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X. LA LOCALISATION A STATION UNIQUE : COMPLEMENTS,

4. DEMARCHES SUIVIES

L’objet de ce paragraphe est de rappeler les démarches entreprises de façon séquentielle au cours de cette étude et les étapes successives qui ont notamment conduit à l’élaboration des méthodes décrites ci-dessus.

4.1 Signaux de Bretagne

Pour les signaux enregistrés en Bretagne à des distances du "Concorde" n’excédant guère 200 kilomètres, nous disposions d’une grande quantité de données déterminées par l’étude de l’ONERA [67] : météorologie, trajectographie de l’avion, azimuts de réception aux trois stations de mesure, signaux et spectres graphiques, calculs des zones de retombée du bang sonique. Nous avons ainsi pu développer et tester notre modèle de source (cas du vol supersonique en palier et en léger piqué), notre code de propagation 3D et, de façon plus succincte, notre code d’analyse spectrale.

L’étude des généralités sur le bang sonique nous a suggéré de corréler distance de propagation et évolution du spectre de l’onde en N, ce qui s’est avéré concluant en dépit de l’éloignement de la source (dissipation des effets non linéaires) et de la zone de silence théorique dans laquelle se trouvaient deux des trois stations d’enregistrement.

4.2 Signaux des Landes

Pour les signaux enregistrés dans les Landes, nous disposions des analyses en temps réel faites par la station de mesure à partir d’un réseau de capteurs et donnant en particulier l’azimut et la célérité apparente des trains d’ondes se succédant pendant environ trois minutes. Nous n’avons pas trouvé de corrélations spatio-temporelles évidentes, mais deux groupes d’arrivées assez cohérents en site-azimut suggérant deux trajets atmosphériques possibles, hypothèse que les calculs de propagation effectués par la suite n’ont pas confirmé.

Par ailleurs, les analyses spectrales que nous avons effectuées ont montré que le spectre du signal restait relativement invariant d’une fenêtre temporelle à l’autre. Cette particularité nous a permis de faire l’hypothèse que les signaux s’étendant sur plusieurs minutes étaient en fait une duplication d’une perturbation unique (structure d’échos multiples). De ce fait, nous pouvions par exemple lisser le spectre en effectuant la moyenne quadratique des spectres de fenêtres temporelles successives. Ce traitement ayant éliminé les minimums accidentels, le minimum correspondant à la première arche du spectre de l’onde en N n’était pas décelable et nous ne pouvions plus appliquer le "test du premier zéro".

Nous avons tout d’abord remarqué que le spectre lissé du bruit de fond a une pente régulière de –6 dB par octave, comme l’enveloppe du spectre d’une onde en N théorique. Nous avons alors fait l’hypothèse que la pente du spectre du signal, plus grande que celle du bruit de fond, traduisait de façon fidèle les effets de l’absorption atmosphérique sur le spectre de l’onde en N et la pente de son enveloppe, et qu’elle nous permettrait d’évaluer la distance de propagation du signal.

Il est important de noter que, par commodité, nous avons utilisé des coefficients d’absorption atmosphériques moyennés entre 0 et 60 km d’altitude alors que les arches des trajectoires culminaient à moins de 45 km. La suite de l’étude nous a montré que l’erreur commise sur la distance à l’avion, estimée initialement à environ 800 km, était de moins de 100 km.

Par ailleurs, la distance source-station ne pouvant plus permettre de faire abstraction de la rotondité de la Terre, nous avons complété le code Simoun 3D avec la prise en compte de cette rotondité par le biais de corrections en site et en azimut basées sur un calcul analytique. Les rayons se déplacent ainsi dans un espace courbe et, en l’absence de vent, leurs projections au niveau de la mer sont des orthodromies.

Ayant identifié le vol "Concorde" en cause, nous avons ensuite procédé à un tracé de rayons directs avec une atmosphère obtenue à partir d’interpolations temporelles et spatiales de bulletins météorologiques réels et statistiques, avec un degré de liberté au-dessus de 30 km ("facteur vent"). Comme suggéré par le "test de la pente", la station de mesure identifiée est atteinte au troisième rebond à partir de la trajectoire de l’avion. Nous avons ainsi pu tester les modèles de source, d’atmosphère et de propagation élaborés et effectuer des tirs de rayons

rétrogrades à partir de la station, sachant que ce calcul rétrograde est rendu possible par l’artifice de l’inversion des vents.

4.3 Signaux de Normandie

Les signaux enregistrés à Flers nous ont donné l’occasion de tester la méthode du premier zéro utilisée pour les signaux de Bretagne qui arrivaient à plus de 200 km de

l’aéronef, en limite de validité. Par contre le test de la pente nous a permis d’estimer la distance de propagation des signaux à environ 300 km, ce qui s’est en définitive avéré correct. Malgré un bon rapport signal sur bruit, l’analyse spectrale effectuée était rendue délicate par l’étroitesse des fenêtres d’arrivée des séries de signaux et le caractère irrégulier des spectres enregistrés. Ceci nous a amené à tester un certain nombre de procédures et de méthodes de traitement du signal portant en particulier sur le lissage des spectres.

L’apport de cette exploitation concerne également l’aspect goniométrique aboutissant d’une part à une localisation de la source sonore en gisement-distance, d’autre part au tir de rayons rétrogrades pour les différentes séries de signaux détectés. La météorologie adoptée est la plus réaliste possible en fonction des données réelles et statistiques disponibles. La trajectoire de l’avion, calculée en fonction de la météorologie de Brest, est "encadrée" à la distance et à l’altitude voulues par les rayons rétrogrades correspondants au maximum du signal enregistré.

Considérant que la phase de vol concernée était une phase d’approche en descente et décélération, nous avons par ailleurs élaboré un modèle mathématique de cône de choc adapté, abstraction faite des effets de non-linéarité qui font que le cône de Mach est en réalité une ogive. La forme ogivale des enveloppes trouvées résulte ici uniquement du phénomène de décélération. La conclusion de l’étude est qu’il n’y a pas lieu d’introduire une correction pour estimer la direction de la source d’après l’azimut de provenance des trains d’ondes.

Un autre aspect de l’étude est la prise en compte des aspects spatio-temporels, basée sur le calcul pas-à-pas des temps de propagation et sur le timing de l’avion sur sa trajectoire. Comme le suggèrent les caractéristiques des différentes arrivées de signaux, les calculs rétrogrades et directs effectués montrent que plusieurs types de chemins de propagation stratosphériques et thermosphériques sont possibles. Malheureusement, le timing des arrivées calculées est assez différent de celui des arrivées enregistrées, particularité que nous avons attribuée à la méconnaissance des conditions aérologiques réelles en haute atmosphère.

La connaissance précise de la trajectographie de l’avion nous a également permis de tester la validité des calculs rétrogrades à partir des caractéristiques du cône de Mach aux points d’interception de la trajectoire. Nous avons ainsi pu déterminer que seule la série principale du signal utile avait permis des calculs rétrogrades vraiment réalistes.

4.4 Signaux de Suède

Si dans le cas des signaux enregistrés à Parentis et à Flers, nous avons procédé à des calculs de rayons rétrogrades, nous avons préféré nous en abstenir dans le cas des signaux suédois du fait de l’absence de météorologie autre que statistique et de la dispersion des calculs goniométriques effectués aux stations d’écoute dont nous disposions.

Afin de vérifier la compatibilité du signal reçu et de la trajectoire avion considérée (vol Bristish Airways), notre idée a été de remplacer le calcul de rayons rétrogrades par un calcul d’orthodromies rétrogrades tirées au niveau de la mer dans les azimuts caractéristiques ou moyens pour chaque station d’écoute, ce qui équivaut à calculer des projections de rayons sonores rétrogrades sans vent ni gradient latéral de température. Ceci nous a permis d’avoir une idée de la distance couverte jusqu’à la trajectoire de l’avion et de l’origine spatiale des signaux, mais également de pouvoir apprécier, au moins de façon approximative, la cohérence temporelle entre les points d’émission du signal et les instants de réception aux trois stations considérées.

Afin d’affiner la localisation des points d’émission sur la trajectoire et l’étude de la cohérence temporelle, nous avons ensuite effectué des tracés de rayons directs. A l’inverse de ce que nous avions constaté pour les signaux de Normandie, la correspondance spatio-temporelle entre le calcul et les données expérimentales est tout à fait satisfaisante. Dans ces

calculs de rayons entre les 50ème et 70ème Parallèles Nord, la prise en compte de la rotondité de la Terre s’avère particulièrement importante et délicate. Nous nous sommes basés sur des calculs analytiques dans l’espace pour introduire de façon pratique dans le code de calcul une correction semi-empirique en azimut par tranches successives de latitude.

La particularité de ces signaux est, outre leur durée inhabituelle (dix minutes de signal dans chacune des stations), leur faible amplitude par rapport à celle du bruit de fond et la largeur très restreinte (quelques Hertz) de la plage fréquentielle exploitable. Les techniques de lissage élaborées précédemment liées à une procédure succincte de "débruitage" nous ont néanmoins permis de comparer la pente des spectres obtenus aux courbes issues de la déformation de l’enveloppe du spectre de l’onde en N à grande distance.

Deux tests ont été effectués, le premier comme précédemment avec les coefficients d’absorption moyennés, le second avec les coefficients nominaux pris en compte par tranches d’altitude le long de la trajectoire des rayons. La première méthode nous a donné des distances de l’ordre de 2000 km, la seconde des distances de l’ordre de 3500 km, ces valeurs encadrant des distances réelles de propagation variant entre 2800 et 3000 km. Cette constatation est discutée dans le paragraphe suivant.

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