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112 Cette partie sera dédiée à l‟analyse de l‟instance de production médiatique dans les deux chroniques de Kamel Daoud. Il s‟agira alors de procéder dans le chapitre 3 à l‟analyse énonciative et dialogique du discours journalistique de Kamel Daoud. Et dans le chapitre 4 à l‟analyse des différentes stratégies discursives employées par ce dernier dans ses deux chroniques.

Nous avons recours à cette approche discursive car cela nous permet d‟étudier la relation qu‟entretiennent l‟énonciateur et son co-énonciateur dans un champ discursif qui doit : tantôt obéir aux règles du discours journalistique et tout ce qu‟il impose comme cadre référentiel, tantôt jouir et jouer avec les certaines libertés de ton que permet le genre de la chronique. Il sera également question des différences constatées entre les deux chroniques et leurs formats de publications, entre celle publiée sur un quotidien de presse traditionnelle (le Quotidien d‟Oran) et celle publiée sur un journal numérique (Algérie-Focus).

114 Ce chapitre sera consacré dans un premier temps à l‟analyse énonciative des chroniques de Kamel Daoud. Cette approche nous permettra de dégager les différents marqueurs linguistiques qui témoigneraient de l‟implication du sujet parlant dans son discours et des différents jeux de positionnements de ce dernier.

Puis nous nous intéresserons en particulier à la dialectique entre l‟énonciateur et son co-énonciateur qui est marquée par un dialogisme interlocutif et un dialogisme interdiscursif et ce dans les deux chroniques de Kamel Daoud. C‟est donc à travers l‟approche dialogique que nous visons à décrire cette dialectique, et mettre en exergue « un simulacre d‟interaction » (Simon, 2010) ou un pseudo-dialogue, une interaction instaurée dans le discours médiatique de Kamel Daoud, entre l‟énonciateur et son co-énonciateur.

3.1. L’implication du sujet parlant dans le discours

L‟énonciation est considérée comme l‟acte de production de l‟énoncé. Par acte de production, on désigne directement le sujet parlant. Dans une communication ou une interaction verbale, les traces de l‟énonciateur sont distinctes dans l‟énoncé du fait même qu‟il est toujours en action et que l‟allocutaire est présupposé faire partie intégrante de la communication. Or, si cette dernière est écrit e, comme c‟est le cas dans notre corpus d‟analyse, il devient assez compliqué de « délimiter où passe la frontière entre l‟énoncé et l‟acte de production à partir du moment où la seconde cesse d‟être conçue comme l‟acte de production du premier ; les deux objets se trouvent rapprochés […] et la différence réside dans la mise en perspective de cet objet » (Kerbrat-Orecchioni 2009, p 33-34). Et comme le déclare Provost-Chauveau (1971, p.12) « à l‟énoncé conçu comme objet-évènement, totalité extérieure au sujet parlant qui l‟a produit, se substitue [dans la perspective d‟une linguistique de l‟énonciation] l‟énoncé objet fabriqué, où le sujet parlant s‟inscrit en permanence à l‟intérieur de son propre discours en même temps qu‟il y inscrit l‟ « autre », par les marques énonciatives ». Des marques énonciatives qu‟on appelle en linguistique, les déictiques.

Les déictiques renvoient à la situation d‟énonciation qui est composée du Je, Ici et Maintenant, donc à l‟énonciateur Ŕ le Je Ŕ et à son cadre spatio-temporel Ŕ le

115 Ici et Maintenant Ŕ. Seulement, pour notre analyse, nous nous intéresserons qu‟à la manifestation de l‟énonciateur dans son énonciation, c‟est -à-dire au JE de l‟énonciation. Notre intérêt ne se portera donc pas sur les éléments qui renvoient au cadre spatio-temporel car ils ne répondent pas à nos questionnements.

Parmi les déictiques relevés, nous avons constaté une présence de certains pronoms tels que le nous, le vous et le on.

Le Nous employé par l‟énonciateur est un nous qui intègre l‟Autre, le lecteur-cible (Charaudeau 1997), et l‟implique dans son discours. Citons quelques passages où le chroniqueur Ŕ énonciateur prends la parole en s‟y intégrant tout en intégrant l‟autre :

Ex1 : L‟actualité tunisienne, pourtant liée à nos cauchemars et à nos rêves, semble

aujourd‟hui si peu concerner l’Algérien au-delà de cercles médiatiques restreins1

Ex2 : Des Algériens ont voté pour Benflis, beaucoup d’Algériens ont voté pour

Bouteflika, de très nombreux Algériens ont boycotté ; et qui a gagné ? Pas Bouteflika, mais le bouteflikisme. Ils sont maintenant deux sur fauteuil roulant

poussé dans le dos : lui et nous tous 2

Dans les deux exemples cités, le chroniqueur, en employant le nous, s‟implique clairement dans ses propos tout en y introduisant son lecteur -cible. Puisque le nous, ici, fait référence aux « Algériens » (qu‟il nomme clairement) ainsi qu‟au chroniqueur. Néanmoins, nous remarquons dans les articles dont nous disposons que l‟auteur s‟exprime à travers le on, beaucoup plus qu‟il n‟emploie le nous.

Le On est un pronom indéfini qui se caractérise par le fait qu‟il ne peut désigner d‟un être humain (non à un objet du monde), qu‟on ne peut lui attribuer une autre fonction que celle de sujet, et qu‟il peut faire référence et être interprété, selon le contexte de production, comme « je », « tu », « nous », « vous », « eux », « ils »…. Dominique Maingueneau ajoute que ce pronom est « d‟une grande polyvalence ; sa référence varie selon la manière dont il est mobilisé à l‟intérieur

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Article « raina raikoum » du 27 octobre 2014 2 Article « raina raikoum » du 19 avril 2014

116 d‟un processus énonciatif particulier. Selon les contextes, il peut s‟interpréter comme référent à l‟énonciateur, au co-énonciateur, au couple énonciateur + co-énonciateur, à la non-personne, que ce soit un individu, un groupe ou un ensemble flou (« les gens ») » (Maingueneau 2005, p 110)

Analysons quelques exemples :

Ex3 : on désire presque que ces deux ministres soient remerciés : cela nous aidera à

ne rien faire et ne pas s‟en sentir coupables1

Dans cet exemple le on renvoi au nous que l‟énonciateur a utilisé dans la deuxième partie de la phrase. Ce nous englobe également le lecteur-cible, « les Algériens », interpellé dans l‟article en question.

Ex4 : On peut donc y prier mais aussi prendre des photos. Le selfie est un acte

blanc. Ni hallal, ni haram. On peut se prendre en photo, cela voudra dire l‟envie de

partager un moment unique2

Dans ce passage, l‟interprétation du on varie entre celle du « je », si l‟on considère l‟article comme un monologue ou l‟énonciation est prise en charge par son énonciateur, ou du « nous » si l‟on considère que l‟auteur s‟adresse directement à son lecteur et s‟y inclue également. Cette dernière hypothèse est confortée, dans le reste de l‟article, par l‟usage du verbe conjugué à la première personne du pluriel à l‟impératif « passons », comme pour s‟adresser à un interlocuteur, mais aussi par l‟utilisation du terme « le chroniqueur » ce qui signifie que ce dernier est inclus dans son énonciation par le on. Ces deux derniers marqueurs sont présents dans le reste de l‟article auquel nous renvoyons notre lecteur

Néanmoins, rappelons que pour analyser notre corpus, nous avons procédé à un classement thématique des articles dont nous disposons, de la chronique « raina raikoum » et de la chronique d‟Algérie-Focus. De ce fait, nous avons comptabilisé le nombre de pronoms qui sont employés par l‟énonciateur dans chaque article, pour chaque thème et dans les deux chroniques. Ainsi, il serait plus simple de mettre en

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Article « raina raikoum » du 20 aout 2014 2 Article « raina raikoum » du 7 octobre 2014

117 exergue les différences et les similitudes entre les deux chroniques. Nous avons jugé plus intéressant de mettre les résultats en tableaux pour que les différentes manifestations de l‟ancrage du sujet parlant dans son énonciation soient visibles de manière assez claire.

3.1.1. L’implication du sujet parlant dans la chronique « raina raikoum »

On Nous Vous Le chroniqueur Je Politique (12 articles) 82 19 - 4 - Société (12 articles) 70 16 51 5 - Religion (8 articles) 48 17 7 3 - Education et culture (2 articles) 13 4 1 - - Altérité (3articles) 7 4 7 3 1 Palestine (2 articles) 13 2 5 6 1 Nombre total (39 articles) 233 62 71 21 2

Tableau n°8 : Les marques d‟énonciation du sujet parlant dans la chronique « raina raikoum »

118 Figure n°23 : Les marques d‟énonciation du sujet parlant

dans la chronique « raina raikoum »

A travers ce graphique nous constatons que l‟énonciateur dans la chronique « raina raikoum » s‟exprime en incluant son lecteur-cible tout en s‟intégrant à travers le on et le nous. De ce fait, lorsqu‟il y‟a ancrage du sujet parlant, dans un article, ce n‟est pas une prise en charge totale de son énonciation mais toujours en intégrant l‟Autre. En effet cet état représente 76% de l‟énonciation (le on et le nous réunis), dans 18% des cas il s‟adresse directement au lecteur-cible à travers le « vous ». La distanciation totale se fait à travers « le chroniqueur » qui représente 5% quant à la prise en charge totale de l‟énonciation par l‟énonciateur, elle ne représente que 1%.

Le graphique qui suit mets en évidence les prises en charges énonciatives dans les différents thèmes qu‟abordent les articles de la chronique « raina raikoum »

On 60% Nous 16% Vous 18% Le chroniqueur 5% Je 1%

Les marques d'énonciation du sujet parlant

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