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Demande de temps d'observation supplémentaire avec SPHERE et résultats préliminaires

Propositions d'observations SPHERE et JWST

B.1 Demande de temps d'observation supplémentaire avec SPHERE et résultats préliminaires

B.1.1 Demande de temps d'observation

L'étude décrite dans le chapitre 1 a permis de montrer que le mode LSS de l'instru-ment SPHERE présente un intérêt certain pour l'étude des noyaux actifs. Le domaine spectral, en particulier, permet d'observer simultanément au moins trois des compo-sants critiques d'un noyau actif : le tore de poussière, la population stellaire, et le gaz ionisé. Malheureusement, les mauvaises conditions atmosphériques lors de l'ob-servation ont mené à un mauvais fonctionnement du système d'optique adaptative et à une résolution angulaire très en deçà des meilleures performances de SPHERE. Convaincu de l'intérêt d'une telle observation, et ayant développé des compétences sur le traitement des données SPHERE, j'ai pris la décision de préparer une demande de temps d'observation supplémentaire à l'ESO. L'objectif est d'observer à nouveau le c÷ur de NGC 1068 avec le mode spectroscopique de SPHERE, en se basant sur l'analyse précédente pour construire le programme d'observation.

Deux demandes de temps d'observation similaires ont été soumises aux cycles P103 et P104 de l'ESO. La première n'ayant pas été acceptée tandis que la seconde si, je me concentrerais sur la description de cette dernière.

Objectifs observationnels Les objectifs décrits ci-après partent du principe que l'optique adaptative permettra d'atteindre une résolution angulaire proche de la limite de diraction du télescope, jusqu'à 26 mas à 1µm. Si tel est le cas, cette nouvelle observation fournira un spectre du noyau de NGC 1068 avec une résolution angulaire sans précédent dans l'infrarouge, a fortiori dans les bande Y et J, relativement peu étudiées. J'estime que l'application sur ce nouveau spectre des méthodes décrites dans le chapitre 2 apporterait des informations supplémentaires précieuses pour décrire l'environnement du c÷ur.

L'étude du continuum d'émission dans la région centrale notamment pourrait bé-nécier de cette amélioration de la résolution angulaire. Bien que la majorité du tore

de poussière reste non résolue même avec une résolution angulaire optimale (Rouan et al., 2019), il n'est pas exclu qu'une contribution étendue puisse être détectée. En eet, comme démontré avec des observations polarimétriques réalisées avec SPHERE dans les bandes H et K (Gratadour et al., 2015), une signature du tore étendu de dimensions 7 × 15 pc (0,21 × 0,39”) est présent autour du noyau. Rouan et al. (2019) décrivent une composante étendue en H, associée à de l'émission stellaire. La spectro-scopie pourrait permettre de distinguer une faible contribution du tore étendu dans sa direction équatoriale. Également, comme visible dans la gure 2.27a et comme dis-cuté dans la sous-section 2.4.3, la contribution de la lumière diusée au continuum d'émission, qui est à première vue maximale dans la région centrale, semble en fait atteindre un maximum local juste de chaque coté du tore de poussière. Néanmoins, la résolution angulaire obtenue est trop basse pour conclure de manière certaine sur cette observation. Enn, cette haute résolution angulaire donnerait de meilleures me-sures de l'astrométrie relative des diérentes structures observées, en particulier entre l'amas stellaire, le coeur de poussière et la région de gaz ionisé.

C'est justement pour l'étude des raies d'émission et de leur milieu émetteur que le gain en résolution angulaire devrait fournir les résultats les plus intéressants. En particulier, comme notamment mis en évidence dans Das et al. (2006) ou Exposito et al. (2011), aux plus petites échelles spatiales le gaz ionisé est vraisemblablement présent en partie sous la forme de nuages individuels, et non sous la forme d'un milieu totalement continu. Une meilleure résolution angulaire pourrait permettre d'isoler le spectre d'un ou plusieurs de ces nuages. Également, la mesure du décalage Doppler sur les raies d'émission a mis en évidence un vent radial avec une échelle spatiale caractéristique de l'ordre de la seconde d'angle. Néanmoins, comme visible sur la -gure 2.32a qui montre le décalage Doppler de la raie avec le meilleur rapport signal sur bruit (He I), des variations rapides de la vitesse mesurée se produisent dans la région la plus centrale. À peine détectées avec une résolution angulaire de 0,3", ces variations pourraient être nettement mieux caractérisées avec une résolution angu-laire dix fois supérieure. Leur étude pourrait mettre en évidence l'interaction du vent avec la matière environnante, ou bien les dynamiques diérentes de plusieurs nuages spatialement résolus.

Programme observationnel proposé An de remplir les objectifs proposés dans le paragraphe précédent, je propose un programme constitué de plusieurs observations spectroscopiques du c÷ur de NGC 1068, à deux résolutions spectrales diérentes, avec plusieurs orientations et positions pour la fente. Celles-ci sont présentées dans la gure B.1, où les images des fentes sur le ciel sont superposées à des images du noyau de NGC 1068 dans l'infrarouge. Les fentes appelées 1 et 2 croisent le photocentre et sont alignées avec respectivement l'axe polaire du tore étendu et la direction

perpendicu-laire à celui-ci. La fente 3 est positionnée exactement comme celle de l'observation

analysée dans le chapitre 2 : elle croise le photocentre et fait un angle de 12o avec

la direction nord-sud. Enn, la fente 4 ne croise pas le photocentre, mais les nodules observés légèrement au nord de celui-ci.

Figure B.1  Diérentes positions de la fente pour la programme proposé. La gure de gauche montre les positions 1 et 2 superposées à l'image présentée dans Gratadour et al. (2015). La gure de droite montre les positions 3 et 4 superposées à l'image déconvoluée du coeur de NGC 1068 dans la bande M présentée dans Gratadour et al. (2006).

Les fentes 1 et 2 sondent les deux directions privilégiées du noyau actif : les di-rections équatoriales et polaires. Elles serviront à caractériser le prol 2D de l'amas stellaire, et éventuellement du tore étendue. C'est pourquoi, en plus du mode MRS (Medium Resolution Spectroscopy, 0,95 − 1,65 µm, R ∼ 350), le mode LRS (Low Resolution Spectroscopy, 0,95−2,32 µm, R ∼ 350) sera utilisé. Pour l'étude du conti-nuum d'émission, la résolution spectrale de MRS n'est pas nécessaire, et le domaine spectral plus large oert par LRS (qui comprend la bande Ks) permettra de mieux caractériser les composantes tièdes (tore et étoiles froides). Le mode MRS servira prin-cipalement à l'étude du décalage Doppler des raies d'émission. Les positions de fente 3 et 4 quant à elles serviront principalement à étudier les nodules, petites structures dans la périphérie du tore détectées dans les bandes K et M, et associées à l'émission de raies d'émission coronales (Exposito et al., 2011). L'un des objectifs est donc de parvenir à isoler le spectre de ces nodules. La redondance de la position de la fente 3

entre les deux observations facilitera les comparaisons entre elles.

En plus de NGC 1068, des observations dans les deux modes (LRS et MRS) de l'étoile de calibration BD-00413 et d'une région du ciel vide de tout objet astronomique seront réalisées an d'étalonner les mesures.

Déroulement de l'observation La demande de temps d'observation a été accep-tée pour la période P104 dans le cadre du GTO du consortium SPHERE. L'obser-vation a été réalisée en mode visiteur dans la seconde moitié de la nuit du 29 au 30 octobre 2019. Malheureusement, les conditions atmosphériques se sont à nouveau rapidement détériorées. Comme nous pouvons le voir sur la gure B.2, qui montre l'évolution du seeing au cours de la nuit, l'observation qui a débuté à 05 :00 UTC a ra-pidement été perturbée par de la turbulence atmosphérique, avec un seeing dépassant largement 1" la majeure partie du temps d'observation.

Figure B.2  Évolution du seeing (courbe rouge) sur le site de Paranal au cours la nuit du 29 au 30 octobre 2019. L'observation a eu lieu en deuxième moitié de nuit, à partir de 05 :00 UTC.

L'importance des perturbations atmosphériques a donc à nouveau empêché l'ins-trument d'atteindre la limite de diraction du télescope. Néanmoins, la fente 3 a pu être observée dans le mode MRS avec un fonctionnement partiel de l'optique adapta-tive qui a mené à une résolution angulaire de 0,1", trois fois meilleure que celle de la précédente observation donc.

B.1.2 Résultats préliminaires

Une première analyse des données ne montre pas de réelle amélioration pour l'étude du continuum d'émission. En revanche, ce gain en résolution angulaire per-met d'approfondir l'étude des raies d'émission. J'évoque dans cette sous-section deux

résultats préliminaires de cette analyse des raies d'émission, qui portent sur le prol spatial d'émission et sur le décalage Doppler observé.

4 2 0 2 4 6

Distance to photocenter (arcsecond)

0 1 2 3 4 5 6 Flu x ( W .m 2.arc se co nd 1) 1e 10 (a) 4 2 0 2 4 6

Distance to photocenter (arcsecond)

0 2 4 6 8 Flu x ( W .m 2.arc se co nd 1) 1e 11 (b)

Figure B.3  Prols spatiaux avec une résolution de 0,1" de deux raies d'émission caractéristiques : (a) He I (c) [Si X]

La gure B.3a montre donc le nouveau prol spatial de la raie He I, à comparer avec la gure 2.31a pour la précédente observation. Nous pouvons remarquer que le maximum d'émission se situe toujours au niveau du photocentre, mais le gain en résolution angulaire permet de mettre en évidence deux maximums locaux dans la périphérie nord du noyau, à 0,35" et 0,75", le premier présentant un ux plus important. Le spectre présenté dans la gure B.4 montre les raies d'émission détectées à la position (+0,3" nord). Nous pouvons voir que cette région est responsable de l'émission de beaucoup de raies d'émission. Plus encore, comme visible dans la gure B.3b, la raie coronale [Si X] à 1430 nm n'est détectée qu'à ces deux positions. Nous pouvons donc les associer aux nodules responsables de l'émission de raies coronales analysés dans la bande K par Exposito et al. (2011). Le rapport entre les ux de He I et de [Si X] varie donc grandement d'une position à l'autre le long de la fente, mettant en évidence des conditions diérentes entre les deux régions, et possiblement des mécanismes d'ionisation distincts. Une analyse plus en profondeur de ces raies d'émission est à réaliser an de contraindre ces propriétés.

L'amélioration de la résolution angulaire permet également de sonder plus en détail la cinématique du milieu ionisé. La gure B.5 montre le décalage Doppler me-suré sur la raie de He I à diérentes positions de la fente, à comparer avec la gure 2.32a pour l'observation précédente. Comme nous pouvons le voir, des variations im-portantes sont observées sur des échelles spatiales relativement petites, et le schéma simple d'un outow uniformément accéléré jusqu'à la rencontre avec le milieu inter-stellaire qui avait été déduit ne permet plus de rendre compte du décalage observé. En particulier, la région la plus centrale semble être aectée d'un décalage vers le

1000 1200 1400 1600 1800

Wavelength (nm)

0 1 2 3 4

Flu

x (

W

.m

2

.m

1

)

1e 12

Figure B.4  Spectre en raies d'émission du nodule observé à 0,3" au Nord du photocentre

rouge important par rapport au gaz immédiatement environnant, qui n'était pas me-suré jusqu'ici. Également, les petites variations rapides observées dans la région nord sont conrmées par cette nouvelle observation. Puisque leur localisation coïncide avec celle du maximum d'émission de [Si X] il est vraisemblable qu'une cause commune soit à l'origine des deux observations, vraisemblablement l'interaction d'un nuage dense avec l'outow ou avec le jet radio.

4 2 0 2 4 6

Position relative to photocenter (arcsecond) 600 400 200 0 200 Re lat ive sp ec tra l p os iti on ex pr es se d in sp ee d (k m .s 1)

Cette première analyse promet des résultats intéressants. En particulier, la ca-pacité nouvelle d'isoler les spectres de deux nodules (qui semblent être responsables d'une part signicative de l'émission de raies) devrait permettre de contraindre les mécanismes d'ionisation et les conditions du milieu émetteur. Les variations du dé-calage Doppler de la raie He I, plus complexes que ce qui était prévu, devront être comparées à diérents modèles d'outow.

B.2 Préparation d'une demande d'observation avec