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Chapitre 4 Présentation des données

4.1 Les composantes de la définition de réflexivité du point de vue des participantes

4.1.3 Dialoguer avec soi et avec les autres

Le dialogue concerne le questionnement des théories, des pratiques, ainsi que des modèles, mis de l’avant dans les milieux. De façon générale, il ressort que la réflexivité chez les praticiennes rencontrées part d’un dialogue intérieur dans un premier temps. C’est une réflexion individuelle qui se fait face à des situations d’intervention. Plus concrètement, il s’agit des questions posées à soi-même. Il s’agirait donc d’un premier temps avant d’aller vers les autres volets du dialogue. Le deuxième temps du dialogue est le partage avec d’autres personnes, afin de mieux conscientiser le sens de ses actions, ainsi que les impacts qu’elles ont ou pourraient avoir. En fait, c’est lorsque les réponses aux questions posées à soi-même ne viennent pas ou ne suffisent pas. C’est alors que le dialogue tend vers les autres et se traduit par des échanges avec eux. Ces autres ce sont les pairs, les amis (entourage personnel), les responsables du soutien clinique ou de la coordination présents dans l’organisation, tel qu’identifiés par les participantes à cette

étude. Ces échanges se produisent tant dans l’informel, que par le biais de réunions cliniques ou de groupes de co-développement. Dans un premier temps, j’illustrerai le dialogue intérieur appuyé par des extraits d’entrevues. Dans un second temps, j’irai du dialogue avec autrui, toujours en m’appuyant sur les entretiens.

D’abord, un premier extrait illustre le dialogue intérieur :

04 : « On se promène à savoir : est-ce que moi je suis correct, est-ce que ma posture est correcte, est-ce que éthiquement, je suis correcte? » Pis je l’adore ce dialogue-là. Parce que je fais comme ok, tu sais…Encore-là, je suis dans le ressenti beaucoup. Hey my god, tu sais quand elle m’a nommé ça, j’étais pas à l’aise! Ben pourquoi t’étais pas à l’aise, qu’est-ce que c’est venu chercher aussi tu sais. Mais je suis plus dans la réflexion. »

Une autre participante illustre ce dialogue intérieur permettant de mettre au clair ce qui la rend mal à l’aise dans une intervention. Ce que j’en comprends, c’est que ce dialogue avec soi permet de redevenir disponible à l’Autre, tout en apportant des changements dans sa pratique :

03 : « […] au niveau d’un inconfort. D’un inconfort que j’vas vivre, ou un malaise que j’vas vivre ou que je vais me questionner suite à une intervention : est-ce que ça aurait pu être fait autrement? Qu’est-ce qui aurait pu être changé? Là j’vais me dire, puis là c’est là que je vais prendre le pas de recul, pis de me dire bon ben pourquoi je le vis cet inconfort- là? Est-ce que c’est dû aux normes du milieu? Est-ce que c’est dû aux exigences du gouvernement? Est-ce que c’est dû à la façon que je suis intervenue? De me questionner sur cet inconfort-là, puis de voir, bon ben, est-ce que c’est ma pratique qui pourrait être changé ou… »

Pour cette dernière participante, cet échange avec soi-même se prolonge dans l’interaction avec les autres. Il se veut une façon de faire le point sur une situation, d’explorer les pistes de solutions, de statuer sur ce qui peut être mis en place ou non. À ce propos, une autre des intervenantes rencontrées mentionne ceci :

08 : « Y’a une partie qui se fait seule, mais pour moi ça se fait beaucoup en équipe. […] Moi je suis quelqu’un d’équipe, pis je trouve qu’on peut réfléchir, mais moi pour consolider mes réflexions, j’ai besoin d’être en équipe. Je trouve que tous mes moments de meilleure réflexivité c’est parti de personnes ou, fait que moi pour moi la réflexivité c’est quelque chose qui est individuel, mais qui peut aussi vraiment être, être basée sur le travail d’équipe. C’est ça, les postions des autres […] »

Ceci m’amène à illustrer davantage la réflexivité en termes d’interactions avec les autres, tant en contexte informel avec les pairs ou en contexte formel soit de rencontres cliniques, de rencontres

de co-développement, de discussions cliniques avec responsables à la coordination ou à la supervision clinique, ainsi que les collègues d’autres disciplines. Je m’attarderai davantage au fait de recourir aux autres dans la section traitant des moyens privilégiés pour mettre en œuvre la réflexivité, me concentrant ici sur l’aspect « dialogue/interaction ». Ainsi, pour l’ensemble des participantes rencontrées, lorsque survient une impasse ou simplement pour élargir les possibles au niveau de l’intervention dans des situations particulièrement complexes entre autres, le dialogue avec les autres est présent. L’extrait suivant démontre ce deuxième temps de la réflexion:

03 : « J’ai pris le temps vraiment de le réfléchir, de le tourner de côté, puis de l’emmener aussi avec une collègue de stage à ce moment-là, pis de voir bon qu’est-ce que t’en penses toi considérant, tsé, mon projet d’intervention, l’approche choisie, bla, bla, bla. Puis là c’est ça. En discutant ensemble, puis en tournant cette situation-là de tous les côtés, ben j’ai pu faire cette réflexion-là. »

Les extraits démontrent bien le dialogue en deux étapes. Soit une première étape où l’échange se fait avec soi-même, qui consiste en une forme de « débroussaillage » et une seconde où les travailleuses sociales vont vers les autres, ce qui consiste en une forme de validation ou d’enrichissement quant à la problématique concernée ou aux interventions à mettre en place.