rant, ce dont il faut le plus s'étonner, de l'orgueilde l'au-teur ou de la candeur avec laquelle il dresse sa propre statue à l'admiration et à l'adoration des
musulmans.
Mâ
el~Aïnîn est, en effet, l’objet d'un véritable culte auprès des adeptes de sa doctrine. Il passe d’ailleurspour être un sorcier, réputation qu’il partage du reste avecbeaucoup
d’autres saints et marabouts, et,comme
ses confrères, il accomplit des miracles.Le
prestige qu’il exerce dans certaines régions (pas partout, témoin l’incident de l’OuedNoûn
que nous avonscité plus haut) est vraiment extraordinaire.
Le
Bulletin de la Sociétéde géographie d’Algerapu-blié en 1906 la traduction du récitd’un indigène algérien qui avait pris part à un rezzou dans le Sahara occidental.
Partie du voisinage du Sud-Oranais, la troupe des pil-lards, au bout d’une cinquantaine de jours, arriva près de la résidence de
Mâ
el-'A'inîn ettomba
sur un troupeau de 3oo chamelles, toutes situées, c’est-à-dire suivies de leur chamelon, dont elle s’empara. C’était un superbe butin.Mais
le soir arrivèrent aucampement
des voleurs deux envoyés du saint qui leur dirent : «Vous
savez que ces chamelles appartiennent au marabout.Vous
ferez ce que vous voudrez; lemarabout
ne s’opposera pas à ce que vous lesemmeniez,
si tel est votre dessein.Mais
parla malédiction qu'il lancera sur vous, pas un seul d’entre vous ne reverra ses enfants, pas un seul ne rentrera chez
lui. » Les voleurs délibérèrent longuement. Devait-on prendre au sérieux cette menace, ou fallait-il s’en
mo-quer? Finalement la crainte l’emporta et ils rendirent leschamelles. Quatre jours après ils capturèrent une cara-vane.
La même
scènerecommença.
Les envoyés duma-rabout revinrent déclarer que dix-neuf charges de
cha-74 KDOUAHl)
MONTET
meau.x appartenaient à
Mà
el-'Aïnîn : elles lurent aussitôt restituées.Mà
el-'Aïnîn est, paraît-il, habituellement coiffé d'une grande chéchia de laine blanche, en forme de pain de su-cre'.On
assure que cette coiffure le rend invisible, grâce à un amulette que porte le saint.I.e
marabout
réside tantôt à Chengît', dans l'Adràr(de là sonnom
deMà
el-'Aïnin el-Chengît't’î), tantôt au sud du Sàgietel-h'amrâ..4 la mort de
Moh’ammed
el-Fàdhel, les Fâdheliyya ont eu pour directeurs les filsmêmes
de ce saint. Actuel-lementMà
el-'Aïnîn est considérécomme
le chefsuprême
des Qàdriyya dans leSoudan
occidental.Mais, depuis les événements qui se sont passés au
Ma-roc, il y a deux ans-, il a fondé une nouvelle confrérie, très fanatique, qui porte le
nom
de 'Aïniyya dunom
de son Fheîkh ou directeur suprême.Des
lettres duMaroc
nous apprennent que les frèresde cet ordre religieux sont plus connus, dans le pays, sous lenom
de Chenàgt'a ouC'ffiengt’a (originaires de Chengît').
La
confrérie a des zàoLiias à Fez et à Alarrakèch, et l'on a prétendu que'Abd
el-'Azîz, alors sultan, s'y était affilié.Ce
dernierfait est très vraisemblable, étant
donné
les rapports très étroits qui existaient alors entre le sultan et le marabout.Les frères de la confrérie de
Mà
el-'Aïnîn ont étésur-nommés
par les Marocains «leshommes
bleus» \rijâl e~-~r()UL]i, parce qu'ils sont vêtus d'une cotonnade bleue’ Chéchia, bonnet appelé vulgairementt'ez en Europe. Au Maroc, les cavaliers du Makhzen portent une chéchia rouge, en forme de pain de sucre; les indigènes donnent à cette coiffure lenomde piment (felfel el-ah'mar, poivre rouge).
- Nous avons mis ladernièremainà cemémoirependantl’étéde 1908;
ceci dit pourfixer lachronologie de certainsfaitsquenous mentionnons.
CULTE DES SAINTS
MUSULMANS
7D (khant) qui déteint sur la peau.Or
les frères ne se laventjamais, faisant toujoursleurs ablutions aveclesable, parce que l’eau, à ce qu'ils prétendent, leur fait mal; aussi leur peau est d'une saleté bleuâtre.
Lors des troubles qui ont précédé le
bombardement
de Casablancais août1907), on vit les rues de cette ville par-courues par les«hommes
bleus» deMâ
el-'Aïnîn.Le
type particulier de ces gens-là, originaires de l’extrême Sud-Marocain, du Sàgiet el-h’amrâ et de l’Adrâr, leur aspect féroce, leurs longs cheveux en désordre et lesar-mes
qu'ils portaient, répandaient la terreur autour d’eux, aussi bien parmiles indigènes paisibles et étrangers à tout fanatisme, que parmi les juifs du Mellah (le quartier Israé-lite) et les Européens fixés à Casablanca.Les ‘Aïniyya se sont fait une réputation sinistre par toutes les violences qu’ils ont exercées et par là ont fini
par s’attirer, non seulement la réprobation, mais lahaine des populations
musulmanes,
au milieu desquelles ilsaccomplissaient leurs crimes.
E!n igo6, à Marrakèch, venus en grand
nombre
pour y acheter desarmes
et des munitions dans le but decom-battre les infidèles du Sénégal, ils eurent la prétention d’agir en maîtres dans la capitale, s’emparant des
mar-chandises exposées pour être vendues, pénétrant dansles maisons particulières pour y
demander
du thé et des femmes.Un
d’entre eux fut surpris un jour cherchant à forcer la porte d’une mosquée, pour y voler.Ce
dernierfait mit le comble à la mesure.
Le Pacha
deMarrakèch
fit jeter en prisonle coupable et ordonna le
désarmement
de tous les 'Aïniyya'.Revue du Monde musulman, ibid., p. 346.