CHAPITRE I DESCRIPTION DE LA FILIERE DE TRAITEMENT DES MINERAIS
I.3.1. Concentrateur de Kipushi
I.3.1.1. Description et quelques caractéristiques
Opérationnel depuis 1935, le concentrateur de Kipushi a été conçu pour une capacité
de 20.000 tonnes sèches de minerais par mois. La production a alors évolué au fil des ans
jusqu’à atteindre 60.000 t/mois en 1950 et ensuite 120.000 t/mois au cours des années 80,
avant d’enregistrer une chute en début des années 90 et de connaître quasiment un arrêt de
production à partir de 1993 (SNC – LAVALIN International, 2003).Des raisons économiques
Concentrateur de Kipushi (ACK) comparativement au nouveau (NCK) qui a été construit par
la Compagnie Minière du Sud Katanga (CMSK), société avec laquelle la Gécamines est en
partenariat ; ce concentrateur a traité la majeure partie des minerais extraits de la mine. Par
flottation différentielle des minerais mixtes cuivre - zinc, deux types de concentrés, l’un de
cuivre (25 – 30 % Cu) et l’autre de zinc (55 – 59 % Zn) ont été produits. On a pratiqué
également une concentration simple sur certains minerais de cuivre à faible teneur en zinc, qui
a permis d’obtenir des concentrés de cuivre d’environ 22 % Cu en moyenne. Le traitement par
flottation différentielle était réalisé en deux étapes :
• flottation aux xanthates (R-OCS
2-) comme collecteur des minéraux de cuivre, après
dépression de la sphalérite et de la pyrite par une solution de cyanure de sodium
(NaCN) et de sulfate de zinc (ZnSO
4). Le moussant utilisé étant le MIBC (méthyl –
isobutyl – carbinol) et le pH était compris entre 9 et 9,5 ;
• flottation aux xanthates ou aux dithiophosphates appelés couramment aerofloats
((RO)
2PS
2-) de la sphalérite après activation par le sulfate de cuivre (CuSO
4)
.Le
moussant utilisé étant l’huile de pin et le pH ajusté entre 10 et 11 avec de la chaux afin
de limiter la flottation de la pyrite.
Nous donnons, à titre indicatif dans le tableau I.1 ci-après, le domaine de variation de
la consommation de quelques réactifs de flottation (Blazy, P. et Jdid, E.A., 2000).
Quelques uns d’entre eux sont dangereux
pour la santé humaine et pour l’environnement ;
c’est notamment le cas du sulfate de cuivre (N° CAS : 7758-98-7), nocif pour l’homme en cas
d’ingestion, irritant pour les yeux et la peau, très toxique pour les organismes aquatiques ; du
cyanure de sodium (N°CAS : 143-33-9), très toxique pour l’homme par inhalation, par
contact avec la peau et par ingestion et très toxique pour les organismes aquatiques, peut
entrainer des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique ; du sulfate de zinc
(N°CAS : 7733-02-0), irritant pour les yeux et la peau et très toxique pour les organismes
aquatiques, peut aussi entrainer des effets néfastes à long terme pour l’environnement
aquatique. On note aussi que la consommation de réactifs est extrêmement variable d’un
minerai à un autre.
Tableau I.1 : Domaine de variation de la consommation de réactifs de flottation
Réactif Rôle Consommation (g/t)
Xanthate Collecteur 25 - 90
Dithiophosphate Collecteur 25 -90
Amines Collecteur 45 - 450
Acide gras Collecteur 225 - 1350
CuSO
4Activant 90 - 2250
NaSiO
3Déprimant 225 - 1350
NaCN Déprimant 45 - 225
ZnSO
4Déprimant 45 - 1350
Huile de pin Moussant 4,5 - 135
MIBC Moussant 3 - 225
TEB Moussant 9 - 60
La figure I.8 ci-dessous présente le schéma simplifié de la flottation différentielle qui
était d’application à l’ACK (Prasad, M.S., 1989). On constate par exemple que la sphalérite et
la pyrite sont déprimées par le cyanure de sodium et le sulfate de zinc. Ces réactifs sont
introduits dès le broyage en vue de leur assurer un contact étroit et prolongé avec le minerai,
qui est alors soumis à la flottation au xanthate de potassium avec le MIBC comme moussant.
Il faut remarquer que cette flottation se fait en deux temps, une préflottation (ébauchage)
suivie de trois finissages (reflottations) permettant de recueillir les mousses sous forme d’un
premier concentré de cuivre dit « concentré primaire ». Les rejets de la première étape, sont
ensuite alcalinisés à la chaux et traités au sulfate de cuivre en vue de réactiver la sphalérite,
avant d’effectuer de nouveau une flottation suivie de quatre finissages qui permettent de
recueillir un concentré de zinc et les rejets de cette étape constituent les rejets d’usine à
pomper en bassins.
Figure I.8 : Schéma simplifié de la flottation différentielle des minerais sulfurés de Kipushi
Les rejets solides générés lors de la flottation différentielle de ces minerais ont varié
durant les années 80 de 3000 à 3400 tonnes pour 4000 tonnes de minerais traités par jour. Le
stockage en surface de ces rejets remonte à 1960, longtemps après la mise en service du
concentrateur. Avant cette date, la majorité des rejets solides étaient retournés dans la mine
pour le remblayage. Cette technique a été abandonnée suite aux difficultés d’exhaure qui
Alimentation (minerais sulfurés Cu-Zn)
Conditionnement Ebauchage Flottation 1er Finissage 2e Finissage 3e Finissage Décantation Filtration Concentré de cuivre Conditionnement Ebauchage 1er Finissage 2e Finissage 3e Finissage 4e Finissage Décantation Filtration Concentré de zinc
Rejets d’usine vers bassins NaCN + ZnSO4
(KAX, MIBC)
CuSO4, Chaux
devenait de plus en plus préoccupantes avec l’augmentation de la capacité du concentrateur et
suite à la perspective d’une récupération éventuelle des métaux de valeur contenus dans ces
rejets.
Les bassins de résidus ont été aménagés dans la vallée de la rivière Kipushi par la
construction de trois digues en aval du complexe minier. Ces bassins artificiels servent à la
rétention des particules solides après décantation, les eaux de débordement étant évacuées
(sans traitement préalable) dans la rivière Kipushi. Rappelons que ces eaux contiennent des
métaux dissous et des traces de réactifs de flottation. Deux des trois bassins sont déjà remplis
et forment deux stocks de rejets solides. Le troisième est actuellement utilisé pour le stockage
des rejets solides de flottation des minerais oxydés cuivre – cobalt traités dans un nouveau
concentrateur installé par la CMSK sur le même site à environ 1,5 km de l’ancien (SNC –
LAVALIN International, 2003). La limite du premier bassin est à l’Est à quelques mètres
seulement de la cité des travailleurs de la Gécamines Kipushi. L’ensemble des bassins retenus
par les deux premières digues s’étend sur une distance d’environ 2,5 km et couvrent une
superficie d’environ 240 hectares. La profondeur des couches des rejets varie de 7 à 14 m
dans le bassin I et de 12 à 15 m dans le bassin II.
D’après une note interne du service de géologie de la Gécamines Kipushi, le cubage
effectué par le service de topographie en avril 1994 a donné les estimations suivantes : 3,2
millions de m
3pour le premier bassin, 12,3 millions de m
3pour le deuxième et 640.000 m
3pour le troisième. Ils contiendraient en tout environ 38 millions de tonnes de rejets à des
teneurs en cuivre allant de 0,2 à 2,2 % et en zinc de 1 à 8 %, et des proportions relativement
faibles en divers réactifs de flottation utilisés. Dans le tableau I.2 ci-après, nous ne tenons pas
compte des données du troisième bassin, car les 640.000 m
3soient environ 1.550.000 tonnes
sèches d’anciens rejets de minerais sulfurés se retrouvent actuellement mélangés avec les
nouveaux rejets des minerais oxydés cuivre-cobalt de la compagnie CMSK, ce qui
logiquement fausserait les estimations ; de plus, le bassin en question n’est pas encore rempli
et continue à être utilisé.
Tableau I.2 : Estimation du stock global des rejets de flottation
(Source : service de géologie de la Gécamines Kipushi)
Parc Capacité (m3) Tonnes sèches Tonnes Cu Tonnes Zn Tonnes S Tonnes Fe
I 3.228.250 7.645.236 48.930 169.724 187.308 331.803
II 12.316.080 28.981.178 95.638 533.254 1.040.424 1.388.158
Total 15.544.330 36.626.414 144.568 702.978 1.227.732 1.719.961
Estimation 16.000.000 37.000.000 145.000 703.000 1.250.000 1.750.000
Nous donnons, à titre indicatif, une estimation de la composition chimique de ces rejets
solides (Kalenga et al., 2006) dans le tableau I.3 ci-dessous.
Tableau I.3 : Estimation de la composition chimique des rejets du concentrateur de Kipushi
(Source : service de géologie de la Gécamines Kipushi)
Parc Teneurs (%)
Cu Zn Fe S Cd (ppm) As SiO2 MgO
I 0,46 2,46 3,89 3,94 176 0,21 31,31 7,10
II 0, 22 1,86 4,34 3,26 178 0,17 40,94 9,24
Ces bassins à rejets ont été d’abord remplis l’un après l’autre au fil du temps et au
rythme de la production des concentrés ; sans oublier qu’on y a versé des rejets issus de la
concentration de minerais mixtes cuivre – zinc, des minerais de cuivre pauvres en zinc et des
minerais riches en zinc, sans chercher à localiser au préalable des endroits spécifiques dans les
bassins. Nous supposons que ces analyses n’ont pas été faites sur des échantillons
représentatifs des bassins I et II ; ce qui pourrait expliquer cet écart des rapports entre le zinc
et le cuivre dans les deux tableaux I.2 et I.3. Le choix de l’emplacement du bassin de
décharge de rejets solides doit tenir compte des facteurs environnementaux, topographiques,
hydrologiques et géotechniques (Versaw, R.E., Mular A.L.and Bhappu, R.B., 1967). Plus les
minerais sont pauvres, plus la quantité de rejets solides est importante, ceci d’autant plus que
les exploitations modernes sont gigantesques. Une tonne de minerai produit en moyenne un
volume de rejet solide de l’ordre de 0,6 m
3.
Il est important de noter aussi que la pulpe qui est pompée en bassin est un mélange d’eau de
procédé et de solides (majoritairement les constituants de la gangue des minerais) qui vont par
après décanter en bassin. Elle contient en plus des traces des réactifs résiduels qui peuvent se
concentrer à l’interface minéral-eau, à l’interface air-eau ou encore en solution.
Le tableau I.4 donne une indication de la concentration des collecteurs en solution à l’entrée
et dans les rejets de flottation à la sortie du traitement (Blazy, P. et Jdid, E.A., 2000 ; Davis,
F.T., Hyatt, D.E and Cox, C.H., 1976).
Tableau I.4 : Concentration des collecteurs en solution
Collecteur Minéral flotté Concentration (mg/L)
Entrée Sortie
Dithiophosphate de Na Sphalérite 15 0,1
Ethylxanthate de Na Molybdénite 10 0,19
Ethylxanthate de Na Galène 12,5 < 0,1
Ethylxanthate de Na Chalcopyrite – Sphalérite 94 1,7
Les moussants, qui généralement sont employés à des concentrations très faibles,
n’interviennent que pour une fraction de l’ordre du mg/L dans les effluents liquides. La teneur
en carbone organique est inférieure ou égale à 1 mg/L et la demande chimique en oxygène
(DCO) est comprise entre 10 et 90 mg/L. Les éléments présents dans les effluents liquides
peuvent provenir du minerai par dissolution d’espèces minérales ou des divers réactifs de
flottation, organiques ou inorganiques (collecteurs, déprimants, activants, régulateurs de pH,
etc.). Le tableau I.5 donne un exemple de concentration dans les eaux de flottation (Blazy, P.
et Jdid, E.A., 2000 ; Ritcey, G.M., 1989).
Tableau I.5 : Concentrations de quelques éléments dans les eaux de flottation
Elément Concentration (mg/L)
Cu 0,06 – 51
Zn 0,01 - 8,5
Cr < 0,02 - 0,67
CN < 0,01 - 0,03
SiO
24,7 – 47
Une analyse de l’eau d’exhaure de la mine de Kipushi faite en 2003, alors que celle-ci était
toujours aux arrêts, a révélé les résultats consignés dans le tableau I.6 ci-dessous (SNC –
LAVALIN International, 2003). On constate par exemple que les concentrations en cuivre et
en zinc sont dans la fourchette de celles fournies dans le tableau I.5.
Tableau I.6 : Qualité de l’eau d’exhaure de la mine souterraine de Kipushi
Paramètres
Concentration
(mg/L)
Limites acceptables
CCME (1) Protection de la vie aquatique (2)
Toxicité aiguë Effet chronique
pH 7,7 6,5 - 8,5
Dureté totale 503(mg/L) CaCO
3Dureté tempo 232 (mg/L) CaCO
3Dureté perma 271 (mg/L) CaCO
3CaO 109,2
MgO 102,0
Arsenic Traces 0,025 0,340 0,150
Cadmium 0,01 0,005 0,028 0,009
Cobalt 0,03
Cuivre 0,08 1,000 0,064 0,037
Fer 0,08 300
Plomb 0,05 0,010 0,638 0,025
Zinc 0,80 5,000 0,471 0,471
(1): Recommandations du Conseil Canadien des Ministres de l’Environnement sur la qualité de l’eau pour l’approvisionnement des collectivités (2) : U.S. EPA : ces limites ont été ajustées en fonction de la dureté lorsque requis.
Source : SNC – LAVALIN International, 2003