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En conséquence des éléments mis en évidence dans la section précédente, la périurbanisation en Wallonie est diffuse, peu dense et mono-fonctionnelle14. Ces caractéristiques sont explicitées ci-dessous et mises en perspective avec des territoires voisins.

2.3.1. La dispersion spatiale

La périurbanisation en Wallonie concerne des espaces éloignés des noyaux bâtis existants contrairement, par exemple, à la Grande-Bretagne, où la tradition de maîtrise de l’étalement urbain est ancienne et profondément ancrée. Dans le sud de la Grande-Bretagne, pour une densité et une topographie similaires à la Wallonie, les développements immobiliers sont ainsi plus limités en campagne (Figure II-3). La volonté de contrôle des extensions urbaines, d’abord incarnée par les villes nouvelles et les ceintures vertes, ne s’est pas démentie depuis le début du 20ème siècle15. Les ceintures vertes en place autour des agglomérations occupent actuellement environ 13% du territoire de l’Angleterre. Elles abritent de nombreux villages et bourgs ruraux conservés dans leur état rural originel en raison des restrictions très sévères imposées à l’urbanisation. On peut remarquer que ces ceintures vertes portent quand même une ambiguïté. D’un côté, elles protègent contre l’étalement urbain et préservent les villages ruraux. Elles favorisent ainsi le renouvellement de la ville sur elle-même puisqu’il y a moins de disponibilités foncières en périphérie. D’un autre côté, elles sont utilisées par les

« premiers arrivés » pour se protéger des nouveaux arrivants et les villages qui les constituent sont souvent des clos d’habitants très homogènes et privilégiés.

Aux Pays-Bas, la périurbanisation est plutôt marquée par une dispersion maîtrisée de l’habitat, qui, au contraire de la Wallonie, reste relativement concentrée autour de quelques villes moyennes (concentration dispersée). La limite entre zone urbanisable et zone non urbanisable est clairement définie. Le tissu périurbain flamand, enfin, est nettement plus dispersé qu’en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas mais reste plus dense qu’en Wallonie. Depuis maintenant quelques années, les autorités publiques flamandes mènent des politiques visant à limiter l’étalement urbain. Le Ruimtelijk Structuurplan Vlaanderen16 prévoit ainsi de concentrer au minimum 60 % des nouveaux logements dans les espaces urbains et l’essentiel des 40 % restants au cœur des principales localités de l’espace périurbain et rural. Il propose aussi des normes minimales en matière de densité des lotissements qui limitent la taille des parcelles à 300 à 400m² en zone urbaine et 500 à 600m² en zone périurbaine ou rurale (Lambotte, 2010).

14 Bien que l’étalement urbain touche également la fonction commerciale, l’éducation, etc., les quartiers périurbains résidentiels ne présentent pas de mixité fonctionnelle.

15La première « green belt », celle de Londres, date de 1938.

16Voir note de bas de page n° 17.

Figure II-3 : Etalement urbain en Angleterre, aux Pays-Bas et en Flandre ©(EPSRC, 2009).

2.3.2. Une faible densité

La périurbanisation en Wallonie est caractérisée par une densité faible. Les parcelles présentent de grandes superficies, que ce soit en ce qui concerne l'habitat comme en ce qui concerne les zones d'activités économiques. La superficie moyenne des terrains à bâtir, qui constitue un indicateur de l’évolution de la consommation de l’espace à des fins résidentielles, atteint environ 1.500m², tant en 1990 qu’en 2004. Elle a eu tendance à croître, entre 1997 et 2001, pour atteindre une moyenne de 1.700m² (Figure II-4). On observe une amorce de décroissance à partir de 2002, qui pourrait s’expliquer entre autres par l’accroissement plus rapide du prix au m² (Cellule Etat de l'Environnement Wallon, 2007). La taille des parcelles s’élevait à 490m² en 1953 et à 1.230m² en 1970 pour les ventes de gré à gré. A titre de comparaison, la taille moyenne des parcelles aux Pays-Bas n’atteint que 400m². Selon les chiffres de la Cellule Etat de l'Environnement Wallon (2007) toujours, en moins de 20 ans, la superficie totale des terres construites, des infrastructures et des équipements a ainsi augmenté de 18,2%. Alors que la superficie urbanisée s’élevait à 196.300 hectares en 1986 (soit 11,6% du territoire), elle atteignait 232.000 hectares en 2004 (13,7% de la superficie régionale). La progression de l’urbanisation s’opère non seulement par un étalement en « tache d’huile » mais aussi par la construction sur des terrains isolés de certains lotissements ou zones d’activités.

Les résidences (appartements, logements, fermes, garages et annexes, jardins et parcs) occupent la plus grande part des terres urbanisées. En 2004, la superficie couverte par les résidences occupait 106.600 hectares (soit 6,3% du territoire wallon), contre 85.000 hectares en 1986. Avec 26,5% de croissance, cette catégorie est celle qui a évolué le plus vite en une vingtaine d’années. L’ensemble des équipements publics (bâtiments scolaires, militaires, administratifs, hospitaliers et sociaux, églises, stations d’épuration, etc.) et infrastructures occupe presqu’autant d’espace que les résidences. De 1986 à 2004, la superficie occupée par les équipements publics est passée de 10.000 à 12.000 hectares et celle des infrastructures de transport de 83.000 à 87.000 hectares (soit une augmentation respective

de 23 et 4,3%). La croissance des infrastructures de transport a cependant ralenti depuis les années 90.

L’augmentation de la superficie urbanisée ne s’explique que très partiellement par la croissance de la population. Elle est plutôt liée à une plus grande consommation d’espace par personne, pour le logement, le commerce, le travail, etc. A titre d’exemple, la population wallonne a augmenté de 5,5% entre 1986 et 2004. Or, durant la même période, la superficie urbanisée est passée de 610m² à 680m² par personne, soit une augmentation de 11,5% (Dubois and Hanin, 2005).

La taille moyenne des terrains à bâtir diffère selon les sous-régions (Figure II-5). Les localités situées dans l’aire d’influence d’une ville importante subissent en général une pression foncière qui se traduit par une augmentation du prix au m² et donc une diminution de la taille des parcelles. Ainsi le Brabant Wallon, les Cantons de l’Est et la région d’Arlon connaissent une diminution de la taille des parcelles à bâtir due à la proximité, respectivement de Bruxelles, de l’Allemagne et du Luxembourg (Cellule Etat de l'Environnement Wallon, 2007). Les communes situées dans les agglomérations sont celles où l’urbanisation augmente le moins rapidement, avec une croissance comprise entre 10 et 20% (pour un total de +6.400 hectares) entre 1986 et 2004. Cet accroissement relativement faible s’explique par le volume moindre de terrains non bâtis disponibles en ville, et par leurs prix plus élevés, mais aussi par l’influence du modèle de la villa située dans une grande parcelle dans un environnement « vert » qui influence d’ailleurs de plus en plus l’implantation des entreprises. C’est dans le premier cercle autour des agglomérations, celui des communes de banlieue, que l’urbanisation progresse le plus avec une hausse de 20 à 30% (+8.100 ha). La grande banlieue, les petites villes et les communes rurales connaissent des évolutions comparables avec des taux d’urbanisation proches de 20% (+21.500 ha) (Cellule Etat de l'Environnement Wallon, 2007).

On remarque enfin une tendance récente au développement de logements collectifs périurbains qui prennent la forme de petits immeubles à appartements. Les blocages au recyclage morphologique en milieu urbain, mis en évidence par Halleux and Lambotte (2008), font que ce type de développement devient difficile et plus coûteux à réaliser en centre-ville. Les promoteurs préfèrent donc réaliser ces opérations en milieu périurbain.

Cette tendance est essentiellement observée dans les périphéries de Bruxelles et de Liège.

Si ces développements ont certains avantages (logements plus adaptés aux personnes seules ou âgées, etc.), leur intégration paysagère et la mobilité des nouveaux habitants devraient être sérieusement prises en compte lors du choix de leur localisation.

Figure II-4 : Evolution de la taille moyenne et du prix moyen au m² des terrains à bâtir vendus en Wallonie ©(Cellule Etat de l'Environnement Wallon, 2007).

Figure II-5 : Taille moyenne des terrains à bâtir par commune ©(Cellule Etat de l'Environnement Wallon, 2007).

2.3.3. La monofonctionnalité

La périurbanisation wallonne est monofonctionnelle et touche principalement le logement même si elle concerne aussi les activités économiques, culturelles, universitaires, de loisirs, etc. par opposition aux tissus centraux anciens qui mêlaient intimement logements, industries et autres fonctions. Pour Piron (2007), la périurbanisation des ménages est parfois elle-même liée à la périurbanisation des activités et des emplois puisque certains ménages déménagent en zone périurbaine pour se rapprocher du lieu de travail d’un des deux conjoints. Plus problématique, ces lotissements résidentiels monofonctionnels, qui constituent toujours la réponse idéale aux demandes de logement d’un grand nombre de ménages, démontrent, jusqu’à ce jour du moins, une véritable incapacité d’évolution vers une plus grande mixité du tissu (Mangin, 2004).