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Chapitre 3 : Estimation de la température à l’aide

3.2. Estimation de la température par mesure de fonction de transfert

3.2.1. Description

3.2.1.1. Utilisation de la fonction de transfert en SHM

La fonction de transfert entre deux PZTs correspond à l’application d’une méthode acousto-ultrasonique (voir Figure 1.14). Cette méthode a suscité un grand intérêt dans les premières applications SHM basées sur l’analyse modale des structures instrumentées (Farrar et Worden, 2013, para. 7.8; Giurgiutiu, 2015, para. 9.4.4). En utilisant des fréquences d’excitation relativement basse (< 20 kHz) et un placement intelligent des transducteurs, les premiers modes propres de la structure peuvent être excités. La présence d’un endommagement modifie les propriétés mécaniques de la structure, réduisant l’amortissement de certains modes et décalant éventuellement certaines fréquences de résonance. Cela permet de détecter des délaminages dans des matériaux composites (Diaz Valdes et Soutis, 1999; Pardoen, 1989; Park et al., 2005; Sampaio et al., 1999) dont l’influence sur les modes propres est bien décrite, notamment grâce à des modèles numériques (Kessler et al., 2002a). L’étude précise de ces modes pour la détection d’endommagement et leur comparaison avec des modèles éléments finis sont toutefois limitées à des basses fréquences (< 20 kHz) à cause de la superposition des modes qui se manifeste à haute fréquence.

Plus récemment, l’utilisation d’excitation sur un large spectre de fréquences (allant jusqu’au MHz) est étudiée pour la mise en évidence de non-linéarités dans les structures (Novak et al., 2010; Rébillat et al., 2014). Quelques méthodes de détection basées sur l’analyse des non-linéarités sont décrites en Annexe C.

3.2.1.2. Influence de la température sur la fonction de transfert

Dans le cadre des travaux présentés ici, le même signal que celui utilisé en détection d’endommagements par analyse des modes est utilisé (sweep large-bande, voir Figure 3.1), mais pour estimer la température. La variation de température et l’émergence d’un endommagement sont deux phénomènes qui altèrent les propriétés mécaniques de la structure. Cela a une incidence directe sur les caractéristiques des modes observés dans la fonction de transfert mesurée. Cependant, il a été montré dans (Deraemaeker et Preumont, 2006) que l’influence de la température sur le décalage des fréquences de résonance des modes propres de la structure peut être dissociée de l’influence d’un endommagement. En effet, cette étude montre qu’un endommagement dans la structure est à l’origine d’une variation localisée de ses propriétés mécaniques, et les modes propres ne sont pas tous impactés de manière similaire par ces modifications. En revanche, une variation de température a pour effet de modifier les propriétés mécaniques de façon globale et toutes les fréquences des modes propres sont décalées en suivant une même tendance pour chaque mode.

3.2.1.3. Estimation de la température à partir du décalage de la fréquence propre des modes

Par rapport aux autres signaux large-bande (multisinus, balayage linéaire), le balayage exponentiel sinusoïdal est plus robuste aux non-linéarités et moins sensible au bruit distribué (Rébillat et al., 2011). La fonction de transfert est obtenue pour deux PZTs : l’un est utilisé comme émetteur, et émet le signal précédemment décrit, et l’autre est utilisé comme récepteur (Figure 3.1). La Densité Spectrale de Puissance (DSP) de deux signaux correspond à la transformée de Fourier de la corrélation entre ces deux signaux. La fonction de transfert 𝐻(𝜔) est la DSP du signal émis corrélé avec le signal reçu divisé par la DSP du signal émis (autocorrélé). Cela est équivalent à l’équation suivante :

𝐻(𝜔) = 𝑉(𝜔) × 𝑈(𝜔)

|𝑈(𝜔)|² (3.1)

avec 𝑉(𝜔) et 𝑈(𝜔) les transformées de Fourier respectives du signal reçu 𝑣(𝑡) et du signal émis 𝑢(𝑡).

Figure 3.1 : Signal émis 𝑢(𝑡) (balayage (« sweep ») exponentiel sinusoïdal), signal reçu 𝑣(𝑡), et fonction de transfert calculée 𝐻(𝜔) à partir de ces deux signaux.

Les modes 𝑟 font référence aux pics que l’on peut observer dans la fonction de transfert. Il faut noter que ce terme est un peu abusif au vu des fréquences considérées : plusieurs modes sont superposées pour un même pic. Ces modes sont caractérisés par leur fréquence de résonance à la température 𝜃 : 𝜔𝑟(𝜃), en Hertz.

La variation de fréquence des modes avec la température est estimée grâce à la relation :

∆𝜔𝑟(𝜃) = 𝜔𝑟(𝜃) − 𝜔𝑟0 (3.2)

avec 𝜔𝑟0 la pulsation du mode 𝑟 à 0°C.

Figure 3.2 : Variation de fréquence d'un mode de la fonction de transfert avec la température

On suppose dans cette approche que le coefficient de variation thermique 𝛼𝑟 pour un mode donné 𝑟 satisfait la relation

∆𝜔𝑟(𝜃) = 𝛼𝑟× 𝜃 (3.3)

𝛼𝑟 et 𝜔𝑟0 sont déterminés de façon expérimentale en étudiant le décalage des modes dans la fonction de transfert calculée pour deux PZTs à différentes températures maitrisées.

La fiabilité du coefficient de variation thermique, 𝛼𝑟, calculé pour un mode est estimée par l’intermédiaire du coefficient de détermination 𝑅². Cet indicateur mesure l’adéquation entre les données observées (les 𝑛 valeurs mesurées {𝑥1, … , 𝑥𝑛}) et le modèle (les 𝑛 valeurs {𝑦1, … , 𝑦𝑛} obtenues en appliquant la régression linéaire). Il permet ainsi de mesurer la qualité de prédiction d’une régression linéaire en utilisant la relation suivante :

𝑅2 = [∑𝑛𝑖=1(𝑥𝑖 − 𝑥̅)(𝑦𝑖 − 𝑦̅)]²

[∑𝑛 (𝑥𝑖 − 𝑥̅)2

𝑖=1 ] × [∑ (𝑦𝑛𝑖=1 𝑖 − 𝑦̅)²]

où 𝑥̅ = 1

𝑛∑ 𝑥𝑖 𝑛

𝑖=1 et 𝑦̅ =1𝑛∑𝑛𝑖=1𝑦𝑖 sont respectivement les moyennes des données

observées et des données obtenues par régression.

Le coefficient de détermination varie entre 0 (la régression est erronée et ne décrit absolument pas la distribution des points) et 1 (la régression linéaire décrit parfaitement la distribution des valeurs obtenues).

En utilisant cette régression linéaire, il devient alors possible d’estimer la température à partir du décalage en fréquence des modes constituant la fonction de transfert (Figure 3.2). Pour un mode donné 𝑟, et en considérant son décalage fréquentiel mesuré ∆𝜔𝑟,𝑚𝑒𝑠 on peut écrire :

𝜃̂𝑟,𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 = ∆𝜔𝑟,𝑚𝑒𝑠

𝛼𝑟 (3.5)

L’utilisation d’un signal large bande nous permet de considérer plusieurs modes (Figure 3.1). Cela permet de s’affranchir de l’influence d’un éventuel endommagement (qui aurait un impact sur quelques modes seulement) et de donner une estimation plus robuste de la température. En considérant 𝑁 modes, la moyenne de la température estimée, 𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚, est calculée en minimisant l’écart type 𝜎 de façon itérative, et la valeur 𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 finale correspond à la dernière moyenne calculée.

Algorithme 1: Estimation de la température pour 𝑁 modes. Calcul: 𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 = 𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 = ∑ 𝜃 ̂𝑟,𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 𝑟=𝑁 𝑟=1 𝑁 et 𝜎 = √ ∑𝑟=𝑁𝑟=1[𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚(𝑟)−𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 ] 𝑁 tant que ∃𝜃̂𝑟,𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 ∉ [𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 ∓ 𝜎]

𝐹𝑎𝑖𝑟𝑒 pour chaque 𝑟, supprimer 𝑟 si 𝜃̂𝑟,𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 ∉ [𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 ∓ 𝜎] calcul 𝑁, 𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 et 𝜎 avec les 𝑟 restants

fin tant que 𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 = 𝜃̅𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚

L’erreur d’estimation 𝜀𝜃 est la différence entre 𝜃𝑚𝑒𝑠, la température mesurée par un thermocouple servant de référence, et 𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 , la température estimée par décalage des modes, i.e. :

𝜀𝜃 = 𝜃𝑚𝑒𝑠− 𝜃̂𝑒𝑠𝑡𝑖𝑚 (3.6)

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