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UN DESIR DE CONNAISSANCE ET D’UTILITE

Dans le document Muséum de Grenoble : une histoire naturelle (Page 54-136)

Une institution telle que le Cabinet d'histoire naturelle de Grenoble n'aurait pu voir le jour au 18e siècle sans un climat global favorable. Or, la France des lumières, l'Europe elle-même furent propices à une telle naissance. Le 18e siècle se caractérisa par un goût très marqué pour les sciences naturelles : on admirait la Nature, sa beauté, son utilité et Buffon, directeur du Jardin des Plantes à Paris, donna même à la science l'auréole de la gloire littéraire avec la publication de son Histoire naturelle53. Par cet ouvrage dont il commença la publication en 1749, il rendit la science naturelle accessible à tous les milieux : de la noblesse aux authentiques hommes de sciences, naturalistes, médecins ou apothicaires. Buffon introduisit les sciences naturelles dans la littérature destinée à un vaste public lettré et non plus à quelques spécialistes. Cette vogue extraordinaire qui traversa tout le 18e siècle fut favorisée par l'action du Jardin du Roi transformé en 1793 par la Convention en Muséum national d'histoire naturelle. Enfin, dans ce climat favorable aux Lumières et aux sciences au 18e siècle, il faut insister sur l’importance de l’Encyclopédie, compendium de la nouvelle pensée rationaliste.

Avant Buffon, deux ouvrages avaient déjà confirmé le goût des savants et des curieux pour l'histoire naturelle et la collection : il s'agissait en 1732 de l'œuvre de l'abbé Pluche – Le Spectacle de la nature, manuel à l’usage des gens du monde et des enfants – et en 1742 de celle de Dezallier d'Argenville – L’Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties principales, la lithologie et la conchyliologie. Plusieurs fois réédité et augmenté entre 1742 et 1780, ce dernier ouvrage servit de modèle aux curieux et aux naturalistes pour arranger leurs collections. Son édition de 1780 dont le titre était La Conchyliologie ou histoire naturelle des coquilles de mer, d’eaux douces, terrestres et fossiles contient un chapitre intitulé « De l'arrangement d'un Cabinet d'histoire naturelle ». Le goût de l’histoire naturelle et des recherches scientifiques s’était répandu dans toute l’Europe et notamment en France pendant la deuxième partie du 18e siècle. Les grands personnages et les gens du monde s’étaient convertis au culte des sciences. Les cabinets où s’amassaient leurs collections s’étaient multipliés. Dezallier d’Argenville en avait dressé la liste en 1742 : son fils la compléta en 1780 avec un chapitre intitulé « Des plus fameux Cabinets d’Histoire Naturelle qui sont en Europe »54. C’est dans cette édition que figura pour la première fois la mention du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble parmi les plus beaux cabinets de France et d’Europe :

Messieurs les Directeurs de la Bibliothèque publique établie depuis peu à Grenoble, ont fait arranger une salle, à la suite de la bibliothèque, qu’ils commencent à remplir de beaux morceaux d’histoire naturelle.

Sous la rubrique « Dauphiné », la Conchyliologie de Dezallier d’Argenville portait mention des six cabinets d’histoire naturelle que comptait la province, dont ceux de la Bibliothèque publique de Grenoble, de Raby l’Américain et de l’Abbaye de Saint-Antoine.

53

G. -L. Leclerc, comte de BUFFON, Histoire naturelle, générale et particulière, avec la

description du cabinet du roi, Paris, Imprimerie royale, 1749-1804, en 44 vol. (BMG, C 1749).

54 A.-J. DEZALLIER D’ARGENVILLE, « Des plus fameux Cabinets d’histoire naturelle qui sont en Europe », in La Conchyliologie ou histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce,

1 - LE CABINET ET LA VOLONTE D’AUTO-INSTRUCTION DES GRENOBLOIS

Daniel Roche a montré dans son ouvrage consacré aux académies et académiciens provinciaux à quel point la notion d’autonomie avait été déterminante dans la volonté d’une élite provinciale de créer une institution. La notion d’autonomie s’accompagna à Grenoble d’une ambition démesurée pour mener à bien le projet de cabinet d’histoire naturelle. Nous nous efforcerons dans notre étude de repérer dans un premier temps toutes les manifestations que revêtit cette ambition. Dans un deuxième temps, nous apprécierons par le concret la portée de l’esprit général d’utilité qui sous-tendit le projet. Nous avons jusqu’ici retracé les origines du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble, en recherchant les institutions savantes qui l’avaient précédé puis en resituant le cabinet dans un ensemble scientifique plus vaste, afin de répondre à la question de savoir comment le cabinet d’histoire naturelle de Grenoble est-il né et quelles infrastructures savantes avaient accompagné sa naissance ? Le propos de ce deuxième chapitre sera de formuler une réponse sur les valeurs qui présidèrent à cette naissance, sur les hommes qui accomplirent cette tâche et sur les idées qui sous-tendirent leur projet. Quels moyens les Dauphinois mirent-ils en œuvre pour créer leur cabinet d’histoire naturelle ? De quelle façon se rendirent-ils autonomes ? De quelle idée philanthropique s’inspirait leur dessein ? Par l’étude des collections de deux bibliothèques grenobloises – la bibliothèque publique de Grenoble et une bibliothèque privée, celle de l’avocat Prunelle de Lière – nous tenterons d’apprécier l’engouement généralisé pour les sciences dans la seconde moitié du 18e siècle et de mesurer la part exacte faite aux sciences naturelles à Grenoble.

1.1. Autonomie et ambition

L’appel à une souscription publique atteste, chez les Dauphinois de l’Ancien Régime, d’une formidable volonté d’autonomie non dénuée d’une certaine habileté, de force de persuasion et d’esprit combatif. Ils eurent par trois fois recours à une souscription : pour financer leur bibliothèque, pour aménager leur cabinet d’histoire naturelle et enfin pour installer leur jardin public de botanique, se dotant ainsi de façon autonome des institutions qu’ils appelaient de leurs vœux. S’appuyant sur leur environnement proche, ils recherchèrent des alliés auprès des personnalités administrant leur province, des prélats, des chapitres et des ordres religieux ; ils s’assurèrent l’aide de ministres, Dauphinois de souche ou ayant quelque influence à Versailles ; ils contactèrent enfin des négociants dauphinois. Nous allons traiter dans un développement ultérieur du rôle de la magistrature grenobloise et de l’ordre des avocats. Au premier rang se distingue l’aide constante apportée aux hommes comme aux institutions par les deux intendants, Pajot de Marcheval (dont il sera question un peu plus loin) et Caze de La Bove. Motivée par des goûts et des curiosités, cette aide se doublait, à n’en point douter, d’une volonté bien arrêtée de faire grandir le prestige de la province qui leur était confiée. L’intendant Caze de La Bove55, de par l’intérêt personnel

55 CAZE de LA BOVE (Gaspard-Louis) : dernier intendant du Dauphiné, de 1784 à 1790, protecteur des sciences, remarquable administrateur.

qu’il portait aux sciences – il possédait à Paris son propre cabinet –, s’est ainsi trouvé au centre d’un réseau savant qu’il a lui-même activé. Une lettre du savant genevois Louis Jurine au père Ducros, au sujet de minéraux récemment découverts par Schreiber mais arrivés en Suisse endommagés, atteste du rôle joué par l’intendant lui-même dans le trafic de minéraux entre Grenoble avec Ducros et la Suisse avec Jurine. L’envoi de minéraux de Grenoble vers Jurine se fit à l’instigation de l’intendant Caze de La Bove, véritable promoteur des mines du Dauphiné qui fit connaître, par ses cadeaux adressés au principal cabinet de Genève, les récentes découvertes dauphinoises. Jurine écrivait :

Qu’il me soit permis, Monsieur, de vous dire naturellement et en Genevois, ma façon de penser sur les morceaux de mine et les cristallisations renfermées dans ladite caisse ; les dernières ont essuyé, par le cahotement de la voiture, des échecs irréparables, plusieurs quilles de cristal de roche ont été cassées, d’autres très endommagées : pour les premiers qui sont les mines, je les aurais reçus tous avec un plaisir égal, si notre proximité de Grenoble, ne m’avait mis à même d’être pourvu de tout ce qui y a été découvert jusqu’à présent par vos brocanteurs : deux morceaux ont attiré essentiellement mon attention, le premier est le petit échantillon d’argent merde d’oie dont la mine vient d’être décrite dernièrement par Monsieur Schreiber ; le deuxième est le morceau du prétendu schorl blanc coloré par votre abondante terre argileuse verte ; la partie du premier échantillon où se trouvait quelques filets d’argent en végétation est rompue et brisée, ce qui m’a fait de la peine.

Si la partie minéralogique de mon Cabinet eut été commençante, je me serais fait un plaisir très grand d’y renfermer tout le cadeau de Monsieur de La Bove, mais depuis fort longtemps, je m’en occupe, non pour en faire parade, mais pour y renfermer des échantillons, petits à la vérité, mais très caractérisés, en un mot pour en faire un Cabinet d’étude ; je n’ai rien épargné pour me procurer les productions des différents pays en ce genre, soit par les marchands qui abondent, soit par mes relations dans l’Etranger.

Si, sans indiscrétion, Monsieur et en profitant de vos offres généreuses, je pouvais espérer d’obtenir un autre petit échantillon de la même mine merde d’oie avec sa gangue, vous m’obligeriez infiniment ; s’il était possible d’y joindre une petite douzaine de cristaux de roche noire bien conservés et caractérisés, quoiqu’elle put coûter, le plaisir en deviendrait plus vif ; si vous pouvez réaliser mes désirs sur ces deux points, Monsieur, je vous demanderais la grâce de vouloir les bien envelopper de coton, afin de les recevoir dans toute leur intégrité.

Il est cependant une autre aide, moins visible parce que plus pragmatique mais terriblement efficace, qui est à mettre à l’actif de l’intendant : la mise à disposition de son personnel d’intendance au service du cabinet de Grenoble, assurant, de fait, la promotion des savants grenoblois. Jourdan, son premier secrétaire, lui-même par ailleurs associé libre de l’Académie delphinale, participa souvent à l’acheminement de la correspondance, au transport du matériel scientifique ou des minéraux. Ainsi, les caisses de minéraux que Ducros adressait aux différents cabinets parisiens, dont celui de Caze, furent-elles véhiculées par les soins de l’intendance. Les livres empruntèrent le même circuit – tel le livre que le minéralogiste Sage offrit au père Ducros, ainsi que les échanges épistolaires entre les deux savants. Les catalogues de minéraux de Ducros aux minéralogistes parisiens passaient par ce canal également. Dans son échange de correspondance avec le père Ducros, Madame de Quinsonas56, l’informait qu’elle utiliserait les services de Jourdan pour acheminer des colis destinés à Villars. L’épouse de Caze

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CHAPONAY (Catherine Claudine de, 1746-1826) : naturaliste amateur, issue d’une vieille famille de l’aristocratie dauphinoise, elle épousa le marquis de Quinsonas ; elle vécut dans son château de Mérieu près de Lyon, propriété des Quinsonas, mais aussi à Grenoble et dans leur hôtel particulier de Paris.

de La Bove, qui tint souvent le secrétariat de l’intendant, entourait le père Ducros de ses soins et lui faisait des cadeaux – du papier pour décorer « son ermitage », tandis que l’intendant lui adressait du matériel de préparation – des flacons de phosphore. Le cabinet bénéficia des services de la noblesse dauphinoise séjournant à Paris pour obtenir ses lettres patentes : les différents courriers de Caze et de Madame de Quinsonas de 1780 à 1789 attestent des efforts incessants déployés par l’intendant et par les Quinsonas pour obtenir l’octroi d’une existence légale à l’établissement de Grenoble. C’est grâce à l’entremise de Madame de Quinsonas auprès de l’Imprimerie Royale que la bibliothèque de Grenoble put bénéficier du privilège rare de dépôt légal, lequel permit d’acquérir pour l’étude au sein du cabinet, les livres de sciences que réclamait le père Ducros.

De la même façon, il faut insister sur le rôle fonctionnel des militaires, très présents dans les loges maçonniques du 18e siècle, et dont les déplacements favorisèrent la circulation de l’information utile à la science : l’étude de la correspondance permet de comprendre que ce sont eux qui dépistaient les cabinets de curiosités des autres provinces, susceptibles de se mettre en relation avec le cabinet de Grenoble. Dûment mandatés avant leur départ par le cabinet de Grenoble, ils servaient de relais dans les échanges épistolaires. Une nouvelle fois, les courriers passaient ensuite par l’intendance, suivis des graines et des minéraux. Trois lettres de l’artilleur Du Puget en Alsace à Ducros attestent de la rapidité et de l’efficacité des échanges : à la demande du cabinet de Grenoble – les directeurs de Sauzin, de Sayves et le minéralogiste Binelli – le militaire repérait en avril 1777 les cabinets dignes et susceptibles de faire des échanges avec Grenoble – en l’occurrence les cabinets de M. d’Autigny, prêteur royal, et du baron Dietrich à Strasbourg ; en juin 1777 les listes des doubles à échanger dans les collections des mines d’Alsace et celles du Dauphiné étaient établies et en septembre, les échanges étaient conclus. Grenoble procéda également, par l’intermédiaire du militaire, à l’envoi de graines du jardinier Liotard pour le botaniste Spielmann, professeur au Jardin de botanique de Strasbourg. Les militaires se chargèrent parfois d’acheminer fort loin la correspondance destinée aux associés libres de l’Académie delphinale résidant dans les colonies, comme celle pour M. de Genton, correspondance expédiée dans les bagages d’un militaire en partance pour les Antilles. Dans le même esprit, les fondateurs du cabinet de Grenoble se servirent de l’expérience acquise par les négociants dauphinois dans leurs affaires pour bâtir un projet. Ils récupérèrent aussi les collections que ceux-ci avaient rassemblées lors de leurs voyages. Les archives ont livré comme on l’a vu le cas de Raby l’Américain qui devint l’un des douze premiers directeurs de la bibliothèque. Les textes qui conduisirent à la création du cabinet d’histoire naturelle de Grenoble s’inspirèrent de son expérience. Le cabinet reçut son empreinte par le legs qu’il lui fit en 1781, reflet de ses voyages lointains.

Dès 1772, les principaux ordres religieux de la province, dont les Antonins, les Chartreux et les Dominicains participèrent à la souscription de la bibliothèque. Simonard, député de l’ordre de Saint-Antoine, compta aussi parmi les premiers directeurs de la Bibliothèque. En 1777, il exposa en séance le vœu du chapitre général de l’ordre pour que le cabinet d’histoire naturelle qui leur appartenait soit réuni à la bibliothèque et au cabinet d’histoire naturelle de Grenoble. Rassuré sur ce qu’il était advenu du cabinet de curiosités des Antonins, il exprimait en 1786 sa satisfaction dans sa correspondance au père Ducros :

J’aurai la satisfaction de voir cette nombreuse collection de laves ainsi que le prolongement du cabinet de physique et d’histoire naturelle où l’intelligence et le bon goût se font remarquer dans l’ordonnance des décorations et dans l’arrangement des richesses que l’on y a rassemblées.

Pour donner plus de chance à leur projet, les Grenoblois avaient déjà adressé pour leur bibliothèque une lettre circulaire à toutes les personnes de la province susceptibles de concourir « à l’établissement si utile de la Bibliothèque publique » : ils avaient obtenu le soutien de plusieurs évêques – l’archevêque d’Embrun ayant donné 800 livres. Ils avaient obtenu l’aide de M. de Clermont-Tonnerre57, commandant la province, lequel avait été invité à visiter l’établissement, et de M. de Monteynard58, alors ministre de la guerre :

Un projet aussi utile mérite à tous égards, l’approbation et la protection du roi. On ne peut que louer les vues patriotiques qui vous ont engagé à y donner vos soins ; je proposerai avec plaisir à sa Majesté d’encourager les efforts des souscripteurs, en autorisant cet établissement ; et je vais me faire rendre compte de la forme qu’il conviendra d’employer à cet effet .

M. de Monteynard se fit l’intercesseur du projet grenoblois auprès du roi. Il est à noter le rôle éclairé de la noblesse dauphinoise dans l’établissement de la Bibliothèque publique de Grenoble : après les parlementaires, les ordres et les chapitres, les donataires les plus importants qui s’engagèrent sur leurs deniers personnels, appartenaient à la noblesse dauphinoise. Les familles les plus représentatives de la noblesse du Dauphiné, tant par leur lignage que par les charges qu’elles exercèrent à la cour, participèrent largement à la souscription pour l’établissement de la Bibliothèque publique : M. de Monteynard souscrivit pour 3.600 livres, le marquis de Tonnerre pour 3.000 livres et le marquis de Marcieu pour 3.000 livres. Ils déployèrent tous leurs efforts à la cour jusqu’à l’obtention des lettres patentes, comme en attesta M. de Monteynard :

Cet établissement me paraît si utile que je me fais un plaisir d’y contribuer pour la somme de trois mille six cents livres que je donnerai incessamment ordre qu’on vous remette. M[essieu]rs les Directeurs peuvent au surplus compter sur mes soins, auprès de Sa Majesté, lorsqu’ils seront nécessaires pour l’entière exécution de ce projet.

Les Grenoblois réitérèrent leur démarche pour le cabinet et cherchèrent, au sein même du pouvoir royal, le soutien de personnalités qui s’intéresseraient directement aux sciences naturelles, notamment au « règne »ou à la catégorie qui reflétait le plus le caractère du cabinet de Grenoble : la minéralogie. Ils avaient déjà pris conscience, lors de premiers échanges avec les cabinets parisiens, de l’attrait qu’exerçaient sur ceux-ci les minéraux du Dauphiné. Le minéralogiste Léchevin, secrétaire du cabinet de Monsieur, frère du roi, n’écrivait-il pas au père Ducros :

Je viens de voir chez M. de Buffon une collection des mines d’Allevard59.

57 CLERMONT-TONNERRE (Jules Henri, duc de) : commandant de la province du Dauphiné, franc-maçon dans les hauts grades à la loge la Concorde à Grenoble.

58

MONTEYNARD (Louis-François, marquis de, 1713-1791) : Dauphinois, ministre de la Guerre de 1771 à 1774. Voltaire l’évoqua en termes élogieux dans son Dictionnaire philosophique au mot d’entrée « soldat ».

59 Toutes les citations sont issues de la Correspondance de la Bibliothèque et de l’Académie delphinale (BMG).

Puis il lui réclamait des minéraux pour enrichir sa collection, de préférence des cristaux dont la province abondait, choisis parfois dans les collections de la bibliothèque, échantillons que Ducros lui adressait en échange de l’obtention des lettres patentes. Il y eut une telle circulation des minéraux hors du Dauphiné et notamment une telle demande de la part des cabinets parisiens que le naturaliste Guettard assurait déjà en 1775 qu’il y avait à Paris de quoi bâtir un hôtel avec les pierres et les minéraux de l’Oisans. Sûrs de la valeur de leur monnaie d’échange, les Grenoblois contactèrent également le duc d’Orléans, homme connu pour ses idées libérales et possédant un précieux cabinet de minéralogie. Guettard, garde de ce cabinet, ami de Villars et correspondant du père Ducros, facilita les échanges. Schreiber quant à lui, directeur des mines du Dauphiné de Monsieur, contacta le frère du roi pour s’assurer de son soutien et obtenir de lui la possibilité de distribuer des échantillons aux différents cabinets en relation avec celui de Grenoble. Une lettre de Schreiber à l’abbé Mongez le Jeune, minéralogiste, parue en 1784 dans le Journal de Physique, atteste du rôle éclairé joué par l’administration du Comte de Provence dans l’exploitation de la mine d’or de La Gardette :

Les dépenses que ces travaux ont occasionnées ont dépassé de beaucoup la recette faite des matières extraites ; cependant l’administration de Monsieur n’a point ralenti son zèle. Elle n’a point regardé cette mine du côté de l’intérêt, elle l’a considérée comme un objet digne de l’attention d’un grand prince et intéressante pour l’histoire naturelle afin de se procurer une parfaite connaissance de la montagne et du filon de La Gardette. C’est un service réel qu’elle a rendu à l’histoire naturelle de la province du Dauphiné.

La conscience que les Grenoblois étaient les seuls propriétaires du cabinet fut une notion forte qui traversa tous les âges des origines de celui-ci, et qui se

Dans le document Muséum de Grenoble : une histoire naturelle (Page 54-136)

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