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Des définitions complémentaires et opposées

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L’entrepreneuriat et le management en débat sur les logiques d’action

1. L’entrepreneuriat et le management : un débat de définition

1.1. Des définitions complémentaires et opposées

Les domaines d’étude de l’entrepreneuriat et du management présentent une superposition encore souvent discutée dans la littérature (Baker et Pollock, 2007 ; Barringer et Bluedorn, 1999 ; Dess, Lumpkin et McGee, 1999 ; Kickul et al., 2011 ; Lumpkin et Dess, 1996 ; Venkataraman et Sarasvathy, 2001). L’entrepreneuriat a couramment été associé au management, en considérant que l’acte entrepreneurial pourrait être une décision relevant du management stratégique (Hitt et al., 2001 ; Zahra et Dess, 2001). De même, certains auteurs ont considéré que l’attitude entrepreneuriale était construite autour de l’esprit d’initiative, l’attitude managériale faisant quant à elle référence à l’instrumentation et la rationalisation de ces initiatives (Julien et Marchesnay, 1996 ; Verstraete, 2002). Ainsi, Shane et Venkataraman (2000), qui constatent que la frontière entre entrepreneuriat et management stratégique reste très floue, commencent à en définir quelques aspects (Tableau

4 Nous mobilisons, ici, la notion de logique d’action qui s’apparente à la combinaison entre les motivations et les prises de décisions pour la gestion de l’organisation (Amblard et al., 2005). Cette notion sera approfondie dans le deuxième chapitre qui s’intéresse plus particulièrement aux motivations qui conduisent à la prise de décisions durables au sein des PME.

2). Afin d’approfondir ces éléments de distinction, nous nous penchons sur les grandes définitions de l’entrepreneuriat (1.1.1) puis sur les définitions du management (1.1.2).

TABLEAU 2 :DIMENSIONS DE DISTINCTION DE LENTREPRENEURIAT ET DU MANAGEMENT STRATEGIQUE

des objectifs Ne nécessite pas l’existence de

l’entreprise ‐xistence formelle de l’entreprise Performance relative Aux choix de l’individu À d’autres entités

Principal objectif Identifier et exploiter les opportunités Développer et maintenir l’avantage concurrentiel

Activités Beaucoup d’activités non stratégiques Activités uniquement stratégiques Adapté de Shane et Venkataraman (2000)

1.1.1. L’entrepreneuriat

En raison de sa transdisciplinarité l’entrepreneuriat ne trouve encore aujourd’hui que peu de consensus sur sa définition (Busenitz et al., 2014 ; Hansen, Shrader et Monllor, 2011 ; Moroz et Hindle, 2012 ; Short et al., 2010). Malgré tout, la littérature semble s’accorder pour articuler l’entrepreneuriat autour de la saisie d’opportunités (Messeghem et Sammut, 2011) et du paradigme de l’opportunité (Busenitz et al., 2014 ; Chabaud et Messeghem, 2010). La notion d’opportunité a été introduite par Schumpeter (1934). Selon lui, l’entrepreneuriat se définit à travers la notion d’innovation qui conduit à la croissance économique. Ainsi, d’après cet auteur, l’entrepreneur doit « réformer ou révolutionner la routine de production en exploitant une invention ou, plus généralement, une possibilité technique inédite (production d’une nouvelle marchandise, ou nouvelle méthode de production d’une marchandise ancienne, ou exploitation d’une nouvelle source de matières premières ou d’un nouveau débouché ou réorganisation d’une branche industrielle, et ainsi de suite) » (Schumpeter, 1979, p. 132). Ici, l’entrepreneur en innovant pour saisir une opportunité s’inscrit dans une logique de destruction créatrice qui amène le marché à se déséquilibrer. La destruction créatrice a été définie par Schumpeter (1979, p. 83) comme « le processus d’une mutation industrielle qui révolutionne incessamment la structure économique de l’intérieur, en détruisant incessamment l’ancienne, et en créant incessamment une nouvelle. » Ce phénomène est l’inverse de celui présenté par Kirzner (1997) où cette fois

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l’entrepreneur utilise les déséquilibres du marché comme opportunité d’affaires. Ainsi, il faudra séparer les pensées Schumpétérienne et Kirznérienne lorsqu’il sera question d’opportunités liées aux déséquilibres des marchés (Chabaud et Messeghem, 2010). Cette double approche nous permet de mettre en évidence l’importance des opportunités et de leur définition pour l’organisation de l’entrepreneur et pour l’environnement qui l’entoure.

L’opportunité comme élément fondamental de l’entrepreneuriat est souvent associée à la création d’entreprises ; comme le soulignent Julien et Marchesnay (1996, p. 63) en définissant l’entrepreneur «reconnu comme tel lorsqu’il crée ou reprend une entreprise à partir d’une idée. En tirant parti des ressources disponibles dans son milieu, l’innovation lui permet de saisir une opportunité sur le marché. » Cependant, l’opportunité en entrepreneuriat peut aussi être associée avec la saisie de nouvelles opportunités comme nous le présente la définition de Stevenson et Jarillo (1990, p. 23) : « L’entrepreneuriat est le processus de création ou de saisie d’une opportunité indépendamment des ressources actuellement contrôlées. » Les opportunités y sont envisagées comme « une situation future désirable et faisable » (Stevenson et Jarillo-Mossi, 1990, p. 23). Par conséquent, la saisie d’opportunités n’est pas seulement assimilée à la création d’entreprises (Covin et Slevin, 1991), et nous permet de faire référence à l’intrapreneuriat aussi appelé corporate entrepreneurship (Bygrave et Hofer, 1991 ; Pinchot et Golding, 1986). Ainsi, la saisie d’opportunités pour la création d’une entreprise ou le développement d’une entreprise déjà existante amènera à la création de valeur pour l’organisation, et ce, principalement au travers de l’innovation (Bruyat et Julien, 2001 ; Kirzner, 1997 ; Schumpeter, 1934 ; Shane, 2000 ; Shane et Venkataraman, 2000). Grâce à l’exploitation et la saisie d’opportunités, l’organisation dégagera de potentiels avantages concurrentiels (Hitt et al., 2001 ; Ireland, Hitt et Sirmon, 2003). Nous retrouvons également dans la littérature une approche processuelle de la saisie d’opportunités grâce au processus entrepreneurial avec l’identification, l’évaluation et l’exploitation (Shane et Venkataraman, 2000). Au travers de ce processus, l’entrepreneur optimisera ses retombées, et donc sa performance, lui permettant de tirer des revenus des opportunités exploitées (Venkataraman, 1997).

Pour définir l’entrepreneuriat, nous souhaitons choisir une approche qui regroupe les différents éléments de définition que nous avons relevés. Fayolle et Verstraete (2005) proposent de retenir quatre paradigmes forts pour le définir : la création de la valeur, les opportunités d’affaires, l’innovation et la création d’organisations. La suite du

développement se base uniquement sur les entreprises déjà existantes, nous ne mobiliserons donc pas le paradigme de la création d’organisations.

1.1.2. Le management

Le management5, désigné à l’époque par Henri Fayol, un de ses pères fondateurs, par le terme administration, était défini comme : « la prévoyance, de l'organisation, du commandement, de la coordination, du contrôle » (Fayol, 1916, pp. 10 11). Cette définition est encore reprise aujourd’hui, bien qu’adaptée autour de la planification, l’organisation, l’activation et le contrôle (Thiétart, 2017). Le management est donc une façon méthodique de gérer une organisation.

La première étape de cette gestion méthodique de l’organisation passe par une prise de décisions stratégiques échafaudée sur le long terme (Helfer, Kalika et Orsoni, 2004). Cette phase stratégique est menée dans le cadre du management stratégique. Ces décisions stratégiques consistent en premier lieu à construire une ou plusieurs perspectives à atteindre (Bowman, Singh et Thomas, 2006 ; Wright, Kroll et Parnell, 1996). Le management est ainsi mené pour servir différents objectifs de profits (Makadok et Coff, 2002) et plus généralement des objectifs de performance (Chakravarthy et White, 2006 ; Porter, 1996). C’est au travers des méthodes, principes, techniques et modèles de management mis en place dans l’organisation que celle-ci maintient et améliore son avantage compétitif (Hitt et al., 2012 ; Ionescu et Grigore, 2016). Afin d’aboutir à des choix stratégiques pertinents pour la performance de l’entreprise, le management doit se concentrer sur son environnement interne et externe (Bracker, 1980 ; Jemison, 1981). Cette analyse de l’environnement permet à l’organisation de déterminer et mettre en œuvre ses décisions stratégiques pour évaluer les inputs à engager et les outputs éventuels qu’elle pourra tirer (Jemison, 1981 ; Wright, Kroll et Parnell, 1996). Une bonne écoute de son environnement pousse aujourd’hui de nouvelles réflexions autour des parties prenantes, en invitant l’entreprise à s’y intéresser et à potentiellement développer des réponses à leurs attentes, ce qui est source de création de valeur (Freeman et McVea, 2001). Non seulement le management est dépendant de ses parties prenantes, mais il est également indissociable de la gestion des ressources et peut être défini au travers de la gestion raisonnée de celles-ci (Stevenson et Gumpert, 1985 ; Stevenson et

5 Pour la suite de notre étude, lorsque le terme management sera utilisé, celui-ci fera référence au management en général (stratégique, tactique et opérationnel). Lorsque nous ferons référence à un type de management en particulier, celui-ci sera spécifié.

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Jarillo-Mossi, 1990). Ainsi, le management peut être considéré comme un ensemble d’actions permettant de gérer les moyens humains et matériels pour l’atteinte des objectifs de l’entreprise (Bracker, 1980).

Un des principaux objectifs du management stratégique est de dégager un avantage compétitif pour l’entreprise (Porter, 1989 ; Teece, 2007). La capacité de l’organisation à dégager cet avantage compétitif va être déterminée par sa gestion des ressources et compétences, au cœur de la RBV (Barney, 1991 ; Grant, 1991 ; Prahalad et Hamel, 1990 ; Wernerfelt, 1984). ‐n effet, les organisations disposent d’une variété de ressources : financières, physiques, humaines, organisationnelles, etc. (Barney, 1991), qui constituent autant de ressources spécifiques de l’entreprise (Barney, 1991 ; Barney, Wright et Ketchen, 2001 ; Grant, 1996). Si elles sont attribuées savamment aux bons objectifs (Hamel et Prahalad, 1993), ces ressources seront à l’origine d'avantages compétitifs. Ainsi, celles-ci devront être justement allouées pour répondre aux opportunités offertes par l’organisation ou le marché (Cockburn, Henderson et Stern, 2000).

Le management stratégique se définirait donc comme une analyse de l’environnement interne et externe et une formulation de stratégies afin de gérer les ressources pour développer l’avantage concurrentiel de l’organisation et atteindre ses buts (Cox et al., 2012). Cette définition du management nous servira de base dans la suite de notre travail sur l’aspect stratégique.

Le management stratégique établit ainsi les plans de l’organisation en fixant les objectifs et les grands axes de développement de l’organisation. Cependant pour que le potentiel découvert au travers des décisions stratégiques soit exploité, il est essentiel de développer un management opérationnel et tactique réfléchi et adapté dans son entreprise (Martinet, 1988). En effet, le management tactique représente l’interprétation pratique à moyen terme des décisions stratégiques prises sur le long terme par le management stratégique. Le management opérationnel se retrouve quant à lui, dans la transcription à court terme de ces décisions. Le management opérationnel et tactique est donc centré autour de l’animation des ressources humaines de l’entreprise (Ramond, 2017). Le but est ici de préparer et de distribuer les tâches aux salariés afin d’atteindre les objectifs fixés par le management stratégique (Kotler, Berger et Bickhoff, 2010).

À la suite de l’analyse critique des différentes définitions de l’entrepreneuriat et du management, nous constatons que ces deux logiques présentent des objectifs communs tels que la recherche de performance, la création de valeur et d’avantages concurrentiels. Nous avons vu que le management stratégique était souvent croisé avec l’entrepreneuriat (Barringer et Bluedorn, 1999 ; Hitt et al., 2001 ; Shane et Venkataraman, 2000 ; Zahra et Dess, 2001) et semble présenter les mêmes finalités. Toutefois, c'est leur mise en application stratégique qui permet de les distinguer, l’entrepreneuriat passant plutôt par la saisie d’opportunités et le management stratégique par la gestion des ressources. Nous retrouvons ainsi une partie des résultats soulignés par Shane et Vekataraman (2000) (Tableau 2). Nous allons voir, dans le point suivant, que ce sont sur ces voies de différenciation que la littérature s’est appuyée pour construire des modèles et échelles de référence pour détecter les caractéristiques des logiques entrepreneuriales et managériale. L’opérationnalisation (management tactique et opérationnel) découlant des décisions stratégiques, elle ne semble pas représenter un élément déterminant dans la distinction entre le management et l’entrepreneuriat, mais représente un principe indissociable de ces deux logiques (Shepherd et Patzelt, 2013).

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