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1.3 Observations expérimentales du transfert de spin

1.3.2 Diagramme de phase

Le diagramme de phase représente la localisation des différents états dans lesquels peut se trouver l’aimantation de la couche libre d’un dispositif. Ces états, d’après ce qui précède, correspondent soit à un équilibre statique régi par le champ appliqué, soit à un équilibre dynamique correspondant à un état précessionnel, soit à un état d’équilibre statique dominé par le courant. Toutefois avant de construire un diagramme de phase, il faut distinguer deux régimes, celui des champs faibles et celui des champs forts [25].

1.3.2.1 Régime de champs faibles : retournement hystérétique de l’aimanta- tion par le courant

Considérons une couche magnétique présentant un axe de facile aimantation. Si un champ magnétique est appliqué selon cette direction, la courbe d’aimantation présentera un cycle d’hystérésis délimité par le champ coercitif. Dans cette zone deux états d’équi- libre sont stables, ce qui se traduit sur le diagramme d’énergie potentielle par l’existence de deux minima locaux, ou "puits de potentiel". Si cette couche est placée dans une struc- ture de type GMR ou JTM en tant que couche libre et que l’aimantation de la couche piégée est selon la direction de l’axe de facile aimantation de celle-là, alors les configu- rations naturelles du dispositif seront parallèle ou antiparallèle. Lorsque qu’un champ est appliqué sans qu’un courant ne circule à travers le dispositif, le cycle magnétique décrit par l’aimantation de la couche libre sera le même que celui décrit précédemment. Maintenant si l’on fait passer un très faible courant et que l’on mesure la résistance en

fonction du champ appliqué, la variation de résistance transcrira exactement ce cycle d’aimantation, l’état de résistance haute correspondant généralement à un alignement antiparallèle des aimantations et inversement l’état de résistance basse à un alignement parallèle. Il y a donc une zone de bistabilité délimitée par le champ coercitif de la couche libre où les configurations parallèle et antiparallèle peuvent être stables. Cette zone de champ correspond au régime de champs faibles.

Si maintenant, pour une valeur du champ appliqué correspondant au régime des champs faibles, on augmente le courant traversant la structure, le couple de transfert de spin va fournir de plus en plus d’énergie à l’aimantation de la couche libre, lui per- mettant de se déplacer de plus en plus dans le puits de potentiel du diagramme d’énergie correspondant à son état d’équilibre. Lorsque le couple de transfert de spin donne suf- fisamment d’énergie à l’aimantation pour lui permettre de sortir du puits de potentiel et d’atteindre le point de selle, alors l’aimantation peut basculer dans l puits de poten- tiel correspondant à l’autre état d’équilibre. Dans ce cas le couple de transfert de spin ne donne plus d’énergie au système, mais au contraire pompe son énergie, "piégeant" le système dans le puits de potentiel correspondant à l’état d’équilibre inverse de celui de départ. L’aimantation a alors commuté sans être passée par un état précessionel. La va- leur du courant à laquelle se produit la commutation s’appelle le courant critique Jc, elle

est typiquement de l’ordre de 106 A/cm2 à 107 A/cm2 pour des GMR ou pour des JTM à

barrière d’alumine. En réalité, les calculs numériques, effectués à 0 K dans l’approxima- tion du macrospin, c’est-à-dire pour une aimantation uniforme de la couche magnétique, montrent qu’il existe une zone intermédiaire correspondant à un état précessionel [34], mais la faible extension en courant de cette zone fait qu’elle est très difficile à mesurer, et l’activation thermique peut la faire disparaître.

1.3.2.2 Régime de champs forts : dynamique de l’aimantation induite par le courant

Par opposition au régime en champ faible, le régime en champ fort correspond à des valeurs du champ appliqué supérieures à celle du champ coercitif. Dans ce cas le diagramme énergétique décrivant le système ne présente qu’un minimum d’énergie, c’est à dire un seul état stable. Le comportement de l’aimantation est alors celui qui a été décrit à la section 1.3.1. Les précessions apparaissent lorsque le premier courant critique

Jc1est atteint et disparaissent lorsque le deuxième courant critique Jc2est atteint. A cette

valeur de courant l’aimantation commute. Il faut remarquer que la zone de précession peut être en réalité décomposée en deux sous parties, correspondant chacune à des types de trajectoires différentes. La première "sous-zone" rencontrée lorsque le premier seuil critique est atteint correspond à des oscillations dans le plan autour de la position d’équilibre de départ. Alors, plus le courant augmente, plus les trajectoires vont s’ouvrir, jusqu’à ce

que l’aimantation commence à osciller hors du plan, ce qui correspond à la deuxième "sous-zone" de précession.

1.3.2.3 Balayage en champ et en courant

Le diagramme de phase correspond à une carte en champ et en courant des états magnétiques d’un dispositif. Les deux façons les plus simples de le parcourir (cf figure 1.15), correspondent à un balayage en champ à courant constant, et à un balayage en courant à champ constant. Dans le cas de l’approximation du macrospin, le calcul du diagramme de phase à partir de l’équation de Gilbert modifiée par les termes de transfert de spin donne le résultat représenté schématiquement sur la figure 1.12 [34].

AP

P

Pré ce ss ion da ns le p lan Pré ce ss ion ho rs d u pla n Pré ce ss ion da ns le p lan Pré ce ss ion ho rs d u pla n

j

c1

j

c2

j

H

c

H

P/AP

Régime

champs faibles

Régime

champs forts

Régime

champs forts

Figure. 1.12 – Diagramme de phase schématique obtenu par simulation macrospin. La zone bleue correspond à un état d’équilibre statique où les aimantations de la couche libre et de la couche piégée sont parallèles. La zone rouge correspond à un état d’équilibre statique antiparallèle. Les zones jaunes corres- pondent soit à un état d’équilibre statique bistable, soit à un état d’équilibre dynamique (précession). Source [34].

La mesure de l’état magnétique de la structure se fait principalement par l’intermé- diaire de l’effet de magnétorésistance (MR). Les mesures étant réalisées généralement selon l’axe de facile aimantation de la couche libre, les valeurs maximum et minimum que peut prendre la résistance du système correspondent aux configurations antiparallèle et parallèle des aimantations. Pour les états d’équilibre dynamique, c’est-à-dire précession- nel, l’aimantation décrit des trajectoires périodiques, dont les fréquences sont supérieures au GHz. Dans ce cas les mesures DC donnent une valeur moyenne de la résistance com- prise entre l’état haut et l’état bas, ce qui se traduit par la présence de paliers dans les

mesures de magnétorésistance en fonction du courant ou du champ.

Cette analyse montre qu’il est possible de mesurer grâce à la dynamique de l’aimanta- tion le couple de transfert de spin de Slonczewski et donc de déterminer les dépendances du coefficient aj en fonction du courant ou d’autres paramètres expérimentaux. Inverse-

ment elle montre aussi qu’il est possible de contrôler la dynamique de l’aimantation par l’intermédiaire du courant. Ce constat a rendu l’étude du transfert de spin particulière- ment intéressante a la fois pour la recherche fondamentale et pour la recherche appliquée. Ainsi ces prédictions ont entrainé un grand nombre d’études expérimentales que l’on peut classer selon deux grandes familles : les études statiques et les études dynamiques. Les études statiques se concentrent plus particulièrement sur le renversement de l’aimanta- tion induit par un courant DC polarisé en spin, que ce soit dans les GMR ou dans les JTM. Les études dynamiques sont plutôt focalisées sur l’étude du régime précessionnel. Les fréquences de précession se situant dans la gamme du GHz, les études dynamiques font donc intervenir des techniques expérimentales micro-ondes plus difficiles à mettre en oeuvre. A la frontière entre ces deux approches, il est intéressant de citer des travaux comme l’étude dynamique du renversement de l’aimantation induit par des impulsions de champ ou de courant.