• Aucun résultat trouvé

LES DISPOSITIFS HYBRIDES

Scénario 1 : Présentiel enrichi par l'usage de supports multimédias

5.2.1.5 Le degré d’ouverture du dispositif

« L’ouverture renvoie à un ensemble de dispositifs flexibles et autonomisants dont la principale propriété est d’ouvrir à l’apprenant des libertés de choix pour qu’il puisse exercer un contrôle sur sa formation et sur ses apprentissages » (Jézégou, 2006 : 1).

Cette dimension fait référence à l’utilisation d’un environnement technopédagogique et au degré d’ouverture du dispositif. Il concerne la liberté de l’apprenant face aux situations d’apprentissage qui est étroitement liée à son niveau d’autonomie. Selon Jézégou (2008), ce degré face au dispositif peut se diviser en trois logiques : dans la première, l’apprenant organise ses apprentissages ; dans la deuxième, le dispositif définit les situations d’apprentissage ; et dans la troisième, les situations sont déterminées par l’enseignant et l’apprenant.

Dans la première logique, le dispositif met à la disposition de l’apprenant des ressources pour qu’il les choisisse selon ses objectifs et ses méthodes et qu’il détermine ses situations

98 Cette analyse a donné origine à la publication du n°6 de « Questions et recherches » des Éditions de l'École normale supérieure de Lyon.

134

d’apprentissage (Jézégou 2008). Ce type de dispositif est qualifié par l’auteur comme « hautement ouvert » étant donné son intervention presque inexistante vis-à-vis des apprenants. Dans la deuxième logique, c’est le dispositif qui impose les situations d’apprentissage sans laisser aucune liberté de choix aux apprenants (Ibid., 2008). Ce dispositif est « fermé » car le contrôle pédagogique sur les apprenants est total.

Dans la troisième logique, le dispositif et l’apprenant déterminent les situations d’apprentissage par des négociations selon les ressources et les conditions limitées en présentiel (Ibid., 2008).

Il peut se trouver des dispositifs ayant différents degrés d’ouverture, du plus fermé à celui hautement ouvert, selon la liberté de choix attribuée aux apprenants et selon les éléments et les facteurs qui déterminent les situations d’apprentissage.

Ce concept d’ouverture nous intéresse particulièrement, car il est étroitement lié au concept d’autonomie des apprenants. La liberté des choix sur la disposition des ressources et sur les moyens fournis par le dispositif est déjà une condition favorable au développement de l’autonomie.

Toujours pour Jézégou (2008), les environnements médiatisés « fermés » obéissent à une logique d’hétérostructuration qui limite l’expression de l’autonomie des apprenants. Ce sont des environnements pédagogiques ne permettant pas de variations structurelles possibles. La navigation est limitée car les guidages pour l’apprentissage, les évaluations et les communications se font dans des conditions rigides. En revanche, les environnements médiatisés ouverts répondent aux différents styles cognitifs, car les supports permettent une libre navigation et les médias intégrés suivent une logique complémentaire. Ils obéissent à une logique d’auto-structuration permettant à l’apprenant de structurer ses situations d’apprentissage. « Une telle logique d’auto-structuration est d’autant plus consolidée lorsque ces environnements s’intègrent dans un dispositif de formation fondé sur une démarche d’individualisation à visée autonomisante » (Jézégou, 2006 : 9).

Une dynamique d’auto-structuration favorise l’exercice et le développement de l’autonomie des apprenants ; nonobstant, les formations libérées de toute contrainte ne servent pas la cause de

135

l’autonomisation (Ibid, 2006). Comme nous le verrons plus tard, autonomie ne veut pas dire individualisme ou isolement.

Pour évaluer le niveau d’ouverture de notre dispositif, nous allons nous baser sur le processus proposé par Jézégou (2009). L’auteur propose des étapes dans une Grille d’Évaluation de l’Ouverture D’un Environnement éducatif ou GEODE. Elle part de 14 composantes distribuées en trois catégories que nous résumons dans le tableau suivant :

Catégories Composantes

Spatio-temporelle accès, lieu, temps, rythme

Pédagogique objectifs, cheminement, séquence, méthodes, format, contenus, évaluation

Communication éducative médiatisée supports d'apprentissage, outils de communication, ressources humaines

Tableau 18 : Catégories et composantes pour évaluer le degré d’ouverture d’un environnement éducatif (Jézégou, 2009)

Chaque catégorie regroupe, selon sa nature, les composantes du dispositif.

Pour calculer la proportion des modalités d’apprentissage, il suffit de diviser le nombre d’heures assignées à chaque modalité, de les multiplier par 100 pour obtenir un pourcentage et de diviser ensuite le résultat par le nombre total d’heures du cours. Comme exemple, imaginons un cours ayant une durée totale de 64 heures, il y a 32 h de travail d’autoformation assistée, aucune heure de travail dirigé à distance et 32 h de travail en présentiel :

Travail d’autoformation assistée = (32 x 100) / 64 = 50 % Travail dirigé à distance = (0 x 100) / 64 = 0 %

Travail en présentiel = (32 x 100) / 64 = 50 %

Selon cet exemple, ce dispositif comporte 50% de travail d’autoformation assisté et 50 % de regroupement. Cette valeur peut aussi s’exprimer si 100 % équivaut à l’unité. Ainsi 50% est 0.5 de l’unité, autrement dit la moitié.

Modalité d’apprentissage Nombre d’heures Proportion

136

Travail dirigé à distance (communication synchrone (numéro d’heures x 100) / 64 Regroupement (travail en présentiel) (numéro d’heures x100) / 64

TOTAL 64 100%

Tableau 19 : Proportion des modalités d’apprentissage selon le nombre d’heures de la formation à manière d’exemple.

Pour évaluer le niveau d’ouverture du dispositif, il faut connaitre celui de chaque composante et cette information nous permettra aussi de connaitre celui de chaque catégorie.

L’auteur propose, dans ce but, le questionnaire suivant dont le score correspond à une valeur entre 0 et 4, selon la liberté de choix des apprenants dans chaque composante. Les valeurs à choisir vont de (0) pour aucune liberté de choix jusqu’à (4) pour une liberté totale.

137

N° de composante

GEODE:

Modalité 1 d'apprentissage de l'environnement éducatif Pas du tout libre : 0 Pas vraiment libre : 1 Moyen- nement libre : 2 Plutôt libre : 3 Tout à fait libre : 4

1 L’accès : L'apprenant est-il libre d'accéder à la formation au moment qui lui convient le

mieux ?

2 Le lieu : L'apprenant est-il libre de choisir les (le) lieu(x) les plus adaptés à ses possibilités

pour se former ?

3 Le temps : L'apprenant est-il libre de choisir ses horaires en fonction de ses disponibilités ?

4 Le rythme : L'apprenant est-il libre de choisir le rythme qui lui convient le mieux pour se

former ?

5 Les objectifs : L'apprenant est-il libre de choisir les objectifs à atteindre au travers de sa

formation et de ses apprentissages ?

6 Le cheminement : L'apprenant est-il libre de choisir le cheminement d'apprentissage qui lui

convient le mieux ?

7 La séquence : L'apprenant est-il libre de

choisir le séquencement ou l'ordre de succession des activités pédagogiques ?

8 Les méthodes : L'apprenant est-il libre de choisir les méthodes pédagogiques qui lui

conviennent le mieux (conventionnelles, actives, etc.) ? 9 Le format : L'apprenant est-il libre de

choisir de travailler seul, à deux ou en groupe ?

10 Les contenus : L'apprenant est-il libre de choisir les contenus théoriques et/ou pratiques qui

lui conviennent le mieux ?

11 Les supports : L'apprenant est-il libre de choisir les supports d'apprentissage qui lui

conviennent le mieux (polycopiés, ouvrages, textes numérisés, vidéo et/ou audio en ligne ou non, etc.) ?

12 L'évaluation : L'apprenant est-il libre de choisir les modalités d'évaluation de sa formation

et de ses apprentissages ?

13 Les outils de communication : L'apprenant est-il libre de choisir les outils qui lui

conviennent le mieux pour, si besoin, communiquer et interagir avec les formateurs et les autres apprenants (téléphone, messagerie, forum, chat, wiki, etc.) ?

14 Les personnes-ressources : L'apprenant est-il libre de choisir les personnes-ressources qui

lui conviennent le mieux pour l'aider dans sa formation et dans ses apprentissages ?

138

Pour calculer le degré d’ouverture d’un dispositif, il faut connaitre la valeur choisie de 0 à 4 selon le questionnaire et le coefficient de pondération donné à chaque composante, car toutes n’ont pas le même degré d’importance. Le tableau ci-dessous le montre plus clairement :

Les trois catégories des composantes Composantes associées Valeur choisie (A) Coefficient de pondération (B) Score C = (AxB) Score (D) maximum possible Degré d’ouverture = (C/D) x 100 Composantes Spatio-temporelle Composantes pédagogiques accès 3.5 14 lieu 3.4 13.6 temps 3.2 12.8 rythme 3.2 12,8 objectifs 2.8 11.2 cheminement 3.2 12.8 séquences 2 8 méthodes 2.8 11.2 format 2.9 11.6 contenu 1.6 6.4 évaluation 1.8 7.2 Composantes de la communication éducative médiatisée Supports d’apprentissages 3 12 Outils de communication 2.8 11.2 Ressources humaines 3.2 12.8 Environnement éducatif somme 39.4 157.6 Degré d’ouverture du dispositif

Tableau 21 : Grille finale pour calculer le degré d’ouverture du dispositif hybride (Jézégou, 2009).

A = valeur choisi dans le questionnaire précédent (0,1, 2, 3, 4)

B = coefficient pondéré assigné selon le degré d’importance de chaque composante

C = score obtenu, qui est le résultat de la multiplication de la valeur (A) par le coefficient pondéré (B)

D = score maximum, qui est le résultat de la multiplication du coefficient par 4, ou choix maximum.

Le degré d’ouverture de chaque composante et de l’environnement en pourcentage est le résultat de la division du score (C) par le score maximum (D) et de sa multiplication par 100. Ces valeurs permettent la représentation graphique et pour autant une appréciation visuelle des niveaux d’ouverture de chaque composante et de leur relation de proportionnalité.

139

Pour connaitre le degré d’ouverture de chaque catégorie, il suffit de calculer la proportion entre la somme des scores obtenus des composantes de chaque catégorie et celle des scores maximums. Si on veut la valeur en pourcentages, il suffit de multiplier par 100. La grille suivante résume cette information.

Catégories des composantes Somme des scores obtenus

Somme des scores maximum possibles des composantes Degré d’ouverture spatio-temporelles Pédagogiques communication éducative médiatisée

Tableau 22: Grille du degré d’ouverture de chaque catégorie (Jézégou, 2009).

Nous pouvons finalement définir le dispositif selon la typologie des environnements éducatifs en fonction de leur degré d’ouverture, selon Jézégou (2009), en consultant le tableau suivant :

Degré d'ouverture en % Typologie d'environnement éducatif 100 ≥ score > 90 hautement ouvert +

90 ≥ score > 80 hautement ouvert 80 ≥ score > 70 hautement ouvert - 70 ≥ score > 60 moyennement ouvert + 60 ≥ score > 50 moyennement ouvert 50 ≥ score > 40 moyennement ouvert - 40 ≥ score > 30 peu ouvert +

30 ≥ score > 20 peu ouvert 20 ≥ score > 10 peu ouvert -

10 ≥ score Fermé

Tableau 23 : Typologie des environnements éducatifs selon le degré d’ouverture (Jézégou, 2009 : 94)

Pour faire le bilan, nous pouvons dire que tous ces éléments théoriques nous permettent de nous appuyer sur les dimensions et les composantes de la typologie présentée par Peraya et Peltier (Deschryver, 2012) pour décrire notre dispositif.

Le tableau suivant récapitule cette typologie : il présente les six types de dispositifs hybrides selon la fréquence d’apparition des 14 composantes.

Dimension Numéro de la Composante

Intitulé de la composante

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Type 5 Type 6

140

présence/distance active des étudiants en présence

sollicitée fréquente importante quand existante fréquente Comp2 Participation active des étudiants à distance Activités non scénarisées Activités non scénarisées Prises en considération mais non scénarisées Activités scénarisées (groupe) Activités scénarisées (individuelles et de groupe) Activités scénarisées (individuelles et de groupe)

Médiatisation Comp3 Mise à disposition d’outils d’aide à l’apprentis- sage

Non Non Non Fréquente Peu fréquente Fréquente

Comp4 Mise à disposition d’outils de gestion, de communication et d’interaction

Non Rare Oui (surtout gestion)

Fréquente Fréquente Fréquente

Comp5 Médiation Non

(ressources textuelles) Oui Ressources textuelles intégrant des plages visuelles

Fréquente Occasionnelle Fréquente

Comp6 Travaux sous forme multimédia

Non Possible Rare Rare Occasion- nelle

Fréquente

Comp7 Utilisation d’outils de communication

Non Non Rare Oui Non Fréquente

Comp8 Possibilité de commentaire et d’annotation des documents

Non Non Non Oui Non Fréquente

Médiation Comp9 Objectifs réflexifs et relationnels

Non Avis partagés Mitigés Oui en lien avec les dispositifs technologiques

Mitigés Avis favorable en lien avec les dispositifs technologiques Accompagne-ment Comp10 Accompagnement méthodologique par les enseignants

Rare Rare Assez rare (remplacé par les outils de gestion)

Assez souvent Assez fréquent

Fréquent

Comp11 Accompagnement métacognitif par les enseignants

Rare Occasionnelle Assez rare (remplacé par les outils de gestion)

Fréquent Fréquent Fréquent

Comp12 Accompagnement par les pairs

Rare Rarement Assez rare (remplacé par les outils de gestion)

Assez souvent Assez fréquent

Fréquent

Comp13 Choix de liberté des méthodes pédagogiques

Non Partagé Assez rare Faible Assez grande Grande

Ouverture Comp14 Recours aux ressources et acteurs externes

Rare Occasionnel Occasionnel Parfois Assez fréquent

Fréquent

Tableau 24 : Comparaison des six types de dispositifs selon la fréquence d’apparition de chaque composante (Peraya et Peltier, 2012 : 80-81).

Nous pouvons voir dans l’ensemble que les composantes : « distance », « utilisation des ressources externes » et « liberté des choix des apprenants » des configurations des types 4, 5 et 6 sont plus importantes que dans les configurations des types 1, 2 et 3. Il est aussi remarquable que, dans les types 4, 5 et 6, « les activités de groupe », « l’utilisation des outils », « l’interaction », « la communication synchrone » et « la collaboration » coexistent simultanément.

141

À partir du type 5, « la participation active des étudiants » est supérieure, ce qui favorise leur engagement vis-à-vis des activités proposées. En ce qui concerne « l’accompagnement », il se développe de manière particulière à partir du type 4, car, pour les trois premiers types, cet accompagnement se fait en présence et de manière moins organisée.

Les auteurs ont conclu que, pour les trois premiers types, le rôle principal est celui de l’enseignant car la participation des étudiants est plutôt rare, l’approche pédagogique est orientée vers les contenus et les activités distantes ne sont ni scénarisées ni organisées. En revanche, pour les types 4, 5 et 6, le rôle principal est celui de l’apprenant car l’approche pédagogique est orientée vers l’apprentissage et les activités distantes sont organisées et scénarisées. Étant donné les caractéristiques au sein de ces trois derniers types, il y a des différences concernant la médiation attendue, les ressources, la liberté des choix, la participation des étudiants et l’utilisation des outils de communication synchrone et de collaboration.

5.4 Conclusion du chapitre

Nous avons abordé dans ce chapitre la définition du dispositif hybride de formation qui provient de l’innovation de la mise à distance partielle d’une formation en présentiel. Nous parlons donc d’ « hybrider », mais cette hybridation n’est pas invariable car elle va dépendre de plusieurs facteurs déterminés par les conditions et les dispositions des ressources humaines et matérielles. De ce fait, on pourrait dire que chaque dispositif a sa propre configuration. La manière d’agencer cette alternance des séances en présentiel et à distance dépend des besoins ; les séances en présentiel peuvent ainsi être consacrées à traiter de contenus et/ou de compétences différentes, ou à reprendre autrement ceux qui ont été abordés en ligne, mais, dans tous les cas, comme le signale Nissen, (2007), en cherchant à se centrer sur l’apprenant.

Pour décrire de manière systématique notre dispositif, nous nous sommes basée sur la typologie proposée par Peraya et Peltier (Deschryver, 2012), qui décrit six différents types de dispositifs hybrides selon cinq dimensions : la mise à distance et les modalités d’articulation des phases présentielles et distantes ; l’accompagnement humain ; les formes particulières de médiatisation et de médiation et le degré d’ouverture du dispositif. La mise à distance et l’articulation des phases présentielles et distantes sont abordées selon la distribution proposée par COMPETICE sous cinq formes de combinaison, où la proportion va d’une légère participation à distance

142

jusqu’à la presque disparition de la composante présentielle. L’accompagnement humain fait référence aux fonctions du tuteur, selon plusieurs disciplines, pour guider et soutenir les apprenants lors des conflits suscités par l’innovation. La médiation et la médiatisation sont deux processus fortement liés qui se rapportent à la mise en route et à l’utilisation adéquate des ressources multimédia ou technologiques. Finalement, le degré d’ouverture du dispositif concerne la disposition des éléments qui caractérisent le dispositif et la liberté octroyée aux apprenants pour les choisir.

Dans le chapitre suivant, nous aborderons le concept d’autonomie chez les apprenants et ses caractéristiques, ainsi que son importance dans les formations hybrides. Dans la culture éducative colombienne, les étudiants ne sont pas habitués à travailler de manière autonome. Étant donné que les dispositifs hybrides se caractérisent par l’absence physique partielle de l’enseignant et que les apprenants doivent être plus ou moins autonomes, il nous faut penser à une pédagogie favorable au développement de l’autonomie. Dans notre cas, nous sommes conscientes que, dans l’éducation supérieure, l’autonomie n’est pas seulement une exigence mais une fin. « La finalité de tous les processus d’apprentissage, notamment dans l’enseignement supérieur, est le développement de l’autonomie » (Manderscheid, 2007 : 50). L’éducation supérieure, comme étape de préparation à la vie professionnelle et d’adulte indépendant, doit veiller à ce que les étudiants soient capables d’agir face aux situations d’apprentissage.

143

CHAPITRE VI :