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Diffraction d’atomes froids sur un réseau optique

passer à travers les optiques utilisées pour le MOT. De ce fait, la polarisation du réseau optique est circulaire. Le tableau 3.1.2 recense les principales caractéristiques du réseau optique.

Puissance maximale 100 mW

Waist 2.7 mm

Désaccord 6.3 GHz

Polarisation circulaire

Table3.1: Caractéristiques du faisceau créant le réseau optique vertical. La puissance est donnée en sortie

de fibre. Le désaccord est vers le rouge.

3.2

Diffraction d’atomes froids sur un réseau optique

Pour réaliser une situation de trampoline, nous faisons rebondir des atomes sur un réseau op- tique. La physique des atomes froids dans des réseaux optiques est un domaine en fort développe- ment, et il existe sur le sujet une littérature particulièrement abondante (voir [Hecker Denschlag 02, Morsch 06, Bloch 08] pour des revues sur le sujet). Nous allons ici nous restreindre à l’utilisation d’un réseau optique dans le cadre de l’interférométrie atomique et de l’optique atomique [Cronin 07]. Spécifiquement, un réseau optique peut être utilisé comme élément d’optique atomique, soit en tant que miroir à atomes [Martin 88], soit en tant que séparatrice cohérente [Giltner 95, Rasel 95, Kozuma 99]. Ce sont ces deux aspects que nous utilisons dans les expériences de trampoline à atomes froids. La théorie de tels éléments d’optique atomique est présentée en détails dans [Müller 08a].

L’interaction des atomes avec le réseau optique peut être envisagée de deux points de vue. Le premier point de vue est celui hérité de la physique des solides, et basé sur le théorème de Bloch. Cette approche permet de calculer la structure de bandes et les niveaux d’énergie du système. En ce sens, ce point de vue peut être qualifié de statique. Le second point de vue, que nous allons adopter dans la suite, consiste à considérer des atomes libres, dont les états sont couplés entre eux par le potentiel du réseau. Ce point de vue est celui de l’optique quantique. Dans ce cadre, on peut traduire les couplages entre états d’impulsion en terme d’échanges de photons entre les atomes et les faisceaux laser créant le réseau optique.

Le problème de l’interaction d’un atome avec un réseau optique contient essentiellement deux échelles d’énergie :

– L’énergie de recul qui est l’énergie cinétique d’un atome initialement au repos après absorption ou émission d’un photon. Cette énergie s’écrit

Er=

¯ h2k2

2m (3.1)

– La profondeur du réseau V0, proportionnelle à l’intensité lumineuse de l’onde stationnaire.

C’est cette quantité qui gouverne l’ouverture de la bande interdite du réseau optique. On parle de régime de diffraction de Bragg lorsque V0 < Er, car dans ce cas la diffraction doit

respecter la condition de Bragg (conservation de l’énergie cinétique des atomes).

En présence de la gravité g (ou plus généralement d’une force uniforme dans la direction du réseau), une nouvelle échelle d’énergie apparaît. Cette échelle s’écrit

EB=

mg

2k. (3.2)

Cette énergie correspond à l’écart entre les niveaux de Wannier-Stark [Wannier 62]. En termes de dynamique, cette échelle correspond à la fréquence des oscillations de Bloch dans le réseau dirigé

verticalement [Ben Dahan 96]. Lorsque EB ≪ V0, on peut négliger la gravité pour le traitement

des interactions atomes-réseau. Ce sera toujours le cas dans nos expériences, pour lesquelles on a toujours au moins un ordre de grandeur entre ces deux quantités.

3.2.1 Réflexion de Bragg : un miroir à atomes

Nous allons décrire en détails la réflexion de Bragg d’atomes sur un réseau, en adoptant un point de vue de type "optique quantique". Nous allons en particulier présenter comment il est possible d’utiliser cette réflexion de Bragg pour faire rebondir les atomes dans le trampoline.

Principe

Le processus de réflexion de Bragg appartient à la famille des processus Raman à deux photons [Reuse 06]. Le réseau optique est formé de photons de vecteurs d’onde k et −k dans la direction verticale, et dont la fréquence est désaccordée par rapport à une transition atomique. Le processus Raman d’absorption d’un photon de vecteur d’onde −k et émission stimulée d’un photon de vecteur d’onde k couple de manière résonante les états atomiques |5S, ki et |5S, −ki. La figure 3.4 illustre ce point.

Lorsque le désaccord ∆ est grand devant les autres échelles d’énergie, on peut éliminer adiaba- tiquement l’état excité [Müller 08a]. La fréquence de Rabi que l’on obtient pour le processus à deux photons est égale à Ω21

2∆, où Ω1 est la fréquence de Rabi à un photon sur la transition |5Si → |5P i.

Remarquons que l’expression de la fréquence de Rabi à deux photons est identique à celle de la profondeur du réseau, si l’on considère que celui-ci est produit par la force dipolaire induite par l’onde stationnaire. La force dipolaire a pour origine l’absorption et l’émission stimulée de photons non résonnants [Dalibard 85], il s’agit en fait exactement du même processus physique.

Oscillations de Rabi : observation expérimentale

Considérons maintenant un atome ayant une impulsion p = −¯hk, se propageant dans le réseau optique. En vertu des considérations précédentes, la dynamique de l’atome est analogue au problème de Rabi en optique quantique ([Eberly 75, Reuse 06]), et l’on s’attend à observer des oscillations entre les états d’impulsion |ki et | − ki.

Expérimentalement, nous avons observé ces oscillations de Rabi. La séquence expérimentale est la suivante : les atomes sont relâchés à l’instant t = 0, et accélèrent en raison de la gravité. Lorsqu’ils atteignent approximativement la vitesse de recul vr = ¯hkm, le réseau optique est allumé

à faible puissance optique (environ 7 mW). Le réseau est maintenu à puissance constante pendant une durée variable, puis on observe la distribution en vitesse du nuage par la méthode des temps de vol. La figure 3.5 présente l’observation de ces oscillations de Rabi sur notre expérience.

Le fait que l’on puisse observer des oscillations de Rabi entre états d’impulsion différentes prouve que le processus transfert entre ces états est cohérent [Kozuma 99].

En réalisant un pulse π, c’est-à-dire une demi oscillation de Rabi, on peut réaliser un miroir pour atomes froids : les atomes incidents avec une impulsion −¯hk repartent après une demi période avec une impulsion +¯hk. C’est cet effet qui nous permet de réaliser la situation de trampoline pour atomes [Hughes 09].

Sélectivité en vitesse

Lorsque l’atome incident n’a pas exactement l’impulsion ¯hk, la réflexion de Bragg est moins efficace. En effet, on sait que les oscillations de Rabi ne permettent de transférer la totalité de la population que lorsque le couplage est parfaitement résonnant [Eberly 75]. La largeur en énergie du processus est donnée par la limite de Fourier liée à la durée du pulse. Autrement dit, la largeur en

3.2. Diffraction d’atomes froids sur un réseau optique

Figure 3.4: Schéma du processus de réflexion de Bragg par une onde optique stationnaire. En ordonnée,

l’énergie totale d’un atome de Rubidium libre. En abscisse l’impulsion de l’atome dans la direction de propagation du laser. Le laser est désaccordé de ∆ par rapport à la résonance atomique 5S → 5P. Le processus à deux photons absorption-émission stimulée couple de manière résonnante les états d’impulsion

−¯hk et ¯hk.

Figure3.5: Oscillations de Rabi entre les états d’impulsion | − ¯hki et | + ¯hki. Les images sont prises après

un temps de vol de 20 ms. La première image est prise après un temps d’interaction avec le réseau optique de 10 µs, et les images suivantes sont décalées de 5 µs les unes par rapport aux autres. Ces images permettent de calculer la période de Rabi du processus, qui est ici de 86 µs.

énergie est donnée par la fréquence de Rabi elle-même. On peut évaluer cette largeur en utilisant la relation de Heisenberg δEδt ∼ ¯h. Si on choisit δt = π/Ω, et δE = ¯hkδv, avec δv la sélectivité en vitesse, on obtient :

δv ∼ kδt1 (3.3)

soit pour les chiffres de la figure 3.5 δv = 3 cm s−1.

Cette sélectivité en vitesse fait de la réflexion de Bragg un outil intéressant pour sonder les composantes de vitesse d’un nuage : en effet, en augmentant la durée des pulses, on peut dimi- nuer grandement δv. Notamment, on peut rendre δv plus petit que la dispersion en vitesse d’un condensat, ce qui permet de réaliser une "spectroscopie de Bragg", mesurant les excitations d’un condensat à une vitesse donnée et une impulsion donnée [Kozuma 99, Stenger 99, Steinhauer 03, Richard 03, Veeravalli 08].

3.2.2 Au-delà du régime de réflexion de Bragg

Lorsque les pulses d’onde stationnaire sont très courts, d’autres processus que le processus Raman à deux photons décrit plus haut doivent être pris en compte, à savoir des processus Raman non résonnants, et des processus à plus de 2 photons. Qualitativement, la relation de Heisenberg autorise les transitions non résonnantes entre états d’impulsion. Pour un atome incident avec une impulsion ¯hk, outre la transition vers −¯hk, on peut également avoir des transitions vers 3¯hk et −3¯hk, pour peu que le pulse soit suffisamment court3

.

La probabilité de transition non résonnante peut être évaluée par la relation δE δt ∼ ¯h. La différence d’énergie entre les états d’impulsion | ± ¯hki et | ± 3¯hki vaut 8Er. On s’attend donc à

une contribution de ces transitions lorsque la durée du pulse est de l’ordre de ¯h

8Er = 33 µs. Les

transitions vers des états ayant une plus grande différence d’énergie sont encore plus faibles. On peut calculer la probabilité de transition non résonnante en utilisant par exemple la méthode des fonctions de Mathieu [Abramowitz 65] exposée dans [Müller 08a]. Les fonctions de Mathieu sont les fonctions propres exactes de l’équation de Schrödinger dans un potentiel en cosinus. Le résultat d’un tel calcul est présenté en figure 3.6.

On observe que pour une fréquence de Rabi de l’ordre de 8Er, soit ici une période de Rabi

de 70 µs, on peut obtenir une probabilité de transition résonnante de l’ordre de 93 %. Dans ce cas, la probabilité de transition non résonnante est de 3 % environ. La situation de diffraction du nuage est alors telle que schématisée en figure 3.7. Ces résultats sont obtenus pour des pulses d’enveloppe carrée. La forme de l’enveloppe modifie significativement la probabilité de transition non résonnante, comme étudié en détails dans [Müller 08a, Müller 08b].