé par une voie de signalisation dépendante du facteur de croissance épidermique (EGF) [181]. Or, il est connu que EGF, une molécule retrouvée au niveau de l’épithélium bronchique, agit sur le remodelage des voies respiratoires et l’inflammation au niveau du poumon dans l’asthme [182, 183]. L’implication de RPS6KA2 dans l’asthme à ce niveau demeure toutefois inconnue. L’expression d’EGF est augmentée dans le tissu pulmonaire des adultes et des enfants asthmatiques [184, 185]. Ceci a également été observé dans la présente étude puisque le gène EGF est plus exprimé dans les cellules T CD4+ des participants asthmatiques et asthmatiques allergiques (Tableaux 8 et 9, respectivement : fold change =1,75, FDR=6.70E-02; fold change=1.91, 3.94E-172). Une plus grande quantité d’EGF, liée à une plus grande expression du gène codant, pourrait donc mener à une activation augmentée de RPS6KA2. Cette cascade d’activation pourrait influencer la survie et la prolifération de certaines cellules impliquées dans l’inflammation relative à l’asthme. La diminution de la méthylation au niveau d’un CpG (-meth -9,23%) du promoteur de RPS6KA2 pourrait donc stimuler cette activation, à plus forte raison puisque ce CpG se retrouve au sein d’un site de fixation du facteur de transcription USF1 (upstream transcription factor 1).

Un autre gène dont la méthylation différentielle a été identifiée est AXL (AXL receptor tyrosine kinase) (annexe I), impliqué dans la médiation de l’inflammation par son action inhibant certaines cytokines pro-inflammatoires induites par les récepteurs Toll-like (TLR), notamment par l’activation du suppresseur de signal des cytokines (SOCS) [186]. Les résultats obtenus dans cette étude sont appuyés par des résultats démontrant qu’une augmentation de la méthylation de CpG au niveau du

promoteur d’AXL était associé à un risque accru d’asthme pédiatrique [187]. Les présents résultats pourraient donc démontrer l’implication de la méthylation au niveau de ce gène dans l’asthme. La voie de la régulation de l’inflammation par AXL pourrait donc être modifiée dans l’asthme dans cet échantillon en contribuant à la hausse de l’inflammation.

Un autre gène dont la méthylation est diminuée d’un peu plus de 7% dans les CD4+ d’individus asthmatiques au niveau du promoteur est le gène ATF6 (activating transcription factor 6) (annexe I). Ce gène est d’un intérêt particulier puisque celui-ci est activé par ORMDL3, un gène situé dans la région génétique 17q12-21 qui est le locus le plus associé à l’asthme à ce jour [92, 95]. En effet, ORMDL3 est reconnu pour activer le facteur de transcription activateur 6 (ATF6) qui à son tour, active le gène SERCA2b, associé au remodelage des voies respiratoires dans l’asthme [188]. La méthylation moindre au niveau du promoteur d’ATF6 pourrait donc permettre une plus grande activation de celui- ci par ORMDL3 et ultimement une plus grande activation de SERCA2b. Aucune différence d’expression au niveau de ces deux gènes ne peut venir appuyer l’implication de cette voie au niveau des cellules T CD4+ dans l’asthme dans cette étude. Toutefois, une expression différentielle d’ATF6 bêta (ATF6B), dont la protéine résultante est retrouvée en dimère avec ATF6 (aussi connu sous le nom d’ATF6 alpha), a été observée.

3.1.2 Implications de la famille de chemokine CXC dans l’asthme

La méthylation du promoteur d’ACKR3 (atypical chemokine receptor 3), codant pour le récepteur de chemokine atypique 3, s’est avérée être moindre dans les cellules d’individus asthmatiques (-5,08%) et d’asthmatiques allergiques (-6,10%) (Annexe I et II). La chemokine CXCL12 est son ligand et est notamment impliquée dans l’hyperneutrophilie et la néo-vascularisation dans l’asthme, en plus d’être impliquée dans la survie des lymphocytes T CD4+ [189, 190]. Toutefois, aucune information sur l’implication de son récepteur ACKR3 dans l’asthme ou une autre maladie respiratoire n’a été démontrée. Par ailleurs, un autre gène de la même famille de chemokines, soit CXCL5 (C-X-C motif chemokine ligand 5), s’est avéré être 1,75 fois plus exprimé dans l’échantillon de la cohorte SLSJ étudiée (tableau 8). Son expression a déjà été démontrée comme augmentée chez la souris suite à une augmentation d’IL-17A qui engendre de l’inflammation et une hyperréactivité bronchique [191]. Les chemokines de cette famille pourraient donc constituer des cibles à explorer plus en profondeur avec des études fonctionnelles subséquentes. L’implication de CXCL5 dans l’asthme

est largement documentée, mais il manque encore de l’information quant au récepteur de CXCL12, ACKR3. Aucune différence quant à l’expression de ce gène n’a été observée dans la présente étude.

La différence d’expression de PPBP (pro-platelet basic protein), codant pour la protéine CXCL7, un autre membre de la famille des chemokines CXC, renforce le rôle de celles-ci dans l’asthme. En effet, l’expression de PPBP est environ une fois et demie plus élevée chez les asthmatiques que les témoins (Annexe I). Il est spéculé que cette protéine induirait une activation des neutrophiles dans la maladie pulmonaire obstructive chronique [192]. Or, une étude de Rohde et al. a plutôt démontré une diminution de son expression dans un modèle d’asthme induit par un rhinovirus [193]. L’implication de cette protéine dans l’asthme semble donc incertaine. Toutefois, il est possible d’avancer que la divergence entre les résultats de la présente étude et la littérature s’explique par la différence de tissus étudiés, respectivement des cellules T CD4+ et des BAL [193]. L’implication des neutrophiles dans l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique peut expliquer la ressemblance des résultats dans les deux pathologies [194]. Une plus grande expression de PPBP pourrait donc mener à un recrutement accru des neutrophiles, contribuant à l’inflammation et au remodelage des voies respiratoires dans l’asthme [30].