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Description ph´ enom´ enologique

2.6 Asym´ etrie du temps ou asym´ etrie dans le temps

3.1.1 Description ph´ enom´ enologique

Un autre aspect de la thermodynamique qui nous int´eresse est la nature de la description physique que nous propose cette discipline. Cette description est ph´enom´enologique, c’est-`a-dire, dans ce cas, qu’elle nous offre une description du

4. Ilya Prigogine, Isabelle Stengers. La Nouvelle Alliance. Gallimard, Paris, 1979

5. Harvey R. Brown, Jos Uffink. “The Origins of Time-Asymmetry in Thermodynamics : The Minus First Law.” Studies in History and Philosophy of Modern Physics., Vol. 32, No. 4, pp. 525–538, 2001

monde physique qui est directement observable. Des instruments de mesure sont certes requis, cependant ce qui y est mesur´e est un ensemble de ph´enom`enes ma- croscopiques. Les mesures s’effectuent sur le volume V , la temp´erature T et la pression P d’un corps, ou plus g´en´eralement d’un gaz. Se limitant `a une descrip- tion de ces trois ´el´ements, la thermodynamique ne fournit pas une description de ce qui se passe au sein du gaz ´etudi´e. De ce fait, la thermodynamique ne peut rendre compte du mouvement des mol´ecules de gaz en question. C’est pourquoi nous consid´erons que la thermodynamique est limit´ee au niveau macroscopique.

En prenant l’exemple du gaz, nous pouvons illustrer certaines des notions intro- duites pr´ec´edemment. Imaginons un contenant de gaz dans une pi`ece. Le contenant peut ˆetre une cannette de boisson gazeuse et la pi`ece une salle de classe. Imagi- nons la cannette ferm´ee, contenant tout le gaz `a l’int´erieur et la salle de classe ne contenant seulement que cette cannette. Pour l’instant, nous avons une pi`ece dans laquelle il y a une distribution uniforme des mol´ecules de gaz x `a travers la pi`ece, `a l’exception d’une quantit´e de gaz y qui est concentr´e dans une tr`es petite partie de son volume : la cannette. Donc, au stade initial, toutes les mol´ecules du gaz y sont concentr´ees dans un petit espace de la pi`ece, cette disposition du gaz constitue un arrangement ordonn´e et instable. Ordonn´e, car toutes les mol´ecules sont concentr´ees dans un petit espace, et instable, car les mol´ecules de gaz sont comprim´ees et donc hautement agit´ees dans ce mˆeme petit espace. Lorsque nous ouvrons le contenant de gaz, les mol´ecules dudit gaz se r´epandent aussitˆot dans la pi`ece et apr`es un certain temps, vont finir par remplir la pi`ece. Cet ´etat, qui n’est pas le second, mais bien l’´etat final de notre exemple, caract´eris´e par une distribu- tion uniforme des mol´ecules de gaz dans tout le volume disponible, constitue un arrangement d´esordonn´e et stable. D´esordonn´e, car les mol´ecules sont dispers´ees dans un espace beaucoup plus grand qu’auparavant, et stable, car les mol´ecules occupent la totalit´e de l’espace, l’agitation des mol´ecules y est donc r´eduite.

Une pr´ecision de langage est importante ici, lorsque nous mentionnons qu’une distribution est ordonn´ee, ou encore qu’elle est stable, nous ne parlons ´evidemment pas en termes absolus, mais bien en termes relatifs. L’´etat final d´ecrit plus haut o`u les mol´ecules occupent la totalit´e du volume de la pi`ece est stable, seulement s’il est compar´e `a l’´etat initial o`u les mol´ecules ´etaient comprim´ees dans un espace plus restreint. La distribution des mol´ecules dans la pi`ece est certes plus stable que

celle dans la cannette, mais elle l’est moins que, disons, dans un ´edifice en entier, ou simplement dans une pi`ece plus grande. Un usage ad´equat devrait plutˆot ˆetre de dire qu’une telle distribution est plus stable, ou moins stable qu’une autre.

Deux choses `a retenir de cet exemple. Premi`erement, l’entropie maximale de notre syst`eme (cannette/salle de classe) se trouve au stade final, c’est-`a-dire lorsque les mol´ecules de gaz occupent la totalit´e de la pi`ece parce cette disposition est `a la fois plus d´esordonn´ee et plus stable. L’entropie augmentant avec le d´esordre, et ´etant maximale lorsqu’un syst`eme atteint l’´equilibre et la stabilit´e, il apparaˆıt manifeste que le stade final de notre exemple poss`ede une entropie plus ´elev´ee que le stade initial.

Deuxi`emement, le processus que nous avons d´ecrit, celui des mol´ecules de gaz se dispersant dans l’espace, est un processus irr´eversible. Une fois la cannette ouverte, ce processus s’est effectu´e sans aucun travail de l’ext´erieur. Le processus inverse ne s’effectue jamais. Du moins, jamais si ce syst`eme ferm´e ne subit aucune influence de l’ext´erieur. Il est certes possible de remettre toutes les mol´ecules de gaz `a l’int´erieur de son contenant original, or la quantit´e d’´energie requise pour effectuer cela est immense en comparaison au processus original, qui lui n’a requis aucun travail externe. Donc ce processus o`u l’entropie a augment´ee s’est effectu´e du pass´e vers le futur, le processus inverse, o`u l’entropie augmenterait de fa¸con encore plus grande, s’effectuerait ´egalement du pass´e vers le futur. Nous voyons donc pourquoi il est invitant de consid´erer la croissance de l’entropie comme un indicateur de la direction du temps. L’entropie augmenterait toujours dans la direction que l’on nomme futur.

Dans notre exemple, nous avons fait intervenir les mol´ecules de gaz, et nous avons mentionn´e qu’une description thermodynamique se limitait aux ´el´ements macroscopiques V , P , T . Le mouvement des mol´ecules de gaz est d´ecrit par la th´eorie cin´etique des gaz et non par la thermodynamique. Cette derni`ere d´ecrit les manifestations macroscopiques de plusieurs ph´enom`enes, dont les mouvements des mol´ecules de gaz, qui sont d´ecrits par la th´eorie cin´etique des gaz. Cette th´eorie est une th´eorie concernant le mouvement des mol´ecules, alors, elle fait intervenir, comme toutes les th´eories classiques du mouvement, les ´equations newtoniennes. Il faut se rappeler que nous avons mentionn´e que les ´equations newtoniennes sont indiff´erentes quant au renversement temporel. Il faut ´egalement se rappeler que

nous nous occupons de thermodynamique, car c’est au sein de cette discipline que semble se trouver une loi qui ne soit pas indiff´erente quant au renversement temporel, `a savoir : le second principe.

Le probl`eme apparait donc clairement, la thermodynamique ne nous offre qu’une description macroscopique des ph´enom`enes. Une telle description ne pour- rait fournir une explication du comportement des mol´ecules responsables des ph´eno- m`enes qu’´etudient la thermodynamique, c’est-`a-dire, le volume, la temp´erature et la pression. Ce que l’on devrait r´eellement chercher, c’est une fa¸con de rendre compte de nos observations au niveau macroscopique `a l’aide d’une description des ph´enom`enes au niveau microscopique. C’est pr´ecis´ement ce que soutient Jill North dans son article Time in thermodynamics [t]he puzzle comes up in connec-

tion with the project of explaining our macroscopic experience with microphysics : of trying to fit the macroscopic world of our everyday life onto the picture of the world given by fundamental physics6 

Cette explication microscopique des ph´enom`enes thermodynamiques se trouve du cˆot´e de la m´ecanique statistique. C’est pour cette raison que la prochaine section s’y consacrera.