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3.3 Criticalité quantique dans des systèmes de dimères de spin

3.3.3 Description de la phase ordonnée

Dans cette section, nous montrons comment, par une approche variationnelle basée sur une famille de transformations unitaires, il est possible de décrire la phase ordonnée d’un modèle de dimères en utilisant le formalisme des opérateurs de lien. Cette approche sera comparée avec les résultats d’une théorie d’ondes de spin plus standard pour la phase ordonnée. Transformation unitaire pour opérateurs de liens

Les opérateurs de triplons décrits dans les sections précédentes ont été introduits pour décrire les excitations, "gapées", de la phase paramagnétique. Cependant, une méthode permettant de décrire la phase ordonnée en termes de triplons a été introduite dans [160]. L’idée consiste à décrire les excitations de la phase ordonnée en termes d’excitations bosoniques de pseudo-triplons, à partir d’un état fondamental formé par une mer de pseudo-singulets. Dans sa

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sion initiale, cette méthode variationnelle génère les opérateurs de pseudo-triplons(˜si,{˜t}) à partir de transformations unitaires locales de la base des opérateurs de liens (si,{t}). Les pseudo-singulets caractérisant l’état fondamental de la phase ordonnée sont ainsi une combinaison linéaire des véritables singulets et triplets. La transformation unitaire locale

ˆ U = ∏

iUˆi proposée dans [160] est définie dans l’espace des triplons par les opérateurs lo-caux ˆUi = e−λi(tix−tix), où le champ variationnel réel localλiest déterminé afin de minimiser l’énergie de la mer de pseudo-singulets supposée décrire l’état fondamental du système. La solution obtenue vaut trivialementλi = 0 dans la phase paramagnétique, et λi ̸= 0 dans la phase ordonnée, ce qui donne au champλ la nature d’un paramètre d’ordre.

Cette transformation unitaire peut aussi s’exprimer en termes d’opérateurs de spins 1/2 du modèle initial [170], ou en utilisant les générateurs de SU(4) introduits dans la section 3.3.2. On applique alors au Hamiltonien (3.6) la transformation unitaire,H 7→ ˜H ≡ ˆUH ˆU−1, avec

ˆ

U ≡ ei∑

iλiCx

i, (3.8)

où l’opérateur ⃗Ci défini précédemment engendre des rotations dans l’espace des spins lo-caux8. Le résultat complet de la transformation de H fait apparaitre des contributions de différents ordres, et peut se mettre sous la forme

˜

H = ˜E0+ ˜H2+ ˜H3+ ˜H4 + ˜Hreste , (3.9) qui devient rigoureusement identique au développement (3.5) lorsque le système est dans la phase paramagnétique. Pour la composante quadratique en pseudo-triplons, ˜H2, il est suffi-sant de ne considérer que les termes suivants à l’issue de la transformation unitaire :

⃗ Mi· ⃗Mj 7→ sin (λi) sin (λj)(Cy iCjy +Cz iCz j) , (3.10) ⃗

Li· ⃗Lj 7→ cos (2λi) cos (2λj)LixLxj + cos (λi) cos (λj)(Ly

iLyj + LziLzj)

+ termes qui renormalisent l´energie locale

(utiles pour le th´eor`eme de Goldstone) , (3.11) ⃗

Mi· ⃗Lj 7→ sin (λi) cos (λj)(Cy

iLzj − CizLyj)

+ termes locaux qui pourraient hybrider localement y&z, mais qui sannulent pour un mod`ele de dim`eres altern´e .

(3.12) La relation (3.12) ci-dessus indique le terme quadratique en pseudo-triplons, généré dans la phase ordonnée par l’interaction cubique, dont nous avons discuté la pertinence pour les propriété critiques à la transition. Ce terme pourrait générer des corrélations chirales dans la phase ordonnée, caractérisée par une apparition de corrélations du type⟨CiyLz

j⟩. En revenant aux opérateurs de spin du modèle initial, ces corrélations entre sites voisins correspondent à des observables physiques telles que⟨S1z

i S2x i − S1x i S2z i ; S1z j − S2z j ⟩.

La suite du traitement dépend fortement du système choisi, mais ne pose pas de difficulté conceptuelle. Le cas du modèle de dimères alternés (voir figure 3.14) peut ainsi être traité

8. Notons que le choix de la composanteCx

, pour cette transformation particulière ne préserve la généralité du problème que pour des systèmes périodiques et suffisamment réguliers.

3.3 Criticalité quantique dans des systèmes de dimères de spin comme exemple. La méthode des opérateurs de liens, appliquée en absence de champ ma-gnétique, donne dans la phase paramagnétique la dispersion de triplon (dégénérée) suivante, Ωk= J

√ 1− J

J′γk, où le facteur de structure du réseau de dimèresγk≡ cos(k)+cos(k)+ cos(kx˜−k) est similaire à celui d’un réseau triangulaire distordu. Le gap se referme pour une valeur critique du couplage,Jc = J/3, pas très éloignée de celle obtenue par des méthodes numériques,(J/J)c = 2.5196 [165, 169]. Si l’on suppose J < 0, l’instabilité correspond à un minimum deγk, obtenu pour deux vecteurs critiques, Q= (0, 0). Dans la phase ordonnée (i.e., pourJ > Jc), le paramètre d’ordre prend une valeur uniformeλi = arccos (Jc/J). La dispersion des excitations harmoniques de pseudo-triplons peut s’exprimer explicitement de manière analytique dans la phase ordonnée [170], et le résultat n’est pas présenté ici par sou-cis de clarté. Dans la limite d’un petit vecteur d’onde k, on obtient les dispersions suivantes pour les modes transverses :Ω2

k ≈(J + J′

3

) (3J

8 (k+ k)2+(J

8 +J3) (k− k)2).

Comparaison avec les méthodes d’ondes de spin

Afin de tester la capacité de la méthode des opérateurs de liens à caractériser la phase ordon-née et à en décrire les excitations, comparons le résultat obtenu avec celui prédit par la théorie des ondes de spin. Le point de départ est le modèle de dimères décrit par le Hamiltonien (3.4), sur réseau alterné (voir figure 3.14). Suivant les méthodes standards de la théorie des ondes de spin, on suppose que le système est dans une phase ordonnée antiferromagnétiquement, caractérisée par un ordre de Néel. On introduit la transformation de Holstein-Primakoff, par laquelle les opérateurs de spins quantiques sont exprimés localement en termes d’opérateurs bosoniques, Si1+ = (1− aiai ) ai ≈ ai, Si2+ = bi(1− bibi ) ≈ bi, S1z i = 1/2− aiai, et −S2z

i = 1/2− bibi. En appliquant cette transformation au Hamiltonien (3.4), et en ne gardant, comme approximation, que les termes quadratiques, on obtient le Hamiltonien ef-fectif d’ondes de spin du système. La dispersion obtenue pour le modèle de dimères alternés

vaut Ωondes spink = 12√(J+ 3J)2− |J+ J(e−ikx˜ + eik˜y+ e−ik˜x+iky˜)|2. L’état fondamental

correspond à k = 0, ce qui coïncide avec le résultat obtenu par la méthode des opérateurs triplons de liens. Cependant, l’expression obtenue pour la dispersion est différente, comme on peut le constater par exemple par un développement dans les limites des faibles longueurs d’ondes.

Une différence cruciale entre ces deux approches, triplons, et ondes de spin, provient du fait que le facteur de structure du réseau sur lesquelles se déplacent les ondes de spins ne dépend absolument pas du rapportJ/J, alors que le facteur de structure du réseau sur lequel se pro-pagent les triplons est renormalisé par le paramètre d’ordre λ, et dépend, indirectement, du couplageJ/J. A cause de cette différence, les pseudo-triplons de la phase ordonnée peuvent devenir instables au couplage critiqueJc = J/3, alors que les bosons de la représentation de Holstein Primakoff ne le sont pas. D’une certaine manière, on peut considérer que les ondes de spin ne tiennent compte que des modes d’excitations transverses, alors que le mode longitudinal, pris en compte par les triplons, devient précisément critique à la transition vers la phase paramagnétique. Les triplons s’avèrent donc être plus adaptés que les ondes de spin pour décrire la phase paramagnétique et la transition quantique.

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