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Au-del`a de la loi de Dieterich-Ruina

1.3 R´eponses possibles

1.3.2 Au-del`a de la loi de Dieterich-Ruina

La seconde approche pour r´econcilier lois de frottement exp´erimentales et sismologiques consiste `a supposer qu’il existe sur les failles des processus d’adoucissement autres que ceux d´ecrits par la loi de Dieterich-Ruina. Cette approche n’implique pas que les processus d´ecrits par la loi de Dieterich-Ruina soient inactifs `a l’´echelle des failles. Comme nous l’avons vu, il est d’ailleurs probable que ces processus restent dominants au cours des petits s´eismes. Toutefois, cette approche consid`ere qu’au moins lors des grands s´eismes, il doit ´egalement exister d’autres m´ecanismes d’adoucissement, d’amplitude sup´erieure aux effets “`a la Dieterich-Ruina” et vraisemblablement associ´es `a des distances caract´eristiques d´ecim´etriques.

Dans la suite de manuscrit, c’est cette seconde approche que nous allons privil´egier pour tenter de r´esoudre le probl`eme de Dc. Nous voulons mettre en ´evidence exp´erimentalement l’existence de nouveaux m´ecanismes d’adoucissement. Compte tenu de la pr´edominance de la loi de Dieterich-Ruina dans quasiment toutes les ´etudes exp´erimentales existantes, cette recherche de nouveaux m´ecanismes d’adoucissement impose la conception de nouveaux proto-coles. Il convient d’explorer l’influence de param`etres peu ´etudi´es jusqu’`a pr´esent en tentant, si possible, de se rapprocher des conditions naturelles. Avant de passer `a la description de

la loi de Dieterich-Ruina au-del`a d’une certaine vitesse critique. D’autre part, il est probable que la conjugaison entre fortes vitesses et fort confinement puisse ´egalement entraˆıner une augmentation importante de la temp´erature le long de l’interface. Ceci pourrait activer de nouveaux m´ecanismes d’adoucissement caus´es, en particulier, par des processus de fusion locaux ou globaux [Rice, 1999]. Tsutsumi et Shimamoto [1997] ont atteint exp´erimentalement cette limite de fusion sous cisaillement en imposant des vitesse de l’ordre du m/s `a des ´echantillons de gabbro. Ils observent que l’apparition du liquide fondu est accompagn´ee d’une diminution de plus de 50% du coefficient de frottement effectif de l’interface.

Goldsby et Tullis [2002] d´ecrivent une ´etude dans laquelle ils ont impos´e des taux de glis-sement allant jusqu’`a quelques mm/s `a des ´echantillons de quartzite. `A ces vitesses, les effets thermiques restent n´egligeables dans leurs exp´eriences. Pourtant, ils rapportent ´egalement un fort effet d’adoucissement du frottement, d’amplitude compl`etement incompatible avec la loi de Dieterich-Ruina habituelle (Figure 1.9a). De plus, les m´ecanismes `a l’origine de cet adou-cissement semblent ˆetre activ´es exclusivement par le glissement de l’interface : la d´ecroissance du frottement n’est absolument pas affect´ee par l’application de p´eriodes d’arrˆet. Enfin, de fa¸con remarquable, on s’aper¸coit que cet adoucissement implique justement une distance ca-ract´eristique apparente Dc d’ordre d´ecim´etrique. Goldsby et Tullis [2002] attribuent ce nouvel effet `a la lubrification de l’interface par un gel de silice amorphe qui r´esulterait de la fractu-ration extrˆeme de fins d´ebris d’usure en pr´esence d’humidit´e. La possibilit´e d’extrapoler aux failles naturelles un tel m´ecanisme d’adoucissement reste une question ouverte.

D´echargement de l’interface. D’autres auteurs se sont int´eress´es `a l’´evolution du coeffi-cient de frottement au cours d’exp´eriences de slip-hold-slip modifi´ees [Nakatani , 1998; Karner et Marone, 1998, 2001]. Dans les exp´eriences classiques, la contrainte cisaillante `a l’interface varie tr`es peu durant les phases d’arrˆet (seul l’effet de fluage `a tendance `a provoquer une relaxation lente du coefficient de frottement : voir § 1.1.3). Au contraire, ces auteurs pres-crivent des d´echargements partiels ou totaux de la contrainte cisaillante durant les phases d’arrˆet qu’ils r´ealisent. Ils consid`erent un syst`eme constitu´e d’une fine couche de gouge plac´ee entre deux blocs de roche, et ´etudient la r´eponse du coefficient de frottement lors de la reprise du cisaillement apr`es ces phases d’arrˆet d´echarg´ees. [voir aussi les exp´eriences similaires de G´eminard et al., 1999; Losert et al., 2000].

On observe en premier lieu que l’amplitude du pic de frottement intervenant apr`es les phases d’arrˆet d´echarg´ees est notablement plus grande que dans les exp´eriences convention-nelles (Figure 1.9b). De plus, ce pic est d’autant plus fort que la contrainte r´esiduelle durant la phase d’arrˆet est faible. Karner et Marone [2001] rapportent ´egalement un effet d’adoucis-sement en temps : le pic de frottement a tendance `a diminuer avec le temps d’arrˆet impos´e.

Fig. 1.9 – (a) ´Evolution du coefficient de frottement en fonction du glissement au cours d’exp´eriences conduites avec des surfaces de quartzite. La vitesse de glissement appliqu´ee v est de 3.2 mm/s et la pression de confinement de 28 ou 112 MPa [figure extraite de l’article de Goldsby et Tullis, 2002]. (b) ´Evolution du coefficient de frottement effectif et de l’´epaisseur de la couche de gouge au cours d’une exp´erience de cisaillement d’une gouge synth´etique (sable de quartz) [figure extraite de l’article de Karner et Marone, 2001]. La vitesse de cisaillement v est de 10 µm/s et et la pression de confinement de 25 MPa. L’exp´erience composite pr´esent´ee implique des phases d’arrˆet conventionnelles (C-SHS) de dur´ees variables entre 10 s et 10000 s, et des phases d’arrˆet avec d´echargement partiel ou total de l’interface (SHS) de dur´ees ´egales `a 100 s.

Dans les exp´eriences de Nakatani [1998], au contraire, le pic semble ind´ependant du temps d’arrˆet. Quoi qu’il en soit, ces auteurs remarquent tous que le comportement observ´e apr`es les phases d’arrˆet d´echarg´ees est incompatible avec la loi de frottement de Dieterich-Ruina classique.

Pour Karner et Marone [2001] comme pour Nakatani [1998], cette r´eponse atypique est li´ee `a des m´ecanismes sp´ecifiquement granulaires de consolidation et de r´eorganisation intervenant dans la couche de gouge lors des d´echargements. On remarque ´egalement que ces m´ecanismes semblent impliquer des distances caract´eristiques sup´erieures `a celles observ´ees durant les exp´eriences habituelles. Comme le montre la Figure 1.9b, le r´e-adoucissement du frottement apr`es les pics intervient sur des glissements de l’ordre de plusieurs mm. Ces observations permettent de tirer une conclusion provisoire quant `a l’applicabilit´e de la loi de Dieterich-Ruina en pr´esence de gouge. Comme le soulignent Karner et Marone [2001], cette loi est bien adapt´ee pour d´ecrire la r´eponse `a de petites perturbations, mais semble prise en d´efaut d`es que le syst`eme est plac´e dans une situation suffisamment ´eloign´ee de son ´etat d’´equilibre.

Comme nous le verrons (chapitre 3), un nouveau m´ecanisme d’adoucissement impliquant des distances caract´eristiques d´ecim´etriques apparaˆıt dans nos exp´eriences. Ceci nous a permis de formuler une nouvelle loi de frottement g´en´eralisant la loi classique de Dieterich-Ruina. Les pr´edictions de notre loi, particuli`erement en termes d’´energie de fracture lib´er´ee durant le glissement, s’av`erent en tr`es bon accord avec les observations sismologiques. En outre, nous disposons ´egalement de photos permettant d’´etudier localement l’accommodation de la d´eformation dans nos ´echantillons (chapitre 4). Nous avons pu en d´eduire une interpr´etation physique rendant compte du nouveau m´ecanisme d’adoucissement observ´e. En particulier, nous montrerons que ce m´ecanisme est li´e `a des effets de relaxation lente intervenant hors de la bande de cisaillement fortement d´eform´ee. Autrement dit, l’´epaisseur m´ecanique effective de nos ´echantillons est beaucoup plus grande que ne le sugg`ere la microstructure. Finalement, sur la base d’observations de terrain, nous avons tent´e d’extrapoler nos r´esultats exp´erimentaux en proposant un mod`ele simple de fonctionnement m´ecanique des zones de faille (chapitre 5).

aux limites impos´ees aux ´echantillons et insister sur les particularit´es de nos exp´eriences par rapport aux ´etudes ant´erieures. Certains aspects plus techniques concernant la fabrication des ´echantillons, la chaˆıne de commandes et d’acquisition, ainsi que le logiciel de pilotage de la machine seront ´egalement abord´es. Finalement, nous r´ecapitulerons les diff´erents mat´eriaux que nos avons utilis´es et les diff´erents essais r´ealis´es.

2.1 L’Appareil de Cisaillement Simple Annulaire (ACSA)