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Chapitre 1 : Introduction Générale

1.6. Design d’interactions protéines-protéines par des approches rationnelles

1.6.3. Design d’interfaces protéines-protéines

Jusqu’à récemment, la compréhension des mécanismes régissant les interactions protéines- protéines était principalement issue d’analyses de mutagenèse dirigée, ou encore de criblages à haut débit, destinées à sélectionner des ligands de haute affinité pour certains

d’appréhender de façon détaillée les principes physiques régissant les interactions protéines- protéines.

Les différents succès rencontrés au cours de ces dernières années par les approches de design des protéines dans des domaines aussi variés que sont la stabilisation de protéines ou encore la synthèse de protéines artificielles, ont ainsi motivé l’expansion de leur champ d’application à l’étude des interactions protéine-protéine. Dans cette section, sont présentées différentes applications des méthodes de design, aussi bien pour altérer que pour mimer des assemblages protéiques.

Modification des spécificités d’interactions de complexes protéiques. Les interactions

protéine-protéine sont impliquées dans des réseaux très complexes et souvent, une même protéine interagit avec plusieurs partenaires. Afin de modifier ou de moduler ces réseaux complexes au niveau cellulaire, les approches bioinformatiques de design doivent nécessairement intégrer les bases moléculaires qui font la spécificité de ces assemblages protéiques. Dans ce sens, plusieurs études récentes ont confronté ces techniques de design pour modifier les spécificités d’interactions des complexes protéiques.

En 2002, Shifman et Mayo ont montré que par ce type d’approche, il était possible de modifier la spécificité d’interaction de complexes protéines-ligands (Shifman and Mayo, 2002). Les auteurs ont étudié un système particulièrement intéressant impliquant la calmoduline, capable de reconnaître une grande variété de ligands, dont le peptide smMLCK. L’objectif de l’étude était alors de modifier la calmoduline pour qu’elle ne reconnaisse que le peptide smMLCK. Se basant sur la structure du complexe calmoduline- smMLCK (code PDB 1CDM), les auteurs, en modifiant son interface par des techniques de design, ont réussi à produire un variant capable de lier spécifiquement le peptide smMLCK (l’affinité pour ce peptide était alors 86 fois supérieure aux autres peptides connus pour interagir avec la calmoduline sauvage).

Reina et collaborateurs sont allés encore plus loin, en proposant le design de nouvelles paires de complexes protéines-peptides (Reina et al., 2002). Leur modèle d’étude, les domaines PDZ, sont de petits domaines globulaires capables de reconnaître les 4-7 derniers résidus de l’extrémité C-terminale de protéines cibles. Par des techniques de design, les auteurs de cette

étude ont réussi à créer un domaine PDZ capable de reconnaître spécifiquement un peptide, le peptide Eg5 correspondant à l’extrémité C-terminale d’une protéine « kinésine-like ». En confirmant l’interaction in vitro et in vivo, les auteurs de cette étude démontrent ainsi qu’il est possible de modifier les domaines PDZ pour qu’ils reconnaissent spécifiquement certaines protéines cibles. L’extrémité C-terminale étant le plus souvent déstructurée et accessible au solvant pour la plupart des protéines (Berezovsky et al., 1999), cette approche constitue donc une stratégie générale pour cible ou purifier les protéines (Reina et al., 2002).

Synthèse de protéines chimères. Une autre application intéressante des méthodes de design

de protéines consiste à synthétiser des protéines chimères combinant plusieurs modules au sein d’une même protéine. Nous avons vu précédemment qu’en combinant certains domaines au sein d’une protéine, il était possible de reprogrammer le comportement d’une protéine régulée (section 1.3.4). En outre, une étude récente, menée par Chevalier et collaborateurs, a exploré la possibilité de créer, par des techniques de design de protéines, des protéines chimères en combinant certains domaines connus de liaison à l’ADN (Chevalier et al., 2002). Dans cette étude, deux domaines, capables chacun de reconnaître des motifs d’ADN spécifiques, ont été fusionnés, puis 14 résidus à l’interface entre ces domaines ont été optimisés par des techniques de Monte Carlo (Figure 23). La protéine chimère résultante, baptisée E-Drel, reconnaît spécifiquement une séquence d’ADN chimère, contenant les deux sites de liaisons des domaines séparés. Non seulement un complexe protéique stable a pu être synthétisé par cette procédure (sa surface d’interaction étant de 1400 Å2) mais en plus la

protéine chimère conserve sa fonction catalytique de clivage de l’ADN.

Figure 23. Création de la protéine chimère E-Drel. La combinaison des domaines I-Dmol et I-Crel en une seule protéine

chimère, et l’optimisation de l’interface a été réalisée par des techniques de design de protéines. Figure extraite de (Chevalier et al., 2002).

Synthèse de peptides mimétiques d’une interaction. Récemment, la structure du complexe

entre la protéine gp120 du virus du SIDA, et la protéine CD4 humaine a été cristallisée (Kwong et al., 1998). Sur la base de cette structure cristallographique, une étude récente, menée par Claudio Vita, a consisté à exploiter la connaissance de la zone d’interaction entre les deux protéines pour synthétiser de façon rationnelle un peptide mimétique de la protéine CD4, qui pourrait inhiber l’interaction entre le récepteur CD4 et la protéine virale gp120 (Vita et al., 1999). Sur la base de cette étude, différents peptides ont été proposés, parmi lequel le peptide CD4M33, dont la structure cristallographique en complexe avec la protéine gp120 a été résolue en 2005 par l’équipe de P. Kwong en 2005 (code pdb : 1YYL). En examinant la surface d’interaction de ce complexe, il apparaît qu’elle implique la même région que pour le complexe gp120-CD4 (code PDB 1GC1, voir Figure 24).

A B

Figure 24. Structure cristallographique des complexe gp120-CD4 et gp120-CD4M33. (A) Structure du complexe gp120-CD4

(code PDB 1GC1). En vert, la protéine H1V-1 YU2 gp120 . En rouge, la protéine CD4. (B) Structure du complexe gp120- CD4M33 (code PDB 1YYL). En vert, la protéine H1V-1 YU2 gp120 . En rouge, le peptide CD4M33.

De façon intéressante, le peptide CD4M33 est capable de se fixer à la protéine gp120 provenant de différentes souches virales, telles que SF2 (X4), IIIB (X4), JRFL (R5) ou Bal (R5) avec des valeurs de constantes de dissociation (Kd) de l’ordre de 1 à 20 nM, affinités comparables avec celles reportées pour la protéine native CD4 (Stricher et al., 2006).

Inhibition des interactions protéines-protéine. La plupart des inhibiteurs d’interaction

conçus ces dernières années se basent sur de petites molécules capables de s’adapter dans la poche de liaison d’une protéine dont la structure est connue. Les enzymes présentant de profondes cavités ont été largement ciblées dans ce but. Récemment, il est apparu que

l’inhibition des interfaces de complexes protéiques pouvait également constituer des cibles thérapeutiques d’intérêt dans plusieurs pathologies. Un des exemples particulièrement intéressant d’inhibition des interactions protéines-protéines par de petites molécules concerne les nutlins, capables d’inhiber spécifiquement l’interaction entre MDM2 et p53 (Vassilev et al., 2004). Cette molécule, antagoniste de la protéine MDM2, se lie à MDM2 au niveau de la poche de liaison de p53 (Figure 25), et active ainsi p53 qui va entraîner l’arrêt du cycle cellulaire, et l’apoptose des cellules cancéreuses. Cependant, l’absence de poche de liaison aux interfaces de la plupart des complexes protéiques se révèle être un obstacle à la généralisation de ce type d’approche.

Figure 25. Inhibition de MDM2. La protéine MDM2 est en surface grise L’inhibiteur est représenté sous forme de bâton. (Code

PDB : 1RV1).

Une autre stratégie d’inhibition du complexe MDM2-p53, faisant intervenir cette fois-ci non plus une petite molécule mais un peptide, a récemment fait l’objet d’une étude (Zhong and Carlson, 2005). Dans cette étude, les auteurs ont utilisé une procédure combinant des approches de dynamique moléculaire et de design de protéines, afin de produire un peptide mimétique de la région de p53 impliquée dans l’interaction. De façon intéressante, ce peptide possède une similarité structurale surprenante avec les nutlins découvertes par criblage de différentes banques de petites molécules. La comparaison de ces deux types d’inhibiteurs permet désormais d’envisager différentes optimisations par des approches de design de protéines, qui pourront conduire à l’amélioration de leurs capacités d’inhibition.

Chapitre 2 : Prédictions de sites fonctionnels par