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Les propriétés magnétiques des matériaux s'expliquent par la présence de courants dans la matière, liés au mouvement des électrons autour du noyau et au moment magnétique propre d'un électron créé par sa rotation sur lui-même.

Le moment magnétique d'un matériau, résultant de la somme des moments magnétiques de tous les atomes/toutes les parties de ce matériau, peut être inhérent au matériau lui-même et être nul ou non nul ; on dit alors que c'est un moment magnétique permanent.

Figure 10- Illustration schématique d'un moment magnétique

Un moment magnétique est dit induit lorsqu'il est créé par la présence d'un champ magnétique 𝐵⃗ . Dans ce cas, le moment magnétique d'un corps se manifeste par la tendance qu'a ce corps à s'aligner dans le sens d'un champ magnétique. Par ailleurs, tout système possédant un moment magnétique produit également un champ magnétique autour de lui. Le moment magnétique se note 𝑀⃗⃗ et s'exprime en ampère mètre carré (A·m2). Le moment magnétiqueest une grandeurvectorielle.

Plusieurs phénomènes magnétiques sont observés selon les matériaux en présence ou en absence d'un champ magnétique extérieur :

- le diagmagnétisme : En l'absence de champ magnétique, le moment magnétique global permanent du matériau est nul. En présence de champ magnétique, les matériaux alignent leur

60 moment magnétique de façon antiparallèle avec les lignes de champ soit un moment magnétique opposé au sens du champ magnétique, ce qui explique pourquoi les corps diamagnétiques sont repoussés par les aimants (Fig.11).

A) B) C)

Figure 11- Illustration schématique des mouvement des moments magnétiques d'un matériau diamagnétique A) avant, B)pendant, C) et après l'application d'un champ magnétique

- le paramagnétisme : En l'absence de champ magnétique, les différents moments magnétiques sont orientés au hasard, n'interagissent pas entre eux, résultant en un moment magnétique global et une aimantation nuls. En présence d'un champ magnétique externe le matériau a tendance à aligner ses moments magnétiques dans le sens des lignes du champ. Quand le champ est arrêté, le matériau perd son aimantation et le moment magnétique redevient nul (Fig.12).

A) B) C)

Figure 12- Illustration schématique des mouvement des moments magnétiques d'un matériau paramagnétique A) avant, B)pendant, C) et après l'application d'un champ magnétique

- le ferromagnétisme: Dans un tel matériau, les moments magnétiques de leurs atomes sont alignés dans la même direction et dans le même sens dans de nombreuses régions du matériau, appelées domaines. Ceci est dû à une interaction entre les différents moments magnétiques du matériau. En présence d'un champ magnétique extérieur, les différents moments s’alignent dans la direction des lignes de champ. Une fois le champ arrêté les moments magnétiques des différents domaines restent orientés dans le sens du champ et le moment magnétique total est non nul. Lorsque tous les moments magnétiques sont orientés de la même manière, on dit que le matériau est saturé. Cet ordre magnétique n’apparait que sous une température seuil, appelée température de Curie (TC). Ce phénomène concerne le Fer, le Nickel et le Cobalt, leurs alliages

61 et quelques terres rares. Au-delà de cette température, ces matériaux se comportent comme des matériaux paramagnétiques (Fig.13).

A) B) C)

Figure 13- Illustration schématique des mouvement des moments magnétiques d'un matériau ferromagnétique A) avant, B)pendant, C) et après l'application d'un champ magnétique

- l'antiferromagnétisme : en l'absence de champ, les différents moments du matériau sont antiparallèles deux à deux et égaux en amplitude, ce qui conduit à un moment total nul du matériau. Au-dessus de la température de Néel, un corps antiferromagnétique adopte un comportement paramagnétique.

- le ferrimagnétisme : Les ferrites (famille d’oxydes de fer particuliers), ont des propriétés similaires aux substances ferromagnétiques : ils possèdent un moment magnétique global non nul en l’absence de champ magnétique extérieur. En effet leurs différents moments magnétiques s'alignent antiparallèlement deux à deux, ont des amplitudes différentes et donc ne se compensent pas entre eux. Contrairement aux matériaux ferromagnétiques, les corps ferrimagnétiques sont des isolants électriques. En présence d'un champ magnétique extérieur, les moments magnétiques ont tendance à s'aligner dans la direction du champ magnétique. Lorsque la température est inférieure à la température de Curie, un comportement similaire aux matériaux ferromagnétiques est observé et une saturation de l’aimantation du matériau apparaît pour une valeur de champ particulière. Au-dessus de la température de Curie, le matériau adopte un comportement similaire aux matériaux paramagnétiques.

Un dernier phénomène est le superparamagnétisme : des matériaux ferromagnétiques peuvent adopter un comportement de matériaux paramagnétiques lorsqu’ils sont sous la forme de nanoparticules. Pour pouvoir atteindre un régime superparamagnétique, un matériau doit avoir une taille suffisamment petite, et cette taille critique dépend du matériau lui-même. Par exemple les nanoparticules d'oxyde de fer peuvent atteindre cet état pour des dimensions en- dessous de 20 nm, à température ambiante.

62 On distingue deux régimes pour les nanoparticules ferromagnétiques monodomaines : le régime superparamagnétique lorsque l’agitation thermique est suffisante pour induire un retournement spontanée de l’aimantation et le régime ferromagnétique lorsque cette agitation thermique est insuffisante pour provoquer un retournement d’aimantation sur une échelle de temps pertinente pour l’expérience ou l’étude en cours. Ainsi, une température peut être définie, pour un temps de mesure donné, comme la température de transition entre les régimes superparamagnétique et ferromagnétique.

La différence entre les deux régimes est illustrée par les courbes décrites par l'aimantation du matériau en fonction de l'amplitude du champ magnétique (Fig.14). L'aimantation correspond à une densité volumique de moments magnétiques.

Figure 14- Courbes d'aimantation d’un matériau ferromagnétique (gauche) et d'un matériau superparamagnétique (droite). L’aimantation (M) du matériau est tracée en fonction du champ magnétique (H).

Le régime superparamagnétique est une propriété des matériaux à l'échelle nanométrique qui nous intéresse tout particulièrement pour l'application thérapeutique que nous allons étudier plus en détails dans la partie suivante de ce manuscrit.

H H H c - H c

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II.2.4- Propriétés et applications des états magnétiques des

nanoparticules magnétiques

II.2.4-a. Champs magnétiques hautes fréquences (≥10kHz) - Effet thermique

 Principe

Lorsqu’elle est soumise à un champ magnétique de fréquence de plus en plus élevée, une nanoparticule superparamagnétique transite progressivement vers le régime ferromagnétique. Ainsi il y a ouverture de son cycle d'hystéresis, ce qui entraine un échauffement de la nanoparticule, l’aire du cycle étant de l’énergie dissipée sous forme de chaleur. On appelle également cette chaleur dissipée « pertes par hystérésis ». En outre, plus la fréquence de parcours de ce cycle d’hystérésis est élevée, plus la NPM dissipe de la chaleur. La puissance thermique dissipée par unité de masse de matériau ferromagnétique, appelée Specific Absorption Rate (SAR), correspond à l’équation suivante:

SAR = 𝐴𝑓 (1)

A : aire du cycle d’hystérésis du matériau considéré; f : fréquence du champ magnétique

Le cycle d'hystérésis décrit les différents états d'aimantation par lesquels passe un matériau lors de l'application d'un champ magnétique (Fig.14). L’aimantation à saturation Ms correspond à l’aimantation du matériau une fois que tous ses moments magnétiques sont alignés avec le champ. L'aimantation rémanente Mr correspond à l’aimantation d’un échantillon lorsque le champ magnétique appliqué est arrêté ; celle-ci est non-nulle (sa valeur est à minimiser si l'on cherche à éviter l'agglomération des nanoparticules). Afin de faire retrouver au matériau une aimantation nulle, il est nécessaire de le soumettre à un champ opposé. Une augmentation forte de ce champ opposé entraine l'aimantation du matériau dans le sens contraire à celui initial (Hc, valeur du champ coercitif), jusqu'à une possible saturation inverse. En appliquant alternativement des champs magnétiques de sens opposés on peut donc faire parcourir entièrement à une nanoparticule son cycle d'hystérésis

 Traitement par hyperthermie magnétique

L’objectif de l'hyperthermie magnétique ou MFH (pour Magnetic Fluid Hyperthermia) est d’induire leur échauffement de NPMs via l'utilisation de champs magnétiques alternatifs à haute fréquence. Au niveau biomédical, ce phénomène a été étudié en tant que stratégie antitumorale alternative ou complémentaire aux thérapies conventionnelles (chimiothérapie et

64 la radiothérapie). En effet il a été démontré que les cellules tumorales sont plus sensibles aux augmentations de températures que les cellules saines, et qu’une hyperthermie (soit une température d'environ 45°C) dans la tumeur peut engendrer sa destruction [259].

Les NPMs sont des outils très intéressants pour une génération locale d’hyperthermie au niveau tumoral. Cependant à l’échelle nanométrique, l’énergie dissipée par ces objets est relativement faible, il est donc nécessaire d'appliquer des champs magnétiques de fréquences supérieures à quelques dizaines de kHz pour générer une puissance de chauffe suffisante.

En 1957, l’étude de R. K. Gilchrist et al. [260] montrent des nanoparticules d’oxyde de fer (γ-Fe2O3) d’un diamètre entre 20 nm et 100 nm, exposées à un champ magnétique alternatif d’environ 22 mT à 1,2 MHz, engendrent une augmentation de température suffisante pour détruire les cellules tumorales localisées dans des ganglions lymphatiques contenant des métastases, après 3 minutes d’application du champ magnétique. Depuis, de nombreuses équipes de recherche ont testé cette stratégie, et la société MagForce, fondée en 1997, fut la première [261] à développer cette technique au stade préclinique [262], puis clinique. Une étude clinique sur la récidive de glioblastome a montré une augmentation de quelques mois de la médiane de survie des patients grâce à une combinaison de radiothérapie et d’hyperthermie magnétique [263].

Cependant, la théorie selon laquelle l'hyperthermie magnétique provoque un élévation thermique globale est actuellement en discussion [264]. En effet, plusieurs études étudiant l’hyperthermie magnétique montrent une diminution de la viabilité cellulaire, sans détecter d'élévation de la température suffisante dans le milieu pour induire des dommages aux cellules [265], [266]. Trois hypothèses principales ont émergées afin d'expliquer ce phénomène.

La première est issue d'une étude théorique qui propose que l’oscillation des NPMs dans un champ alternatif inhomogène créée des ultrasons [267].

Une deuxième hypothèse se base sur des résultats expérimentaux montrant une augmentation de température au voisinage de NPMs [268], [269], [25]. La température locale augmente de plusieurs dizaines de degrés à la surface des NPMs puis décroit de manière abrupte à quelques nanomètres de celle-ci.

La dernière hypothèse est que l'effet délétère de l'hyperthermie magnétique sur les cellules serait dû à une action mécanique des NPMs. Leur rotation ou leur translation engendrerait des signaux de mécano-transduction dans les cellules et perturberait leur fonctionnement [271]. Néanmoins une étude récente apporte des éléments permettant de remettre en cause cette dernière théorie [272]. Les auteurs ont superposé un gradient de champ

65 magnétique alternatif et un champ statique, ce qui permet d'empêcher les NPMs de chauffer mais également de maximiser leurs mouvements. Aucune mort cellulaire, normalement enregistrée lorsque les nanoparticules chauffent, n'a été enregistrée, ce qui a permis d'exclure toute implication de stress mécanique dû aux NPMs.

Pour la suite de ce manuscrit, nous ne prendrons pas en compte la dernière hypothèse évoquée et nous considèrerons que les champs magnétiques haute-fréquence provoquent une hausse de température, locale ou globale, et que les champs magnétiques basse-fréquence génèrent des forces mécaniques, comme nous allons le détailler dès à présent.

II.2.4-b. Champs magnétiques basses fréquences (≤1kHz) - Effet mécanique

Dans le cas de NPMs, soumises à champs de basse fréquence, l’énergie dissipée est négligeable (voir équation (1)). Néanmoins les champs magnétiques basse-fréquence peuvent induire le mouvement d'une NPM.

L'exposition d'une NPM à un gradient de champ magnétique entraine son déplacement rectiligne vers la zone où le champ magnétique est maximal. L'exposition d'une même NPM à un champ magnétique uniforme et unidirectionnel entraine sa rotation grâce à l'alignement de son moment magnétique avec le champ magnétique[273]. Dans le premier cas, la NPM subit une force translationnelle, dans le deuxième celle-ci subit un couple. (Fig.18). Une des conséquences du deuxième effet est qu’une NPM soumise à un champ magnétique homogène rotatif peut tourner en continu.

Il est possible de calculer les couples et forces mécaniques qui entrent en jeu pendant l'application d'un champ magnétique à l'aide des équations suivantes :

- Le couple magnéto-mécanique est donné par le produit vectoriel entre le moment magnétique de l'objet et le champ magnétique appliqué, tel que : 𝝉⃗ = 𝑴⃗⃗⃗ × 𝑩⃗⃗ . Ce couple exerce une force magnéto-mécanique (exprimée en Newton) sur l'objet magnétique, décrit par la formule suivante : ‖𝐹𝑐⃗⃗⃗⃗ ‖=‖𝜏⃗ ‖

𝑑 soit : ‖𝑭𝒄⃗⃗⃗⃗ 𝒎𝒂𝒙‖= 𝑴𝒔𝑽𝑩

𝒅 (2)

- La force translationnelle est exprimée par le produit vectoriel entre le moment magnétique de l'objet et le gradient de champ appliqué:

𝝉⃗ = 𝑴⃗⃗⃗ × 𝛁𝑩⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ⟹ ‖𝑭𝒕⃗⃗⃗⃗ 𝒎𝒂𝒙 ‖= 𝑀𝑠𝑉‖𝛁𝑩⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ‖ (3)

(B le champ magnétique, M le moment magnétique de la NPM, V le volume de l'objet, Ms l'aimantation à saturation, d le diamètre de l'objet)

66 Ces équations permettent de connaitre la valeur d'amplitude de champ à appliquer afin de générer des forces d'une certaine intensité. Elles permettent également de comprendre qu'un champ de plus basse amplitude est nécessaire pour générer une force de même intensité via un champ générant un couple par rapport à un gradient de champ générant une force translationnelle. Enfin elles permettent d'évaluer la force maximale possiblement appliquée par les objets d'une étude à leur environnement en fonction des différents paramètres choisis par les auteurs.

A) B)

Figure 18 -Les deux types de forces s'exerçant suite à l’application d’un champ magnétique sur une NPM. (A) Mouvement de translation (flèche bleu clair) avec un champ magnétique non uniforme(B) Mouvement de rotation (flèche bleu clair) avec un champ magnétique uniforme et unidirectionnel.

L'une des propriétés des matériaux à prendre en compte pour l'application de forces mécaniques via l'action de nanoparticules est l'anisotropie magnétique. Cette dernière correspond aux orientations préférentielles des moments magnétiques d'un matériau qui dépendent des axes cristallographiques des matériaux ainsi que de leur forme. Une NPM possède une anisotropie globale, due à son anisotropie magnétocristalline, à sa forme, ou encore à une combinaison des deux. Cette anisotropie globale correspond à la direction préférentielle d'aimantation d'une nanoparticule, appelé axe facile d'aimantation. L'anisotropie doit être suffisamment forte pour qu'une nanoparticule soit capable de réagir mécaniquement lors de l’application d’un champ magnétique externe. Plus elle est élevée, plus la force maximale possiblement appliquée par les nanoparticules est grande.

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Comme nous l'avons vu (cf. partie II.2.4-a.) la capacité des NPMs à provoquer une hausse de température en présence de champ magnétique est actuellement utilisée afin d'induire une hyperthermie magnétique des cellules cancéreuses. De la même manière des chercheurs ont testé la faculté des NPMs à exercer des forces mécaniques sur leur environnement afin de mettre au point un nouveau type de traitement contre le cancer. Dans la suite de ce manuscrit nous allons nous intéresser à leurs travaux.

II.3.-Mort cellulaire provoquée par des champs magnétiques à