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: différences pour la dépression et la qualité de vie liées à l’âge

La comparaison des patients dépressifs jeunes et âgés de notre échantillon (sous-groupe patients) montre que les personnes jeunes présentent des symptômes significativement plus sévères que les personnes âgées, confirmant d’autres études (Meeks, 2011). Quant aux différences des prédicteurs en fonction du groupe d’âge, l’occurrence d’un épisode vers 35 ans versus vers 70 ans est la mieux prédite par la combinaison des symptômes dépressifs avec les comorbidités physiques. Le Névrosisme ne permet pas de différencier la dépression en fonction de l’âge, contrairement aux symptômes dépressifs, suggérant encore une fois que ces deux variables ne se limitent pas à évaluer le même concept d’affect négatif.

L’impact émotionnel associé aux événements de vie stressants n’émerge pas non plus

comme facteur significatif pour la prédiction de la dépression gériatrique. Ce résultat confirme l’hypothèse d’une relativisation des effets de stress plus tard dans la vie, grâce à la sagesse accumulée au travers de la vie (Bruce, 2002 ; Blazer & Hybels, 2005) et grâce à la capacité à optimiser et diriger l’attention vers des échanges sociaux positifs aux dépens d’expériences négatives (socio-emotional selectivity theory, Carstensen, 1995).

La comparaison entre les participants jeunes et les participants âgés (indépendamment de leur niveau de dépression - échantillon entier -) met en évidence que la qualité de vie des participants jeunes est expliquée uniquement et à 77% par la sévérité de leur dépression. En revanche, pour les participants plus âgés, la qualité de vie était le mieux prédite par un modèle multi-déterminant, qui a inclus non seulement les symptômes dépressifs, mais également les risques suicidaires, les comorbidités physiques et les dimensions de personnalité. Pour les participants de 70 ans, une qualité de vie plus élevée est associée à un risque suicidaire plus faible et une meilleure santé physique, soulignant très clairement la nécessité d’étudier ces variables en lien avec la dépression gériatrique, comme suggéré par Waddell et Jacobs-Lawson (2010). Quant aux dimensions de personnalité, très peu d’études avaient étudié le lien entre dépression, qualité de vie, personnalité et âge. Les résultats de la présente étude révèlent un lien direct et positif entre la qualité de vie et l’Ouverture et l’Agréabilité pour les participants âgés. De plus, l’Ouverture et la Conscience interagissent avec le niveau de symptômes dépressifs pour augmenter leur niveau de qualité de vie. En revanche, le Névrosisme ne permet pas de distinguer la dépression gériatrique d’une dépression apparaissant plus précocement dans la vie. Il est intéressant de noter que ces résultats rejoignent des données obtenues pour des populations âgées non-cliniques (Ryff, 2008 ; Steel et coll., 2008). Ainsi, alors que les symptômes dépressifs jouent un rôle prédominant pour la qualité de vie des jeunes, l’explication de la qualité de vie des âgés nécessite un modèle explicatif plus complexe incluant plusieurs variables dont les facteurs de personnalité.

LIMITES ET POINTS FORTS DE L’ETUDE

Un des points forts de l’étude était l’approche intégrative pour étudier le lien entre personnalité et dépression. Elle a permis de relativiser le lien entre les cinq facteurs de personnalité et la dépression. Les résultats ont confirmé que ce lien se limite à l’influence du Névrosisme, aux dépens de l’influence de l’âge, de l’impact des événements de vie stressants et des comorbidités physiques. L’inclusion de l’ensemble des cinq facteurs de personnalité a permis de montrer que dès qu’on s’intéresse à la qualité de vie subjective en lien avec la dépression, le Névrosisme peut également exercer un rôle protecteur ou

modérateur sur les symptômes dépressifs, ensemble avec l’Ouverture à l’expérience et la Conscience. Finalement, un autre point fort était l’exclusion d’autres troubles psychiatriques à travers une évaluation standardisée par des psychologues expérimentées, et l’inclusion des patients aussi jeunes que âgés, mais appariés pour la nature de leurs diagnostics et histoires de maladie (récurrence, durée épisode, hospitalisations passées, histoires de vie, type de traitement ambulatoire), permettant de mettre le focus sur les différences liées à l’âge dans l’expression clinique (sévérité des symptômes) de leur épisode dépressif actuel et la durée de leur maladie.

Plusieurs limites doivent néanmoins être prises en compte. La limite principale concerne la manière de mesurer l’âge des participants. Si j’avais pu anticiper les difficultés de recrutement, je l’aurais clairement récolté dès le début en tant que variable continue. De plus, la taille limitée de l’échantillon n’a pas permis d’étudier toutes les variables à travers un même modèle. Or c’est véritablement un modèle multi-varié incluant toutes les variables qu’il aurait fallu utiliser pour l’analyse des données. De même, elle n’a pas permis de distinguer les dépressions à début tardif et les dépressions à début précoce pour le groupe des patients âgés, alors que des études précédentes décrivent un lien différent avec la personnalité en fonction de l’âge au début de la dépression (Boyd et coll., 2000 ; Brodaty et coll., 2001). Plusieurs autres variables indépendantes n’ont pas été étudiées, telles que les substrats génétiques des traits de personnalité (p.ex. méthylations DNA et expression épigénétique du gène 5-HTTLPR), les stratégies de coping, ou les loisirs, pourtant connues pour influencer la dépression (Jones et coll., 2003 ; Waddell & Jacobs-Lawson, 2010). Un biais de rappel existe pour les événements de vie, à savoir que les participants ont répondu à l’échelle SRRS sur la base de leurs souvenirs d’événements situés en partie avant le début de leur état dépressif. Une extension longitudinale de l’étude aurait été nécessaire pour démêler le lien entre Névrosisme et symptômes dépressifs, notamment en évaluant le Névrosisme après rémission de l’épisode dépressif.

CONCLUSIONS

Cette thèse confirme que le lien entre personnalité et dépression existe indépendamment de l’âge des individus. Les différences mises en évidence dans ce lien sont davantage dues à l’intensité des symptômes dépressifs qu’à l’âge des participants, et la dépression gériatrique est le mieux prédite par la combinaison de la sévérité des symptômes thymiques avec les comorbidités physiques. Les résultats suggèrent que la dépression majeure est une maladie multifactorielle, surtout chez l’âgé, associée aux comorbidités physiques, l’impact d’événements de vie stressants et à un des cinq facteurs de personnalité, à savoir le niveau

Névrosisme. Quant à la qualité de vie des patients dépressifs, leur niveau de Névrosisme mais également d’Ouverture et de Conscience influence directement le vécu subjectif. Les résultats ont ainsi permis de mettre en évidence la richesse d’étudier ces trois facteurs pour la qualité de vie subjective, et d’élargir l’importance prépondérante du Névrosisme pour les symptômes dépressifs. L’influence de la personnalité sur la qualité de vie subjective des patients déprimés est aussi bien qu’indirecte à travers la modération de l’impact de leurs symptômes dépressifs ; mais à nouveau il aurait fallu tester ceci à travers un modèle multi-varié incluant toutes les variables. Sachant que les facteurs de personnalité sont déterminants pour l’utilisation des services de santé et peuvent être pris en charge en psychothérapie afin de construire des soins personnalisés, l’implication clinique de ces résultats est importante. L’approfondissement de ces résultats au niveau de facettes du NEO PI-R, serait une extension prometteuse de la présente thèse et permettrait d’affiner les pistes de réflexion cliniques. Concernant le Névrosisme par exemple, les analyses au niveau des facettes permettraient de distinguer les facettes qui influencent l’humeur dépressive de manière négative et celles qui se révèlent protecteur pour la dépression. La détermination de facteurs de risque et de protection tels que la santé physique et l’impact émotionnel des événements de vie permet aux professionnels de la santé mentale de mieux cibler leurs évaluations et interventions. Alors que la santé somatique et le stress de la vie peuvent être peu malléables, les traits de personnalité peuvent fréquemment se travailler à travers diverses approches thérapeutiques (Bagby et coll., 1995 ; De Fruyt et coll., 2006 ; Trull et coll., 1995) et faire partie intégrante des projets de soins des patients dépressifs.

   

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