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L’endommagement en traction est un phénomène de rupture local qui peut conduire à une instabilité globale de la structure. Pour les matériaux fragiles, il existe une zone d’évolution de la fissure dans laquelle le profil des contraintes transversales présente une

valeur nulle en fond de fissure et une valeur maximale égale à la résistance en traction à la fin de cette zone, comme illustré sur la Figure 68. Contrairement aux matériaux ductiles comme l’acier dont la longueur de cette zone est négligeable par rapport à la taille de la structure, pour les matériaux fragiles comme la roche, le béton, le mortier ou le coulis de ciment, la longueur de cette zone est non négligeable relativement à la taille de la structure (Bazant, 2002). Il existe donc un effet d’échelle : la résistance d’un matériau diminue avec la taille du volume considéré car une rupture locale peut conduire à une instabilité prématurée de la structure (Figure 69).

Figure 68 Illustration des profils de contrainte pour les matériaux quasi-fragiles (Bažant, 2002)

Figure 69 Instabilité structurale (Bazant & Planas, 1997)

Afin de mieux comprendre l’effet d’échelle sur la rupture en traction, considérons une structure pré-entaillée soumise à une traction directe comme illustré sur la Figure 69b. En raison de la longueur , la longueur de fissure effective est plus grande que celle initiale, a0. Le facteur d’intensité de contrainte est un paramètre qui au-delà d’une certaine valeur, la ténacité, permet à la fissure de se propager. En mode de rupture I (ouverture), cette dernière est définie par la relation suivante :

√ (3.36)

où / , est la longueur effective de la fissure et est une fonction géométrique adimensionnelle qui tient compte de la géométrie de la fissure et de la répartition des contraintes. L’énergie nécessaire pour ouvrir la fissure est égale à l’énergie emmagasinée

1 2

²

(3.37) avec b, la largeur considérée. L’énergie de propagation de la fissuration est alors définie comme l’énergie nécessaire pour ouvrir une unité de surface :

²

(3.38) D’après l’équation (3.36)

Les données dans la littérature quant à la valeur de la ténacité indiquent une valeur plus ou moins constante par matériau. L’énergie de fissuration est donc une propriété intrinsèque du matériau et est donc indépendante de la taille d’échantillon.

Si on considère une structure de taille D de même configuration géométrique, l’équation (3.36) s’écrit de la manière suivante :

/ / /

/

(3.39)

avec :

La fonction peut être approchée par un développement en série de Taylor : ⋯

Si la longueur de rupture est petite devant la longueur de la structure, on peut négliger les composantes au-delà du 2ème degrés de cette fonction. Par conséquence, la relation (3.39) peut être approchée par la relation :

′ 1 1 (3.40) Si l’on pose : (3.41)

où est une longueur caractéristique du matériau qui permet de caractériser la fissuration et est la résistance en traction du matériau.

1

1 (3.42)

L’équation (3.42) indique la dépendance de la résistance de la structure à la taille de la structure. Si D>>D0, l’équation (3.42) revient au modèle d’effet d’échelle classique (mécanisme de rupture linéaire) proposé initialement par Bažant (1984) (Figure 70). Depuis ce travail, des études (Planas et al., 1997; Bazant, 1999; Bažant, 2002) sur les modèles d’effet d’échelle ont essayé d’améliorer le modèle classique afin de le généraliser de manière à assurer une transition continue entre la rupture ductile (pour de petites tailles) et la rupture fragile (pour de grandes tailles) : modèle non linéaire d’effet d’échelle.

Figure 70 Modèle d’effet d’échelle (d’après Bažant, 1984)

L’effet d’échelle peut être approché par une analyse selon un modèle d’endommagement cohésif : le modèle de fissure cohésive pour une épaisseur de fissure nulle ou le modèle de bande cohésive pour une épaisseur de fissure non-nulle. Ces modèles peuvent être intégrés dans un programme d’éléments finis afin de pouvoir étudier également des états de contrainte plus complexes : par exemple, après l’ouverture des fissures, le matériau ne peut plus supporter la traction mais il peut très bien résister à des efforts en compression.

Le modèle de fissure cohésive (CCM) a été proposé par Hillerborg et al. (1976) pour une rupture discrète. Le principe de ce modèle consiste à considérer l’évolution de la contrainte locale en fonction de l’ouverture fictive de fissuration . Cette évolution peut avoir la forme d’une relation linéaire, bi-linéaire ou exponentielle tant que la surface délimitée par la contrainte et l’ouverture fictive de fissuration reste la même et est appelée l’énergie d’ouverture de fissuration, GF (Figure 71).

Figure 71 Modèle de fissure cohésive (d'après Bažant & Yu, 2004)

D’après les études numériques et expérimentales sur l’effet d’échelle (Bažant & Yu, 2004), il a été mis en évidence que la résistance de la structure à la fissuration est contrôlée par la pente initiale de rupture et que la surface limitée par la pente initiale est égale à l’énergie de propagation de fissuration . Cela peut être démontré mathématiquement en calculant l’énergie dissipée par le modèle CCM le long de la ligne de rupture (J-intégration Rice, 1968) et en la comparant avec la définition de donnée par l’équation (3.38). est un paramètre constant du matériau, quelle que soit la taille de la structure. Par contre, la surface totale est dépendante de la taille de la structure comme illustrée sur la Figure 71. D’après le Model Code 1990 (CEB-FIB, 1993), pour les bétons, cette énergie GF peut être déterminée à partir de l’expression empirique suivante, basée sur des essais standards tels que les essais de flexion en trois points:

10 ,

(3.43) avec , une valeur de l’énergie de fissuration, dépendante de la taille maximale des agrégats. Si cette dernière est inférieure à 8mm, 25 / ². est la résistance en compression du matériau en MPa. Par ailleurs l’énergie de propagation de fissuration, d’après Planas & Elices (1997), peut être estimée grossièrement par une simple relation :

/ 2,0 2,5 (3.44)

Par la suite, le modèle de bande cohésive (CBM) a été proposé sur la base du modèle CCM par Bazant & Oh (1983). Ce modèle considère la rupture sur une bande ayant une épaisseur non nulle. La relation contrainte-ouverture de fissuration a été convertie en une relation contrainte-déformation de manière à s’assurer que l’énergie dissipée dans l’élément soit la même (Figure 72).

Figure 72 Le passage du modèle CCM au modèle CBM (D’après Hillerborg et al. ,1976 ; Bazant,1984 ; Grassl, 2009)

La courbe de comportement en traction peut alors être déterminée de la manière suivante :

- L’énergie dissipée dans l’élément est calculée selon la formule

- Et, à partir de cette relation :

2 2 2

2 (3.45)

avec , l’intersection de la pente initiale de rupture avec l’axe des abscisses; , l’énergie de propagation de fissuration ; , l’épaisseur de la bande cohésive; , la résistance en traction du matériau ; , la déformation élastique au pic.

L’énergie d’ouverture de fissuration est alors déterminée par la relation : 2

1

2 2 (3.46)

→ 1 1 2 (3.47)

dans laquelle est l’énergie d’ouverture de fissuration ; indique la position du changement de la pente par un rapport entre la contrainte à cette position et . Selon le Model Code 1990 (CEB-FIB, 1993), pour les bétons, ce paramètre vaut entre 0,15 et 0,30.

A partir des équations (3.45) et (3.47), on note que le radoucissement de cette courbe est dépendant de la taille de la bande dont la rupture est considérée. Dans notre cas d’étude, pour la modélisation aux éléments finis, la courbe de comportement en traction doit être adaptée à la taille des éléments du maillage choisi enfin d’assurer un niveau de dissipation d’énergie adéquat. Ceci est simple quand on a une taille unique pour tous les éléments du maillage. Or, en réalité, la taille d’éléments est souvent variée. Plus on s’éloigne de la zone d’étude des contraintes, plus on utilise des éléments de grandes tailles afin de diminuer le nombre d’éléments et donc le temps de calcul. Pour résoudre ce problème, une subroutine a été développée et implémentée dans le logiciel Abaqus, permettant d’ajuster automatiquement la courbe de comportement à la taille de l’élément. Afin de vérifier l’approche de la rupture

trois points ont été modélisés. Les résultats à l’issue de cette modélisation ont été comparés aux résultats expérimentaux. Cette étude est présentée dans le paragraphe qui suit.

Paramétrage et validation du comportement en traction par