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DES FONCTIONS DES PRINCIPES DE LA COMMANDE

PUBLIQUE.

Une étude sur la recherche des fonctions propres d’un principe s’amorce nécessairement par l’observation du droit positif, dès lors que « le juriste n’est pas libre de

choisir les concepts qu’il utilise, ni les axiomes sur lesquels il s’appuie, car il est tenu de respecter le droit positif »177. À partir de conséquences observées dans la réalité juridique, il s’agit de rechercher le principe auquel elles se rattachent. Appliquée au droit de la commande publique, cette méthodologie juridique dévoile que les principes structurant cette matière ne disposent pas de fonction propre. Autrement dit, l’analyse du droit positif révèle l’absence tangible d’une singularité des fonctions de chaque principe de la commande publique.

En l’absence d’une conception singulière des fonctions, c’est une conception unitaire qui prévaut. Dans l’utilisation qui en est faite tant par les juges que le pouvoir normatif, les principes de la commande publique sont observés comme formant un ensemble homogène, doté de fonctions communes dont la réalisation se concrétise au moyen d’instruments juridiques équivalents. Bien qu’incontestable, cette conception unitaire est insatisfaisante, car tant pour sa compréhension que pour son utilisation, le droit de la commande publique nécessite une précision des fonctions propres à chaque principe qui en constitue le socle (Titre 1).

Ce constat – qui transcrit la réalité juridique – amène inévitablement à s’interroger sur l’existence d’une clé de lecture empirique qui permettrait de singulariser les fonctions des principes au sein de l’ensemble homogène qu’ils forment. Le caractère chronologique de la

formation et de l’exécution des contrats fait émerger une conception nouvelle des fonctions des principes : une conception temporelle. Ainsi que l’affirme Antoine de Saint-Exupéry, « il

est bon que le temps soit une construction »178. Cette idée trouve un écho certain en droit de la commande publique, dans la mesure où le temps constitue un instrument structurant les processus d’achat public et les procédures d’externalisation des services. Une concordance entre les « temps de la commande publique » et les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures, dévoile la pertinence d’une conception temporelle des fonctions des principes de la commande publique (Titre 2).

Titre 1 : L’insuffisance d’une conception unitaire des fonctions des principes de la commande publique.

Titre 2 : La pertinence d’une conception temporelle des fonctions des principes de la commande publique.

TITRE 1 :

L’INSUFFISANCE DUNE CONCEPTION UNITAIRE DES

FONCTIONS DES PRINCIPES DE LA COMMANDE PUBLIQUE.

Poursuivant conjointement des objectifs généraux d’efficacité de la commande publique, de bonne utilisation des deniers publics179 et d’ouverture du marché à la concurrence au moyen d’obligations de publicité et de mise en concurrence180, les principes de la commande publique sont perçus comme un ensemble homogène doté de fonctions communes181. Ils disposent également d’une fonction supplétive identique, dans la mesure où ils sont susceptibles de produire leurs effets alors même qu’aucune disposition spécifique ne le prévoit182. Dès lors, c’est une conception unitaire des fonctions des principes qui prévaut dans le droit positif et dans le discours doctrinal (Chapitre 1). En assurant les mêmes finalités, les principes de la commande publique constituent un corpus unique de règles

179

Cf. Art. 1er du Code des marchés publics – Art. 1er-I de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, JORF n°0169 du 24 juillet 2015, p. 12602.

180 S. BRACONNIER, « Le nouveau Code des marchés publics : entre responsabilisation et libéralisation », JCP

E, n° 18, Avril 2004, p. 647 : « le second alinéa de l'article 1er-I du code ajoute que ces trois principes servent deux objectifs, l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics, eux-mêmes servis par les trois outils juridiques que sont la définition préalable des besoins (CMP, art. 5), le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse » –

E. LANGELIER, L’office du juge administratif et le contrat administratif, Thèse, LGDJ, éd. Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, 2012, p. 384 : « la publicité et la concurrence sont présentes ici mais comme

des moyens de réalisation des deux objectifs d’efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des deniers que les trois principes précités visaient déjà à assurer ».

181 Sur la distinction entre les notions d’objectifs et de principes, v. notamment C. BLUMANN, « Objectifs et principes en droit communautaire », in Le droit de l’Union européenne en principes, Liber amicorum en

l’honneur de Jean Raux, éd. Apogée, 2006, p. 39 : « il vient assez rapidement à l’esprit que l’objectif évoque un mouvement, un processus. Il s’agit d’un but à atteindre. Par nature, l’objectif semble étranger à la sphère du droit pur et relever plutôt du politique ou de l’économique. Le principe, au contraire, présente un caractère stabilisateur. Il vise à cristalliser un certain nombre de normes éparses et à leur donner une stabilité, une continuité. Il se cale donc bien dans la sphère du droit. Dit autrement, l’objectif serait progressiste, et le principe conservateur. L’objectif inviterait à l’action alors que le principe conduirait plutôt à la prudence, à la réflexion ou l’observation ».

182 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH et Telefonadress GmbH contre Telekom Austria AG, aff. C-324/98, Rec. p. I-10745 ; AJDA 2001. 106, note L. Richer ; ibid., 329, chron. H. Legal, C. Lambert et J.-M. Belorgey ; RFDA 2011. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Contrats et

marchés publ. 2001, comm. 50, note F. Llorens ; BJCP 2001. p. 132, concl. N. Fenelly et note Ch. Maugüé ; Dr. adm. 2001, comm. 85, note M.-Y. Benjamin – Cf. Infra, Section 2.

auquel est attribué deux fonctions principales : la protection d’objectifs généraux identiques et l’encadrement de l’achat public « en l’absence ou au-delà d’un régime spécifique »183.

Observés comme un ensemble homogène, les principes de la commande publique ne disposent pas de fonctions propres. En effet, l’analyse du droit positif comme du discours doctrinal témoigne de l’absence d’une délimitation précise des fonctions respectives de chacun. Par conséquent, il n’existe pas une conception singulière des fonctions des principes (Chapitre 2). Pourtant, cette conception est nécessaire pour construire un cadre stable et pérenne au droit de la commande publique. C’est à cette fin qu’il convient d’entreprendre une démarche de singularisation des fonctions de chaque principe de la commande publique.

Chapitre 1 : L’existence constante d’une conception unitaire des fonctions des principes de la commande publique.

Chapitre 2 : L’absence patente d’une conception singulière des fonctions des principes de la commande publique.

Chapitre 1 :

L’existence constante d’une conception unitaire des fonctions des