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II- 1.1-Nanoparticules

II.1.3. Devenir in vivo des nanoparticules

Les nanoparticules étant testées dans le cadre de nombreuses applications biomédicales, un grand nombre d'études se sont attachées à décrire leurs parcours et interactions dans un organisme vivant.

II.1.3.a - Clairance

Après injection des nanoparticules dans la circulation sanguine, celles-ci rencontrent immédiatement un environnement complexe de protéines plasmatiques et de cellules immunitaires.

Des protéines s'adsorbent à leur surface, telles que les immunoglobulines, les composants du système du complément, les opsonines, les fibrinogènes et l’albumine[224]. Ces protéines peuvent former un couronne de biomolécules et ainsi déterminer le transport des nanoparticules dans les liquides physiologiques, leur capture cellulaire, leur bio-persistance et leur éventuelle toxicité pour l’organisme [225]. L’adsorption des opsonines par exemple, entraine leur phagocytose par les cellules du système réticulo-endothélial (RES) dans la circulation sanguine et dans les tissus[224], [226]. Certaines protéines telles que l’albumine stabilisent les nanoparticules tandis que d’autres, comme le fibrinogène, provoquent leur agrégation.[227]. De plus, l’adsorption de protéines à la surface des nanoparticules peut augmenter leur taille globale, changer leur charge de surface ou favoriser leur agrégation, provoquant ainsi de profondes modifications de leurs propriétés physico-chimiques[228].

II.1.3.b-Effet EPR (Enhanced Permeability Effect)

Lors de l’angiogenèse tumorale, la vascularisation est perturbée, rapide. Ainsi les capillaires formés sont discontinus et présentent de larges fenestrations (jusqu'à 600 nm) comparé aux capillaires des tissus sains (60-80 nm) [229]. Cette fenestration de l’endothélium permet l’extravasation des nanoparticules qui vont s’accumuler dans l’espace interstitiel. Ce phénomène est appelé effet EPR (Enhanced Permeability and Retention Effect) [230], [231]. Néanmoins ce phénomène est limité et varie d'une étude à une autre, car l'effet EPR dépend du degré de vascularisation de la tumeur. En effet celles-ci présentent des hétérogénéités de vascularisation et de porosité de leurs vaisseaux [232]. Par exemple, l'effet EPR est peu observé dans les tumeurs hypo-vascularisées comme dans les cas des cancers de la prostate et du pancréas [233].

53 Figure 19.- Illustration de la circulation sanguine des nanoparticules A) dans des tissus sains et B) dans une tumeur (effet EPR)

Lorsque des nanoparticules d’oxyde de fer sont administrées par voie intraveineuse, leur demi- vie plasmatique chez l'humain varie de 2h à plus de 24h en fonction leurs propriétés physico- chimiques. Chez les souris elle varie de quelques minutes à plusieurs jours [234], [235].

Par conséquents les nanoparticules ne sont pas seulement caractérisées par leurs propriétés de synthèse mais également par les interactions multiples et dynamiques avec le milieu dans lequel elles se trouvent. In vivo, ces interactions jouent un rôle important pour leur devenir dans l'organisme et dans les cellules, ainsi que pour leurs effets thérapeutiques. [227]. Comme nous allons le voir dans les prochains paragraphes, différentes propriétés intrinsèques des nanoparticules influent donc sur leur devenir et leur efficacité in vivo, tant au niveau cellulaire qu'au niveau de l'organisme entier.

II.1.3.c-Enrobage et Ciblage

Les nanoparticules peuvent être recouvertes de couches supplémentaires qui leur confèrent des propriétés nouvelles pouvant améliorer ou non leur utilisation in vivo. Ces couches peuvent être de nature polymérique (ex: polyéthylène glycol(PEG), dextran), métallique (ex: couche d'or) ou encore minérale (ex: silice).

 Biocompatibilité

En premier lieu, enrober des nanoparticules les rend biocompatibles. [235]. Le Nickel et le Cobalt peuvent être rendus biocompatibles par l'ajout d'une couche d'or [236], [237]. Seongbom jeon et al. ont eux rendu leurs nanoparticules moins cytotoxiques en les enrobant d'alginate ou de PGLA [238].

54  Solubilisation et stabilité

Ensuite l'utilisation de polymère d’enrobage permet d’empêcher la déstabilisation et l’agrégation des nanoparticules, mais également de favoriser leur solubilisation dans les milieux aqueux et biologiques. Après internalisation, il a été montré que l'enrobage des nanoparticules pouvait aussi influer sur leur temps de dégradation. Ainsi des nanocubes mis dans des conditions chimiques similaires à celles intralysosomales se dégradaient plus lentement et gardaient plus longtemps leur aimantation lorsqu'ils étaient recouverts d'un polymère amphiphile par rapport à lorsqu'ils étaient recouverts de polyéthylène glycol (PEG)[227].

 Clairance et demi-vie plasmatique

De plus les nanoparticules non enrobées sont éliminées par l’organisme dans les heures qui suivent l'injection [239], [240]. La clairance rapide de ces nanoparticules limite leur utilisation car celles-ci n'ont pas le temps d'atteindre le tissu ciblé [241]. L’enrobage des nanoparticules peut les rendre furtives. En effet, afin d'empêcher la reconnaissance des nanoparticules par le RES via la diminution de l'opsonisation, différents polymères d’enrobage (le polyéthylène glycol (PEG), le poloxamere, ou la polyxamine) ont été testés. Le PEG notamment est un polyéther synthétique linéaire, neutre et hydrophile qui augmente fortement la furtivité, la demi-vie et la biocompatibilité des nanoparticules. Il crée un champ de répulsion stérique autour de la nanoparticule, empêchant ainsi l’adsorption des opsonines. [235] Des études ont mis en évidence que son efficacité dépend de son poids moléculaire [226], [242], [243].

 Adressage

Le dernier avantage de l’enrobage des nanoparticules magnétiques est que celui-ci permet de les adresser à une cible thérapeutique. En effet, les nanoparticules non adressées se retrouvent dans les organes du RES, majoritairement dans le foie et dans une moindre proportion dans la rate [228]. En utilisant un enrobage approprié il est possible de diriger les nanoparticules vers d’autres cibles, comme une tumeur par exemple. Pour cela, il existe deux stratégies principales : l’adressage passif et l’adressage actif.

L’adressage passif consiste à faire varier la nature et la longueur des molécules de

l’enrobage, ainsi sa charge de surface pour favoriser l’accumulation des nanoparticules dans un tissu particulier ou leur internalisation cellulaire. Par exemple, le polymère biocompatible le plus utilisé pour faciliter l'adressage des nanoparticules aux organes du RES est le dextran car

55 il est reconnu par les macrophages et entraine donc la phagocytose des nanoparticules par les cellules immunitaires [244]. Néanmoins la phagocytose de nanoparticules d’oxyde de fer enrobées de silice ou de citrate s’est révélée supérieure à celle des nanoparticules enrobées de dextran [245], [246].

L’adressage actif consiste à conjuguer à la surface des nanoparticules des ligands

capables de se lier spécifiquement à des épitopes ou à des récepteurs de surface. Ce principe est entre autre appelé vectorisation des nanoparticules. Les ligands peuvent être des oligosaccharides, des peptides, des aptamères, des anticorps... Ils permettent de cibler un type cellulaire précis, un tissus et d'y adresser les nanoparticules. Par exemple, la vectorisation de nanoparticules avec l'hormone LHRH (luteinizing hormone releasing hormones) a permis la liaison au récepteur surexprimé avec une forte incidence dans le cancer du sein [247] et a donc mené à un ciblage de la tumeur (59% contre 9% pour les nanoparticules non vectorisées). De plus, Vegerhoff et al. [248], en utilisant des nanoparticules vectorisées avec Cetuximab (anti- EGFR), ont montré par IRM une accumulation des nanoparticules dans les tumeurs de souris. Pourtant il peut arriver que la quantité de nanoparticules vectorisées dans la tumeur ne soit pas supérieure à celle de nanoparticules non vectorisées. Ceci peut s'expliquer par une accumulation tumorale des nanoparticules liée à l’effet EPR seul, le ligand ne participant pas à l'extravasation des nanoparticules des capillaires. De plus certains ligands peuvent être plus immunogènes que d'autres et favoriser la clairance des nanoparticules.

II.1.3.d-Dimensions

La taille hydrodynamique d’une nanoparticule comprend le cœur de la particule, c'est à dire la partie magnétique, ainsi que son enrobage et les molécules interagissant autour.

 Biodistribution

Pour une application thérapeutique, la taille hydrodynamique est à prendre en compte car elle influence la clairance plasmatique et le devenir des nanoparticules après leur injection dans l’organisme. C'est l'un des paramètres les plus importants à prendre en compte pour la biodistribution [235].

En effet, lorsque la taille des nanoparticules est inférieure à 6-10 nm, elles sont rapidement excrétées par les reins [235], [249]. En règle générale, les nanoparticules de taille hydrodynamique élevées sont phagocytées plus efficacement par les macrophages que des nanoparticules de petite taille similaires (même enrobage, matériau...) [224], [250], [251]. Entre 100 et 300 nm, elles sont massivement captées par les organes du RES (foie et rate) [235].

56 Généralement, les nanoparticules dont la taille hydrodynamique est située approximativement entre 10 et 100 nm ont une demi-vie plasmatique prolongée, car elles sont suffisamment petites pour échapper à la phagocytose par le RES et pour diffuser à travers les capillaires sanguins vers les tissus. Ceci leur permet d'accéder à d'autres organes que ceux du RES, et notamment de cibler des tumeurs [235].

 Internalisation cellulaire

La taille hydrodynamique des nanoparticules est également un paramètre important pour leur internalisation cellulaire. C’est particulièrement le cas pour les nanoparticules vectorisées. Les nanoparticules de taille élevée initient le processus d’enveloppement de la membrane menant à leur endocytose en se liant à de nombreux récepteurs. Cependant, une nanoparticule de diamètre supérieur à 60 nm entraîne une pénurie des récepteurs ciblés, ce qui diminue son absorption car moins de récepteurs sont disponibles pour internaliser d'autres nanoparticules [235]. A l'inverse, les nanoparticules sphériques de taille inférieure à 30 nm, ne parviennent pas à initier le processus d'enveloppement de la membrane car elles ne se lient pas à suffisamment de récepteurs. Néanmoins si un grand nombre d'entre elles se lient à des récepteurs situés à proximité elles peuvent tout de même déclencher leur internalisation [235].

Bien que le diamètre optimal exact varie d'une étude à l'autre (selon le type de nanoparticules, de cellules...), une nanoparticule sphérique revêtue de ligand, dont le diamètre est compris entre 30 et 60 nm, peut recruter et se lier à un nombre suffisant récepteurs cellulaires pour déclencher le processus d'enroulement membranaire sans pénurie de récepteurs [235]. La plupart des études in vitro montrent une absorption cellulaire maximale dans la plage de 10 à 60 nm, indépendamment de la composition du noyau ou de la charge en surface [252]–[254].

II.1.3.e-Concentration

La demi-vie plasmatique est dépendante de la dose administrée chez les modèles animaux comme chez les humains [255], [256]. Ce phénomène, ayant lieu pour de nombreux types de nanoparticules, est liée à la saturation des macrophages[257]. Par exemple une étude a démontré que les macrophages du foie et de la rate chez les rats sont saturés lorsque 1015 nanoparticules sont injectées [258]. Les nanoparticules restantes circulent généralement dans le sang plus longtemps et ont plus de chance d'atteindre d'autres organes [255].

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Dans les prochaines parties nous allons nous intéresser davantage aux nanoparticules magnétiques (NPM). Néanmoins, certains objets magnétiques utilisés dans les études qui seront citées ne correspondent pas à la définition donnée en partie I.1 sur les nanoparticules en termes de dimensions. Elles seront néanmoins prises en compte mais le terme « particules » sera utilisé au lieu de NPMs. Pour autant elles ne feront pas parti des tableaux récapitulatifs présentés.

Les NPMs sont sensibles aux champs magnétiques et cette propriété peut être exploitée pour des utilisations thérapeutiques.

II.2.-Champs magnétiques et leurs effets sur la matière