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Deuxième partie : le fonctionnement des

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Chapitre 4. Enfreindre la norme : la déviance juvénile en Espagne de 1939 à 1975

La délinquance juvénile n’est pas une simple construction ; elle existe. Mais elle est infiniment dépendante de ce qu’une société entend par là et des institutions dont elle se dote pour y remédier ou, tout du moins, la canaliser. Il en va de même de la déviance : celle-ci est relative à des normes sociales historiquement déterminées. Elle a partie liée aux seuils de tolérance et d’acceptation fixés par une société donnée486. La sociologie interactionniste a en effet montré que la déviance est toujours le résultat des initiatives d’autrui487. Pour qu’un acte soit considéré comme déviant et qu’une catégorie d’individus soit étiquetée et traitée comme étrangère à la collectivité, quelqu’un doit avoir instauré la norme définissant l’acte comme déviant. La norme n’est créée que si quelqu’un appelle l’attention du public sur les faits, donne l’impulsion indispensable pour mettre les choses en train et dirige les énergies ainsi mobilisées dans la direction adéquate. Sans ces initiatives normatives, la déviance n’existerait pas. Mais une fois qu’une norme existe, cette dernière doit être appliquée à des individus déterminés pour que cette catégorie abstraite puisse se peupler. Il faut découvrir les déviants, les identifier, les appréhender et prouver leur culpabilité. Cette tâche incombe à des professionnels spécialisés dans l’imposition du respect des normes, que Becker appelle les « entrepreneurs de morale ».

C’est dans cette perspective que nous comptons analyser, tout d’abord de façon qualitative, les motifs d’envoi en maison de redressement. Quelles catégories président à l’internement des mineurs à l’Asilo Durán, à la Colonia San Vicente Ferrer et à la Casa tutelar San Francisco de Paula ? L’adoption d’un nouveau code pénal en 1944 introduit-elle à cet égard une rupture franche ? Nous ne disposons que de sources officielles : nous adoptons donc la même catégorisation et les mêmes valeurs que les autorités franquistes lorsqu’elles

486 BANTIGNY Ludivine, « De l’usage du blouson noir. Invention médiatique et utilisation politique du phénomène ‘blousons noirs’ (1959-1962 », in MOHAMMED Marwan, MUCCHIELLI Laurent, Les bandes

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désignent tels jeunes comme déviants. Mais c’est précisément cette qualification, attribuée à des faits et à des individus particuliers, que nous voulons mettre en question. Il s’agit de voir si ce sont les mêmes actions qui sont considérées comme déviantes au cours de la période, comment se déroule ce processus « d’étiquetage », quels motifs et quels objectifs y président. Car la détermination d’une norme et cette stigmatisation d’individus considérés comme « outsiders » est une question de nature politique, dans laquelle la « mise en mots » est essentielle488. Comme le souligne Pierre Bourdieu, « les groupes ont partie liée avec les mots qui les désignent »489.

Nous conduirons ensuite une analyse quantitative des 2310 dossiers personnels recueillis. Quels sont les principaux motifs d’envoi en maison de redressement à Barcelone, à Valence et à Séville? Cette répartition évolue-t-elle au cours de la période ? Les filles sont-elles traitées différemment des garçons ? Il conviendra enfin de tracer les contours de la déviance réelle, au-delà des discours officiels tendant à présenter la hausse de la délinquance juvénile comme une conséquence de la période républicaine et de la guerre civile. En 1942 par exemple, le tribunal de Valence est débordé : le président de la juridiction affirme que l’augmentation de la délinquance est « un triste héritage de l’époque rouge »490.

Une telle étude pose plusieurs problèmes méthodologiques. Nous ne voyons que la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire les faits de déviance ayant d’une part été signalés et pris en charge par les autorités, et ayant d’autre part abouti à un internement en maison de redressement. Nous n’étudions donc qu’un échantillon infime des faits de déviance juvénile ayant réellement eu lieu. Enfin, les dossiers de procédure judiciaire qui ont été croisés, lorsque cela a été possible, avec les dossiers personnels des pensionnaires, posent des problèmes méthodologiques spécifiques. Ainsi, la plupart des historiens s’accordent à reconnaître que ce type de source n’est pas représentatif du degré de violence d’une

487 BECKER Howard S., Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985.

488 C’est le constat dressé par Ludivine Bantigny dans son analyse du phénomène social, politique et médiatique que constituent les « blousons noirs ». BANTIGNY Ludivine, op. cit., p. 21.

489

BOURDIEU Pierre, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 1979, p. 560. 490 « Medítese tan solo en el número de expedientes que en la Facultad protectora ha provocado la liquidación de las situaciones familiares creadas en época roja, y en la Facultad de corrección el aumento de la delincuencia, triste herencia de aquel periodo (…).» Lettre du président du tribunal de Valence au

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société491. Les individus peuvent en effet utiliser la justice dans le règlement de leurs différends, selon les paramètres d’un choix prenant en compte les avantages et les inconvénients d’une telle procédure492.

L’analyse se déroulera en quatre temps. Nous décrirons d’abord le contenu du corpus et exposerons la méthodologie utilisée, pour nous pencher ensuite sur trois phénomènes particuliers : le vol, l’indiscipline et la déviance féminine.

491

REGNARD-DROUOT Céline, « Polissons ou criminels ? Jeunes hommes et violences sexuelles dans le Var au XIXe siècle », in BLANCHARD Véronique, RÉVENIN Régis, YVOREL Jean-Jacques, Les jeunes et

la sexualité. Initiations, interdits, identités (XIXe-XXIe siècle), Paris, Autrement, 2010, p. 246.

492 MARTIN Jean-Clément, « Violences sexuelles, étude des archives, pratiques de l’histoire », Annales.

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I. Une vue d’ensemble : sources et méthode de l’analyse quantitative

1. Description du corpus

a. Modalités de constitution du corpus et méthodologie utilisée

Le corpus contient 2310 dossiers personnels de mineurs envoyés à l’Asilo Durán de Barcelone, à la Colonia San Vicente Ferrer de Valence et à la Casa tutelar San Francisco de Paula de Séville. Les archives consultées s’étalent sur une longue période, allant de 1926 à 1975. L’utilisation des données personnelles est réglementée par la Ley del

Patrimonio Histórico Español (16/1985 du 25 juin 1985), qui indique qu’un délai de 50

ans doit s’être écoulé depuis la fermeture du dossier pour que ce dernier puisse être consulté. Dans les centres d’archives publics, les dossiers personnels des tribunaux pour mineurs ont été consultés jusqu’en 1959, puisque les dépouillements s’étaient achevés en 2009. Il s’agit de la documentation la plus riche et la plus complète dont nous diposions. De fait, notre étude porte donc essentiellement sur le « premier franquisme » (1939-1959). Par ailleurs, la consultation des archives ecclésiastiques (Asilo Durán et section pour garçons de la Colonia San Vicente Ferrer) n’ayant été soumise à aucune restriction, il a semblé crucial de prendre en compte les informations relatives aux années 1960 et 1970. Enfin, grâce aux archives sévillanes, très limitées dans le temps, il est possible d’éclairer un cas particulier, celui de l’Andalousie miséreuse de la fin des années 1920 et du début des années 1930. Environ 10% du fonds de chaque maison de redressement a été dépouillé. Les dossiers personnels de l’institution éducative ont été croisés avec ceux du tribunal pour mineurs, lorsque cela a été possible. L’échantillon ainsi constitué porte sur 2156 garçons et 154 filles. 3161 internements en institution corrective sont recensés, un même mineur pouvant effectuer plusieurs séjours dans une ou plusieurs maisons de redressement. Nous connaissons le motif de l’internement dans 2418 cas, soit dans un peu plus de trois cas sur quatre.

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Description du corpus des dossiers personnels :

Localisation Fonds d’archives Nombre de dossiers personnel saisis Proportion par rapport à la totalité du fonds Période consultée

Barcelone Asilo Durán 1581 11% 1939-1975

Tribunal pour mineurs

Valence Colonia San Vicente Ferrer (filles)

154 14% 1926-1959

Colonia San Vicente Ferrer (garçons)

342 10% 1939-1975

Tribunal pour mineurs 359 1926-1959

Séville Casa tutelar San Francisco de Paula

58 6% 1930-1935

De 1926 à 1930, la quasi-totalité des envois en maison de redressement concernent la Casa tutelar San Francisco de Paula (voir tableau ci-dessous). Les dossiers personnels des jeunes filles internées à la Colonia San Vicente Ferrer entre 1931 et 1935 viennent ensuite s’ajouter à ceux des garçons internés dans la province de Séville, ce qui explique l’augmentation du volume des envois au début des années 1930. Le nombre réduit d’internements pour les années 1936-1938 s’explique par le fait qu’on ne dispose alors que des archives de la section pour filles de la Colonia San Vicente Ferrer. En effet, la documentation sévillane n’est consultable que de 1926 à 1935. Les archives de la section pour garçons de la Colonia San Vicente Ferrer et de l’Asilo Durán ont été détruites pendant la guerre civile ; elles sont consultables à partir de 1944. L’essentiel des envois en maison de redressement intervient au cours des années 1940 et 1950 (2340 envois, soit 75% du total). A partir de l’année 1959, les dossiers des pensionnaires de la section pour filles de la Colonia San Vicente Ferrer et des tribunaux pour mineurs sont inaccessibles. Le volume d’envois dans la section pour garçons de l’institution valencienne et à l’Asilo Durán baisse de façon tendancielle au cours des années 1960 et jusqu’au début des années 1970 : on passe de 207 envois pour la période 1961-1965 à 109 pour la période 1971-1975.

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Evolution du nombre d’internements en maison de redressement :

Période considérée Nombre d'internements 1926-1930 20 1931-1935 130 1936-1938 32 1939-1940 146 1941-1945 935 1946-1950 587 1951-1955 512 1956-1960 306 1961-1965 207 1966-1970 177 1971-1975 109

Les données contenues dans les dossiers personnels ont été informatisées afin d’être traitées tant quantitativement que qualitativement. Le laboratoire Telemme compte parmi ses membres un ingénieur de recherche en informatique du Centre national de la recherche scientifique, Eric Carroll, qui est un spécialiste de la conception et du développement de logiciels et de bases de données relationnelles pour la recherche. Nous avons décidé de concevoir et de développer une base de données relationnelle sur mesure qui soit à même d’organiser et de couvrir l’ensemble du champ couvert par cette thèse. La construction du modèle relationnel a été guidée par une méthodologie entité-relation issue de la démarche d’analyse et de conception de systèmes d’informations Merise493. Nous avons, dans un premier temps, conçu un modèle conceptuel de données reposant sur les notions d’entité et d’association. Nous avons ainsi déterminé 39 entités et 49 associations. Du modèle conceptuel, nous avons déduit le modèle physique de données, qui est la forme que prend la base de données relationnelle dans un moteur de bases de données relationnelle. Il est directement programmable. Le modèle physique de données compte 45 tables contenant au total 182 colonnes ou données différentes. Une fois le modèle conçu, Eric Carroll a développé les interfaces homme/machine ainsi que tous les formulaires nécessaires à l’exploitation de la base de données. Enfin, pour répondre aux questions que nous nous posions, nous avons utilisé la puissance des requêtes SQL (Structured Query Langage)

493 Cette méthode de modélisation systémique, essentiellement utilisée aujourd’hui pour les systèmes d’informations, a pour objectif premier l’adéquation entre les besoins des utilisateurs et les solutions offertes par les informaticiens. Elle est un langage commun de référence centré sur le système d’information et non

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pour exploiter transversalement la base, tant dans sa dimension quantitative que dans sa dimension qualitative.

b. La représentativité du volume des cas étudiés

Il est pour l’instant impossible de mettre en regard le nombre d’internements avec le volume total de mineurs envoyés en maison de redressement de 1926 à 1975 : aucune étude globale et synthétique n’est disponible. C’est en 1956 seulement qu’un service central et unifié commence à collecter et à traiter les données que font remonter les différentes juridictions provinciales. C’est l’Institut national de statistique (Instituto

nacional de estadística) qui assure cette mission. On sait par exemple qu’à la fin de l’année

1956, 24905 mineurs se trouvent sous la tutelle des tribunaux pour mineurs espagnols ; en 1957, 25191 ; en 1958, 25027494. Ces chiffres peuvent être mis en rapport avec la population totale d’individus qui ont alors entre 0 et 16 ans : en 1956, 287 personnes sur 100 000 se trouvent sous la tutelle des tribunaux pour mineurs ; 281 sur 100 000 en 1957, et 275 sur 100 000 en 1958. L’Institut national de statistique indiquant plus spécifiquement quelles mesures ont adopté les tribunaux pour mineurs, il est possible préciser les contours

de la population internée en 1956, 1957 et 1958.

sur l’informatique appliquée. Elle permet une authentique communication entre le responsable de la stratégie de l’organisation, celui de son informatisation et les utilisateurs finaux.

494 INSTITUTO NACIONAL DE ESTADÍSTICA, Estadística de los Tribunales tutelares de menores, Madrid, Presidencia del Gobierno, 1960, p. 13.

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Nombre de mineurs auxquels s’appliquent les différentes « mesures éducatives » adoptées par les tribunaux espagnols (1956-1958) :

Mesure adoptée Nombre de mineurs concernés

1956 1957 1958

AU TITRE DE LA COMPETENCE DE REDRESSEMENT :

Liberté surveillée 7791 7516 6608

Placement en famille 106 107 159

Placement en maison de famille 113 115 94 Internement en établissement d'observation 562 616 656 Internement en établissement d'éducation

ou de redressement 3431 3229 3397

Internement en établissement destiné aux

mineurs « anormaux » 55 51 43

AU TITRE DE LA COMPETENCE DE PROTECTION :

Placement sous surveillance 5516 5690 5786

Confiés à des membres de leur famille 1330 1486 1898

Confiés à des tiers 763 778 847

Internement 5238 5603 5539

Ainsi, 3431 mineurs sont internés dans des établissements « d’éducation ou de redressement » en 1956, 3229 en 1957 et 3397 en 1958. Par ailleurs, une partie des mineurs internés au titre de la « compétence de protection » des tribunaux (5238 individus en 1956, 5603 en 1957, 5539 en 1958) a été envoyée dans des établissements de redressement. On sait par exemple que la Colonia San Vicente Ferrer accueille des jeunes « protégés » et des jeunes « redressés ». Mais là encore, l’absence de typologie (« internement ») ne permet pas de savoir combien de mineurs viennent s’ajouter au pool des pensionnaires de maison de redressement. En définitive, entre 3230 et 3430 mineurs au maximum sont internés dans les maisons de redressement espagnoles à la fin des années 1950. L’échantillon sur lequel nous travaillons (306 envois pour la période 1956-1960) représente donc approximativement entre 1,8% et 1,9% du total de la population internée.

c. Le dossier personnel du pensionnaire de maison de redressement, chronique d’une carrière déviante

Les dossiers personnels ne font pas tous la même longueur et reflètent des parcours individuels plus ou moins complexes : tous les pensionnaires ne sont pas pris en charge au même âge, au même moment et pendant une période équivalente. Le tribunal de Barcelone

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ouvre par exemple le dossier de Miguel en juillet 1942 car le jeune garçon a été arrêté pour vol par la police. Il le referme un peu plus de deux mois plus tard, peu après que Miguel est sorti de l’Asilo Durán. Le dossier ne contient ainsi que sept documents495. A contrario, la même juridiction prend José en charge en février 1932 car l’enfant, âgé de cinq ans, est maltraité par sa famille. La tutelle du tribunal ne prend fin que quatorze ans plus tard, en 1946496. Néanmoins, les dossiers contiennent en général des documents standards dont chacun correspond à une étape de la prise en charge éducative et/ou de la procédure judiciaire. Ces documents permettent de retracer les grandes lignes de la carrière déviante du mineur envoyé en maison de redressement497.

Les archives des maisons de redressement

Il faut ici distinguer les archives de l’Asilo Durán de celles de la Colonia San Vicente Ferrer. Pour les années 1940 et 1950, les dossiers personnels des pensionnaires de l’institution barcelonaise sont en effet constitués d’une seule fiche cartonnée, de petite taille, sur laquelle figure un nombre restreint d’informations (voir annexe 4.1). Cette fiche constitue en quelque sorte une photographie de la situation du mineur au moment de son arrivée dans l’institution. De rares indications sont ensuite apportées au cours du séjour, mentionnant par exemple une fugue ou une maladie. Les dossiers datant des années 1960 et 1970 sont un peu plus développés et sont parfois accompagnés de documents annexes : rapport rédigé par le médecin, correspondance échangée entre l’Asilo Durán et le tribunal pour mineurs, rapport des services sociaux, lettre adressée par un membre de la famille, coupure de presse…

Les dossiers de la Colonia San Vicente Ferrer sont beaucoup plus développés (voir annexe 4.2)498. Ils s’articulent autour de quelques documents standards permettant de reconstituer les étapes marquantes de la prise en charge. Pour les filles, le séjour à la Colonia San Vicente Ferrer débute théoriquement par une période d’observation servant à déterminer de

495

ATTMBcn, dossier n°815b/1942, ID2063. 496 Ibid., dossier n°7848-2/1941, ID2004.

497 Dans les grands lignes seulement, car il est souvent impossible de connaître les détails de cette chronique personnelle, éducative et/ou judiciaire. Les différentes étapes de la procédure interviennent en effet à plusieurs années d’intervalle, sans que l’on sache précisément ce qu’il est advenu entre-temps.

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quel traitement éducatif l’adolescente a besoin et dans quelle la section elle va être placée. Au terme de cette période d’observation, la directrice et le médecin de l’établissement remplissent une « fiche d’observation psycho-médico-pédagogique » (ficha de observación

psico-médico pedagógica) détaillant les caractéristiques médicales, psychologiques,

morales et scolaires de la jeune fille. Ce document se clôt sur une proposition éducative présentée au tribunal pour mineurs. La fiche de María indique que l’adolescente, âgée de douze ans, a été internée pour « vie licencieuse » en avril 1951. On l’accuse de vagabonder et de danser dans des endroits peu fréquentables : son physique « attractif et agréable » expliquerait en partie sa « perversion morale ». L’examen médical montre que María n’est pas encore réglée et qu’elle ne souffre d’aucun problème de santé pouvant être reliés à l’alcoolisme de sa mère. La directrice et le médecin de la Colonia San Vicente Ferrer suggèrent au tribunal pour mineurs de prolonger l’internement de María ; le président suit cet avis. L’adolescente reste un peu plus de deux ans dans l’institution de Burjasot499. Pendant la période d’observation, le tribunal pour mineurs transmet en général à la direction de l’établissement un « formulaire d’antécédents » (hoja de antecedentes). Ce document contient des informations relatives aux faits reprochés à la mineure, à sa situation personnelle et à celle de sa famille : niveau scolaire, état de santé, « moralité », profession… Ce formulaire d’antécédents contient des informations précises et précieuses, indiquant l’origine sociale de la pensionnaire. Ainsi, María est née le 3 avril 1939 à Aspe, dans la province d’Alicante. Elle vit au numéro 4 de la rue Vivons, à Valence. Sa mère, femme au foyer, est alcoolique. Son père travaille comme journalier dans le secteur du bâtiment ; il boit de temps à autre et emmène sa fille à la taverne. La situation financière de la famille est mauvaise. Enfin, la directrice informe le président du tribunal de la façon dont chaque pensionnaire se comporte et indique si, à son sens, celle-ci doit être internée plus longtemps, placée en liberté surveillée ou définitive…

498 Pour la section pour garçons, nous avons utilisé le registre dans lequel le personnel consignait les dates d’entrée et de sortie des mineurs. Il fournit des informations synthétiques mais ne permet pas de reconstituer la carrière déviante des pensionnaires.

499

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Les archives des tribunaux pour mineurs

Les tribunaux pour mineurs ouvrent un dossier personnel pour chaque enfant ou adolescent et non pour chaque fait commis (article 159 des règlements de 1942 et 1948)500. Ce dossier n’est clos que lorsque la juridiction décide de mettre fin à la tutelle ou quand le mineur atteint l’âge de la majorité civile, qui est de 21 ans. Ce type de source est irremplaçable dans la mesure où les dossiers judiciaires sont beaucoup plus complets et développés que ceux des maisons de redressement (voir annexe 4.3). Ils replacent le séjour en institution dans la carrière déviante du mineur, éclairent la nature des faits commis et décrivent le milieu familial et social dont sont issus les pensionnaires. Ils permettent également de

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