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Degré d'une application lisse

Dans le document Le degré de Brouwer (Page 31-38)

5 Le degré de Brouwer

5.4 Degré d'une application lisse

Nous avons désormais tous les outils nécessaires pour faire la dénition suivante.

Dénition 5.4.1 : Soient M et N des n-variétés lisses, sans bord, et orientables. On supposeM compacte etN connexe. Soit égalementf :M → N une application lisse. Soit x ∈ M un point régulier tel que dfx : T Mx → T Nf(x) soit un isomorphisme entre espace vectoriels de dimension n. On dénit le signe sgn dedfx comme étant égal à 1 si dfx préserve l'orientation et −1sinon. Alors pour toute valeur régulière y∈N, on pose :

deg(f;y) = X

x∈f−1(y)

sgn(dfx)

qui est le dégré de Brouwer l'application f au point y. Comme #f−1 est localement constante sur les valeurs régulières, alorsdeg(f;y)l'est aussi (voir [4, V.4.3])

Le résultat principal qui rend cet outil aussi intéressant est le suivant : deg(f;y) ne dépend pas de la valeur régulière y choisie. On parlera alors simplement de deg(f). De plus, le degré est invariant par homotopie lisse.

Pour prouver ces résultats on va énoncer et démontrer les lemmes qui suivent.

Lemme 5.4.2 : Supposons que M soit le bord d'une variété compacte et orientable X, et que M soit orientée en tant que bord de X comme on l'a vu précedemment. Soit f : M →N lisse. Si il existe F :X → N lisse telle que F|M =f, alors deg(f;y) = 0 pour toute valeur régulière y∈N.

Preuve : On va dénommer toutes les orientations que l'on utilise. Consi-dérons donc une orientation π de X qui induise une orientation µ sur le bord M = ∂X avec les conventions de la dénition 5.3.1. Soit y une valeur régulière deF et def =F|M. D'après la proposition 3.2.7,F−1(y)est une va-riété à bord de dimension 1, c'est à dire, d'après le théorème de classication 3.3.1.1, une réunion d'arcs et de cercles. De plus les cercles sont contenus dans X\M, et les extremités des arcs sont dans M. Soit A un tel arc, et notons ∂A={a, b}. On va montrer dans un premier temps que

sgn(daf) +sgn(dbf) = 0 Pour tout x∈A, d'après la proposition 3.1.3, on a

TxA=ker(dxF)

où dxF : T Xx → T Ny. De plus pour on peut restreindre cette application à n'importe quel sous-espace supplémentaire pour en faire un isomorphisme d'espaces vectoriels. Soit donc x∈A, et considérons une base

[v1(x), v2(x), ..., vn+1(x)]

de T Xx telle que :

-v1(x)∈T Ax et ||v1(x)||= 1

-[v1(x), ..., vn+1(x)]détermine une orientation de X enx, que l'on notera πx.

-[dxF(v2(x)), ..., dxF(vn+1(x))]donne une orientation de N eny, que l'on notera y.

On a alors que le champ de vecteurs{v1(x)}x∈A donne une orientation de A. De plus, d'après la proposition 3.2.7, on a que

T Xa=T Aa⊕T Ma

et

T Xb =T Ab⊕T Mb

donc v1(a) etv1(b) sont des vecteurs tangents à X. Sans perte de géneralité on suppose que v1(a) soit sortant. Alorsv1(b) est rentrant et

[v2(a), ..., vn+1(a)]

et

[v2(b), ..., vn+1(b)]

déterminent des orientations que l'on notera respectivementµaetµb. D'après la dénition 5.3.1 (la convention du premier vecteur sortant), les orientations µa et µb sont contraires. De plus, comme

daf =daF|T Ma et

dbf =dbF|T Mb

on a que daf envoie l'orientationµa sur l'orientationaetdbf envoie l'orien-tation µb sur l'orientation b. Cependant les orientations a et b sont les mêmes, alors que µa et µb sont opposées. On a donc forcément que

sgn(daf) =−sgn(dbf) et le résultat suit.

Notons maintenant A1, ..., Ak tous les tels arcs de F−1(y). On a ∂Ai = {ai, bi}, et pour touti,v1(bi)sera sortant etv1(ai)sera rentrant. En sommant sur tous ces arcs, et par ce qui précède, on a

deg(f;y) =

k

X

i=1

sgn(dfai) +

k

X

i=1

sgn(dfbi) = 0

Considérons maintenant le cas de y0 ∈ N qui soit une valeur régulière pour f mais pas pourF. L'application deg(f;y)est constante sur un voisinageU de y0, donc

deg(f;y0) = deg(f;y)

En choisissant une valeur régulière y de F dans U (qui existe d'après le théorème 2.4.1) on peut se rammener au premier cas, et

deg(f;y0) = deg(f;y) = 0 ce qui achève la preuve.

Supposons désormaisf ∼g, et soitF : [0,1]×M →N l'homotopie lisse entre f et g.

Lemme 5.4.3 : Pour toute valeur régulièrey ∈N de f et g, on a deg(g;y) = deg(f;y)

Preuve : Considérons la variété (à bord) produit[0,1]×M. Alors

∂([0,1]×M) = (0×M)∪(1×M)

Posons h=F|∂([0,1]×M). On remarque queh|M×0 =f, et que h|M×1 =g. En particulier, le lemme 5.4.2 nous donne que deg(h, y) = 0. De plus, on a déjà vu en 5.3.4 que l'orientation induite sur le bord de [0,1]×M est telle que 1×M et0×M aient des orientations opposées. On a alors

deg(h, y) = deg(f, y)−deg(g, y) = 0 et le résultat suit

Théorème 5.4.4 : L'entierdeg(f;y)ne dépend pas du choix de la valeur régulière y.

Preuve : On raisonne comme dans la section 4 : soient y, z deux valeurs régulières pour f : M → N. Alors il existe un diéomorphisme h :N → N isotope à l'identité tel queh(y) = z. Comme l'identité préserve l'orientation, par le lemme précédent hdoit la préserver aussi. En particulier il n'inuence pas le degré :

deg(f;y) =deg(h◦f;h(y))

Cependant on a f ∼h◦f eth(y) =z donc par le lemme précédent deg(h◦f;z) =deg(f;z)

Ainsi,

deg(f;y) = deg(f;z)

et on a le résultat.

Ceci implique en outre le résultat suivant.

Théorème 5.4.5 : Si f ∼g, alors deg(f) =deg(g).

Preuve : Par le lemme qui précède, si f ∼ g, on a deg(g;y) = deg(f;y) pour toute valeur régulière commune y. Mais le théorème précédent nous donne quedeg(f;y)etdeg(g;y)ne dépendent pas dey, d'oùdeg(g) = deg(f).

L'indépendance vis-à-vis du choix de valeur régulière rend la manipulation du degré bien plus souple. On a par exemple le résultat suivant.

Proposition 5.4.6 : deg(g◦f) = deg(g)deg(f)

Preuve : Notons que l'application sgn est multiplicative : en eet elle ne dépend que du jacobien, et le déterminant est lui-même multiplicatif. On a alors

Le passage entre les deux dernières lignes étant bien sûr dû au fait que le degré ne dépend pas de la valeur régulière choisie.

Remarque 5.4.7 : Un diéomorphismef :M →N aura toujours degré +1 ou −1 (car c'est une bijection), en fonction de si il préserve ou change

l'orientation. En particulier ceci implique qu'un diéomorphisme d'une va-riété lisse et sans bord qui change l'orientation ne peut pas être lissement homotope à l'identité (car le degré est invariant par homotopie, et+16=−1).

Exemple 5.4.8 : La réexion ri :Sn →Sn donnée par ri(x1, ..., xn+1) = (x1, ...−xi, ..., xn+1) est un diéomorphisme de degré −1.

Exemple 5.4.9 : L'application antipodalea:Sn→Sn donnée par (x1, ..., xn+1)7→(−x1, ...,−xn+1)

peut-être réecrite comme la composition de n+ 1 réexionsri. En eet r1◦...◦rn+1(x1, ..., xn+1) = (−x1, ...,−xn+1)

En particulier, la proposition 5.4.6 nous donne que

deg(a) =

n+1

Y

i=1

deg(ri) = (−1)n+1 On a alors le résultat suivant.

Proposition 5.4.10 : Si n est un entier pair, alors l'application antipo-dale a:Sn→Sn n'est pas homotope à l'identité.

Preuve : Si n est pair, alors deg(a) = (−1)2k+1 =−1, mais deg(Id) = 1. Le degré étant invariant par homotopie on a le résultat.

Le jeu sur l'application antipodale/points antipodaux s'avère être d'une grande richesse. On a par exemple le théorème du point xe suivant (on peut faire le lien avec le théorème de Brouwer entre Dn et lui-même).

Théorème 5.4.11 : Soit f :Sn→Sn une application lisse. Si deg(f)6=

(−1)n+1, alors f admet un point xe.

Preuve : On va montrer la contraposée. Supposons alors quef n'admette pas de point xe. Notons a l'application antipodale a:Sn →Sn. D'après la proposition 4.1.5, on a f ∼a car pour tout x∈Sn,

||f(x)−a(x)||=||f(x)−(−x)||<2

En eet si ça n'était pas le cas, il existerait un x0 ∈Sn tel que

||f(x0)−(−x0)||= 2

ce qui revient à dire que f(x0) =x0 car seul les points antipodaux ont cette propritété : ceci contredit l'hypothèse selon laquelle f n'a pas de point xe.

Ainsi f et a sont homotopes. En particulier

deg(f) = deg(a) = (−1)n+1

On a également la proposition suivante. La démonstration est particuliè-rement enrichissante.

Proposition 5.4.12 : Soit f : Sn → Sn une application lisse de degré impair. Alors f envoie une paire de points antipodaux sur une autre paire de points antipodaux, autrement dit il existe x∈Sn tel que f(x) =−f(−x).

Preuve : On montre la contraposée. Supposons qu'aucune paire antipodale soit envoyée sur une autre paire antipodale, i.e. f(x) 6= −f(−x) pour tout x∈Sn. Clairement

||f(x)−f(−x)||<2

et on a déjà vu en 4.1.5 que ceci impliquait l'existence d'une homotopie lisse entre f(x) etf(−x)de la forme

F(x, t) = tf(x) + (1−t)f(−x)

||tf(x) + (1−t)f(−x)||

On remarque de plus que en t= 1/2, on a F(x,1/2) = f(x) +f(−x)

||f(x) +f(−x)|| =g(x)

Soit y une valeur régulière de g. Par symétrie, si x ∈ g−1(y), alors −x ∈ g−1(y). Ainsi les points réguliers de g viennent par paires. On a alors que

deg(g;y) = X

x∈g−1(y)

sgn(dgx)≡0[2]

En eet le cardinal de g−1(y) sera pair, et sommer un nombre pair de+1 et de −1donnera un nombre pair, d'où deg(g)≡0[2]. En particulier, comme

f(x)∼g(x)∼f(−x) , on a deg(f) =deg(g), et f est de degré pair.

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