man-teau).
D’après les renseignements recueillis par Mouliéras
levrai
nom
du saint seraitAboû
Yezîd el-Maçrî(l’Egyp-tien).
Son surnom
deBoû-Selhàm
(l’homme au burnous) serait dû à ce vêtement spécial -, habituel auxmusulmans
de l’est, qu’il avait continué de porter au Maroc, en dépit de la
coutume
des Marocains qui revêtent tous lajellâba, granderobedelaineaveccapuchon et decourtes manches.Egyptien de naissance, Sîdî
Boû-Selhàm
était parti, dit-on, des bords du Nil, avait suivi le rivage de laMédi-terranée, et, après avoir traversé le Rîf, qui ne lui plai-sait pas, était venu s’établir sur les bords de l’Atlantique à l’endroit où se dresse aujourd’hui son mausolée. C’est là qu'il
demeura
jusqu’à sa mort. L’époque à laquelle il a vécu est tout à fait inconnue.Le
dervicheMoh'ammed
ben T’ayyeb a raconté à .Mouliéras une autre version delà légende del’Ez-Zerga^.D’après cette variante intéressante de la tradition
popu-laire, le saint, à peine arrivé à l’endroit où se trouve au-jourd'hui l’Ez-Zerga, se mit à faire ses ablutions dans la
mer.
Témoin
dufait, unsaint de la contrée Sîdî t’-T'eyyar interpella l’étranger d’un ton méprisant : «Eh!
l'homme,tu es assurément de basse extraction !
Quand
jeveux faire‘ .V. Moui.iéras, Maroc inconnu, t. II, p. 553 s.
- Le selhàm est un manteau d’une seule pièceen laine avec capuchon, mais sans manches.
^ .A.Mouliéras, Maroc inconnu,t. II, p. jj5 s.
CULTE DES SAINTS
MUSULMANS
53mes
ablutions, les vagues de l’océan viennentd’elles-mêmes
jusqu’à moi, pourme
laver. »Boû-Selhâm,
sous l’injure, se releva plein de dignité et répondit : « Puisque tu parles ainsi, je jureque la mer, par la puissance d’Allâh,montera
jusqu’à Fez, etque
lesfilles de la cité viendront s’y baigner. »
Gravissant la
dune
en laissant traîner son bâton, le saint s’avançait vers l’intérieur du pays, et, àmesure
qu’ilmarchait, les eaux de l’océan le suivaient pas à pas, et en-vahirent bientôt la dépression où se trouve maintenant l’Ez-Zerga.
C’est alors qu’une sainte Lâlla
Mîmoûna
Tagnaout, se tournant du côté de la ville deMoûlaye
Idrîs, fit avec lamain
des signaux désespérés. Aussitôt deux bellesdames
de Fez apparurentet descendantla bergedu nouveaulac, se plongèrent dans ses eaux. «Arrête-toi!Boû-Selhâm,
cria la sainte, ta prophétie s’est réalisée : les fillesde Fez se baignent dans l’océan. »
Boû-Selhâm
s’arrêta et lamer
n’alla pas plus loin.
Sidrbel- Abbés.
Lorsqu’on fait l’ascension du Ghilîs, la
montagne
sainte proche de Marrakèch, d’où l’on jouit d’une vue merveil-leuse surla capitaleet surleGrand
Atlas, on aperçoit ausommet
letombeau
vénéré de Sîdî bel-'Abbés.Rien déplus gracieux
que
la légende de cepersonnage,telle qu’elle m’a été racontée à Marrakèch.
Sîdî bel-'
Abbés
arriva, un beau matin, devant lesmu-raillesdelagrandeville; ilétait trèspauvre, mais était pré-cédé par une réputation de sainteté tout à fait
extraordi-EDOUARD
MONTET
54naire.
Avant
de franchir les portes de la cité, ildemanda
aux saints qui l'habitaient la permission d’entrer dansla capitale. Les saints, qui vivaient dumonopole
desaumô-nes qu’ils s’étaient réservé, auraientbien voulu lui refuser net l’entrée de la ville, mais, pour ne point paraître
mal
disposés à son égard, ils remirent leur réponse aux jours suivants.
En
l’attendant, Sîdî bel-'Abbés
alla se fixer surle Ghilîs. Enfin les saints se décident à lui
communiquer
leur refus; dans ce but, ils lui envoient
un
vase débor-dant d’eau.Le
vase représente Marrakèch, l’eau est l’image des saints qui l’habitent.Le
symbole est clair; la ville est remplie de marabouts : il n’y apas de place pourSîdî bel-'Abbés. « Si tu peux verser de l’eau dans le vase qui déborde, disent les rusés compères, viens ! »
Le
vraisaint prit une rose, la laissa se flétrir au soleil, puis la plongea dans l’eau du vase et renvoya celui-ci en partie vidé par la fleur qui avait repris vie au contactde l’eau.
Lessaints égo'istescomprirentet laissèrent Sîdîbel-'
Abbés
libre de s'établir au milieu d’eux.
Ce
miracle, d’ordre pédagogique, est l’un de ceux qui ont le plus decharme
dans l’hagiologie marocaine.Sîdî bel-'Abbés, dont le
nom
exact estAboû
l-'AbbâsAh’med
ben Dja'far el-Khazradjî es-Sebtî (de Ceuta) a vécu, au Maroc, auXIL
siècle de l’ère chrétienne.Mouliéras a recueilli de la bouche de son derviche une tradition intéressante sur la cession de Ceuta aux Espa-gnols,
événement
dans lequel intervintnotre saintL Voici ce pittoresque récitque nous reproduisons sous la formemême
que lui adonnée le derviche.« Ceuta était une grande 'ville sous l’autorité des
mu-* A. Mouliéras, Marocinconnu,t. II, p. 702 s.
CULTE DES SAINTS
MUSULMANS
55 sulmans; elle possédait un grand saint qui est célèbre, encore aujourd’hui, dans tous les pays mahoniétans.C’était Sîdî bel-'
Abbés
es-Sebtî, grand saint qui fait des miracles.Parmi
ces miracles on cite les suivants :«
Quand
le cultivateurcommence
à labourer, il faitl'aumôned’une kharroûba(décalitre)de
semence
aux pau-vres en l’honneur de Sîdî bel-'Abbés, et celui-ci protège alors sa récolte contre les fléaux.— Quand
onmet
unepoule à couver un certain
nombre
d'œufs, on faitune mar-que à l'un de ces œufs, en disant : « celui-ci est pour Sîdî bel-'Abbés, » avec l'idée que si les poussins éclosent tous et sont sauvés, on fera cadeau aux pauvres du poussin qui avait été promis à Sîdî bel-'Abbés.«
Ce
saint est enterré à Marrakèch. Il a un cénotapheà Ceuta ainsi que dans d’autres villes. Les habitants de Ceuta le méprisaient; c'est pourquoi Sîdî bel-'
Abbés
vendît cette place aux Espagnols ou plutôt leur en ht ca-deau.
Dès
lors, les Espagnols passèrentleurtemps
à faire la guerre aux indigènes de l’Endjera, jusqu’àce que, lesayant vaincus, ils s’installèrent dans la ville. Les habi-tants de Ceuta se retirèrent dans le DjebelEndjeraet ils y habitent actuellement. Voilà pourquoi les Espagnols et les gens de l'Endjera s'exècrent encore de nos jours.
Salut 1 »
Dans
cette légende, il y a un point épineux, c’est laquestion de savoirsi le sainta
vendu
Ceuta aux Espagnols ou s’il leur en a fait cadeau. C'est à cette question que répond une autre tradition recueillie par le capitaineJ.
Erckmann'.
D’après cette tradition, Sîdî bel-'Abbés, prévoyant que Ceuta allait être prise par les chrétiens, la' J. Ekckmann, Le Maroc moderne, Paris, i885, p. io8.