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Des pratiques funéraires de l’époque hellénistique ?

Une présence galate archéologiquement visible en périphérie de l’habitat, dans un espace ritualisé ?

3. Des pratiques funéraires de l’époque hellénistique ?

Si ces corps sont datés de l’époque hellénistique, on remarque cependant que peu d’éléments permettent en réalité de discuter la datation de ces dépôts, et à notre connaissance, aucune datation par 14C n’a été réalisée.

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Selinsky, 2004, p. 49.

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Dans le secteur A, selon les fouilleurs, la datation est difficile. Les couches stratigraphiques sont fines et difficiles à identifier. Au regard du mobilier, 2 corps ont été mis au jour, chacun associés à une céramique95. Pourtant une seule est citée, celle du dépôt 3, qui est présentée comme une jarre hellénistique, mais aucune autre information supplémentaire n’est apportée. Au final, c’est parce que ces dépôts présentent des caractéristiques particulières assimilées à des traces de sacrifices humains attribués aux Galates qu’ils sont datés de la phase 3A :

In the end, the assignment of a Later Hellenistic/YHSS 3A date for the Area A surface remains is based on the assumption that the unusual forms of bone deposition in Areas A and B are related and roughly contemporary. Support for this assumption comes from the fact that there is nothing in the archaeological or historical record that can account for the bodies found in Area A during the Early Hellenistic/YHSS 3B period, but as we shall see, there is textual evidence from Anatolia and Europe that can place them within the Galatian occupation/YHSS 3A96.

Ce problème de datation est encore plus flagrant pour les dépôts 5, 6 et 797. Ici aussi, c’est uniquement au regard de la comparaison supposée entre les données anthropologiques et les pratiques de sacrifices rituels attestées par les textes antiques que ces dépôts se voient datés de la phase 3A :

We do not know the precise date of area A's grimmest deposit, the remains of four people thrown into a deep pit. Even if this burial group were later, their treatment is undoubtedly linked to ritual practices that began in third-century Gordion and would represent continuity of Celtic traditions after the town became part of the Roman province of Galatia98.

Donc, le principal élément retenu par les études antérieures pour dater ces dépôts était les pratiques inhabituelles qu’ils pensaient avoir identifiées. Or nous venons de démontrer, concernant les dépôts du secteur A, que ces interprétations étaient erronées. Dès lors, il est nécessaire de rediscuter cette datation.

Nous l’avons dit, aucun des éléments précédemment exposés par les études antérieures ne permet d’attribuer une datation à ces dépôts99

. En revanche, un des éléments que nous avons développé dans la partie précédente peut nous apporter de nouvelles informations : la pratique d’un geste funéraire consistant à déposer le défunt en position latérale, les membres

95 Corpus, dépôts 3 et 4, p. 137-139. 96

Voigt, 2012, 266.

97 Corpus, respectivement p. 140-143. 98 Dandoy, Selinsky, Voigt, 2002, p. 46. 99

Hormis une céramique pour laquelle nous n’avons aucune représentation ou description permettant de valider sa datation.

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repliés (dépôts 1, 2, 3, 4, 5, 6) et parfois accompagnés d’une céramique déposée aux pieds du défunt (dépôts 3 et 4).

Pour la période hellénistique, nous ne disposons d’aucun élément de comparaison, puisque les 14 dépôts de notre corpus regroupent l’ensemble des données attribuées à cette période.

Pour la période phrygienne, les études qui se sont intéressées aux pratiques funéraires se sont concentrées sur les tumulus, dont plus de 80 ont été inventoriés au nord-est du site. Nous savons cependant qu’à cette période, les sépultures modestes (à différencier des tombes rupestres et des tumulus) sont soit des inhumations soit des crémations (utilisées à proportions égales et sans distinction chronologique), et aucun geste funéraire particulier n’est connu quant à la position du corps100. Au final, la période qui livre les meilleurs antécédents avérés est la période hittite.

Une nécropole de la période hittite a en effet été fouillée par Machteld Mellink101, entre 1951 et 1953. Cette nécropole est située à l’extérieur du site, à un endroit par-dessus lequel est par la suite aménagée une nécropole phrygienne avant d’être recouvert par un tumulus (figures 19-20).

Dans cette nécropole, 3 types de sépultures ont été trouvés ; les inhumations en pleine terre, les inhumations en ciste, et les inhumations en pithos, ces dernières étant les plus nombreuses (figure 20). Or on voit que les défunts inhumés sont tous en position latérale, sur un flanc ou sur l’autre, et les membres sont repliés (figures 21-22). On constate même sur certaines de ces inhumations (figures 21-22) qu’une céramique est parfois déposée contre le défunt. Ces exemples sont les précédents avérés les plus probants que nous ayons trouvés pour offrir une comparaison aux dépôts 1 à 6 de notre corpus.

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Fiedler, 2003, p. 258.

48 Figure 19 Localisation de la nécropole (flèche rouge) (d’après Mellink, 1956).

49 Figure 21 Représentation des sépultures de la nécropole hittite (échelles non documentées) (d’après Mellink, 1956).

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À la fin de la période hittite (entre 1200 et 1100), la nécropole évolue, et des structures d’habitats sont également construites dans ce secteur. De nouvelles pratiques funéraires apparaissent, assimilées à la période phrygienne ; les défunts inhumés sont désormais allongés sur le dos (figures 23-24). Pourtant, la pratique funéraire du dépôt en position latérale et repliée est tout de même encore attestée, mais devient largement minoritaire (figures 23-24, flèches rouges).

Figure 22 Représentation des sépultures de la nécropole hittite (échelles non documentées) (d’après Mellink, 1956).

51 Figure 23 Représentation des inhumations d’époque phrygienne (échelle non documentée)

(d’après Mellink, 1956).

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Rappelons également que les meules utilisées pour aménager le dépôt 5, sont dites d’époque phrygienne ancienne (phase 6A). Voigt interprétait ces meules comme des pièces récupérées sur des phases anciennes par les Galates, pour être compatibles avec la datation hellénistique de ces dépôts. Au regard de notre démonstration, cette hypothèse n’est plus nécessaire, et il est envisageable que le dépôt 5 et ces meules soient contemporains.

Il y a cependant plusieurs limites à prendre en compte dans cette démonstration. Tout d’abord cette nécropole est éloignée d’environ 900 m de l’endroit où nos dépôts ont été mis au jour. Pour autant, on connait, à travers toute l’Anatolie du IIe

millénaire, des sites aux situations différentes ; 14 sites montrent des nécropoles intra-muros, 12 montrent des nécropoles extra-muros (c’est dans cette catégorie qu’est classée Gordion), et 3 montrent les 2. La possibilité d’avoir 2 zones de nécropoles, se succédant ou cohabitant, est donc un fait avéré sur d’autres sites.

Ensuite, le caractère sur lequel nous fondons notre comparaison est restreint. En effet cette comparaison n’est proposée qu’au regard de la seule position des défunts. Il peut être risqué de baser l’identification d’une pratique funéraire sur ce seul critère.

Pour finir, rappelons tout de même que la céramique déposée au pied du sujet du dépôt 3 est présentée comme une jarre hellénistique. Pour autant, en l’absence de représentation, de description, et d’analyse, il est tout à fait possible de douter de cette attribution ; par ailleurs, la présence d’une autre céramique au pied du sujet du dépôt 4 n’a pas pour autant permis aux fouilleurs d’en proposer une datation.

Toutefois, au regard de cette démonstration, nous pouvons affirmer que la meilleure comparaison aux dépôts 1 à 6 de notre corpus est offerte par des précédents avérés datés de l’époque hittite. On trouve également des précédents avérés à l’époque phrygienne ancienne, mais ils sont peu nombreux et répondent moins à une norme. Il n’est pas possible de proposer une démonstration absolue de cette hypothèse, néanmoins cette analyse est la plus poussée que nous puissions proposer au regard des données disponibles. Mais cette démonstration doit être prise avec prudence, tant au regard des limites que nous avons énoncées qu’au regard de la non-exhaustivité des données sur lesquelles notre démonstration repose.

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C. Les dépôts du secteur B, des assemblages volontaires de restes