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De multiples freins à l’acceptation du projet

MATÉRIEL et MÉTHODES

IV. De multiples freins à l’acceptation du projet

a. Problématique inhérente à l’activité en EHPAD

La première problématique, citée dans tous les entretiens, était celle du manque de personnel en EHPAD, avec déjà un emploi du temps bien chargé par les soins « classiques » des résidents, et la nécessité probable de personnel supplémentaire était évoquée pour assumer ces nouvelles fonctions avec les téléconsultations.

I2 : « c’est un jour où on était deux infirmières, c’est aussi pour ça qu’on a pu faire

la consultation, sinon toute seule, on peut pas... »

I6 : « ça prend du temps pour deux, quoi, une infirmière, voilà il faut vraiment une

infirmière dédiée à ça […] s'arrangera pour être deux parce que moi je peux pas me détacher trois quart d'heure en consultation si je suis toute seule quoi ! »

Il ressortait d’un entretien que les téléconsultations étaient organisables dans ces conditions de manque de personnel si elles restaient peu fréquentes.

I4 : « Pfff, non franchement, c’est pas, c’est pas dramatique, on en ferait 5-6 par

jour peut-être mais bon, ... non c’est... »

L’absence également de médecin coordinateur a été mentionné pour un EHPAD comme pénalisante vis-à-vis de l’organisation des téléconsultations. Enfin, le turn-over des soignants était retrouvé à plusieurs reprises comme un facteur ralentissant encore la mise en place, avec l’obligation de reformer les nouveaux arrivants, ce qui prenait également plus de temps.

I5 : « En fin de compte, sur les infirmières qui étaient là au mois de juin, qui ont

assisté à la formation, on est plus que deux. »

La complexité des patients, la difficulté pour mobiliser certains d’entre eux, les troubles sensoriels liés à l’âge (déficience auditive ou visuelle) très fréquents, et de façon non exceptionnelle les troubles cognitifs et du comportement pouvaient rendre, d’après les soignants, les téléconsultations compliquées.

40 I3 : « je pense que ça ne s’adresse pas à tous les patients ; tu vois les patients d’ici

[…] il y a des résidents, ils comprendront pas avec la démence, tout ça, ils vont pas réussir à faire le lien quoi »

Dans ce contexte, les soignants interrogés rapportaient une interaction entre le patient et le spécialiste, parfois qualifiée de pauvre. A plusieurs reprises, le patient a été décrit comme assez passif, où une difficulté d’interaction ressortait entre le spécialiste et le patient. Dans un seul entretien, une bonne interaction avait été notée.

I2 : « mais voilà, après la résidente elle est pas très causante, donc ça l’a

pas…voilà […] non, non, elle est restée passive »

Finalement, il a été retrouvé que le soignant ou le médecin coordinateur pouvait parfois avoir un rôle de renforcement de l’interaction en essayant de faire participer le patient ; mais parfois leur présence pouvait être délétère au sens où la téléconsultation prenait des allures de téléexpertise avec une discussion qui se déplaçait entre professionnels.

I5 : « le spécialiste a tendance à dialoguer avec nous et pas avec le résident en direct et enfin notre résident, même qu’il soit là, est un peu oublié ; c’est pas du direct, direct. »

I8 : « bon après, souvent ce qui se passe c'est que, comme nous on est présent, le

médecin souvent il va pas forcément s'adresser au patient ; il va plus s'adresser à nous aussi »

b. Inconvénients

Ainsi, plusieurs désavantages ont été mis en évidence par rapport à la téléconsultation avec notamment dans un entretien, une organisation qui paraissait plus complexe.

I5 : « on gère au moment où on a du temps [pour la consultation classique], alors

41 Une perte de temps pouvait donc être perçue par certains soignants devant un détachement obligatoire de ceux-ci, le délai de rendez-vous pouvait être rarement plus long, et finalement une limite de l’examen clinique et des gestes techniques réalisables se faisait sentir.

I1 : « peut-être pas nous, vraiment en tant qu’infirmières parce que euh… que les

résidents, enfin si, ça va nous faire gagner trois minutes, le temps de faire la demande de transport, voilà, quand ils vont à un examen, et encore, parce que normalement, c’est la secrétaire qui le fait […] non pour nous, vraiment, ça, ça, y'a pas vraiment de gain de temps »

I2 : « c’est une bonne démarche quand ça demande pas d’avoir de gestes

techniques invasifs »

De plus, il a été noté que la présence d’un environnement familier n’était pas toujours bénéfique et que l’échange entre le spécialiste et le soignant par rapport à la prise en charge peut être limité.

I3 : « je pense qu’il y a un peu plus de confiance mais euh pas avec tous, je pense

que ça ne marche pas avec tous après j’ai fait qu’une téléconsult »

c. Un outil pas toujours adapté

La plateforme de téléconsultation a pu être décrite comme peu mobile notamment à cause du manque de connexion wifi sur certains EHPAD.

I5 : « du coup, pour nos résidents de l’EHPAD, en fin de compte, on pourrait le

faire directement, le faire dans la chambre du résident ; pour le coup, on peut pas parce que c’est une connexion filaire »

On retrouve aussi dans plusieurs entretiens que l’utilisation initiale de la plateforme pouvait comporter quelques aléas, notamment au niveau de la connexion.

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I5 : « au départ un petit problème de connexion […] du coup le médecin qui était de l’autre côté, le spécialiste lui ne nous avait pas, nous l’avions pas en image au départ. […] Après en ce déconnectant, et se reconnectant »

Il a même été perçu que la difficulté d’utilisation pouvait être en lien avec l’âge de certains soignants, qui se sentaient moins à l’aise avec la technologie.

I3 : « après je sais qu’il y a une, une infirmière de la quarantaine pas très habituée

à l’informatique, qui comprenait pas tout quoi »

De façon répétée, il ressortait que les patients étaient en difficulté avec la technologie et donc la plateforme de téléconsultation. Dans un entretien, une infirmière relatait que le résident avait été peu coopérant à la téléconsultation, dans un autre, que la plateforme avait une limite d’amplitude sonore qui pouvait gêner l’entente par le résident, et dans un dernier, que le patient avait l’air d’avoir bien compris et participé un peu à l’échange virtuel.

I2 : « après y a le... peut-être, pour eux, c’est plus compliqué de consulter un

médecin via un écran, après on n’a pas trop de retour là, […] Après vu la population qu’on a… (rires) y en a pas beaucoup qui peuvent suivre »

I3 : « elle avait vraiment du mal à... à entendre en fait »

I7 : « c'est une dame qui a toute sa tête, donc elle a compris qu'il y avait un médecin

à l'autre bout de l'écran »

d. Nécessité de réorganisation

Il a été rapporté, dans plus de la moitié des entretiens, l’importance d’une organisation en amont des téléconsultations et surtout du planning des soignants pour permettre un renfort lorsqu’une téléconsultation était prévue devant l’ajout d’une tâche supplémentaire à intégrer dans la journée de travail.

I2 : « comment on va faire, et le cadre a dit : « bah faut que vous reveniez sur vos

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pour pouvoir faire la téléconsultation de façon adaptée […] ça demande une grosse préparation »

Ce nouveau rôle pour les soignants de l’EHPAD a notamment des contraintes de temps, que ce soit le temps de la téléconsultation ou le temps de préparation en amont qui pouvait être plus ou moins long.

I3 : « c’est vrai que ça prend une demi, trois quart d’heure sur la journée quoi ; il

y a des jours, ça passe, mais d’autre jours… »

I4 : « organisationnel, ben c’est vrai que pour nous ça prend un petit plus de temps

parce qu’il faut... il faut préparer la machine, il faut entrer toutes les informations dans la machine, il faut, enfin, ben nous on a le logiciel Z., donc il faut faire le transfert des fichiers en PDF vers euh... la machine pour tout ce qui est les traitements, les antécédents ; là, j’avais mis le dernier MMS »

L’autre contrainte était liée à la nécessité de trouver un horaire dédié aux téléconsultations qui soit à la fois adapté aux médecins spécialistes et aux soignants.

I8 : « aussi en fonction de la disponibilité des médecins aussi, bon après voilà, bon

ben après on se dit, s’il y a une téléconsult, qu’il y a en début d’après-midi, ben la fille du matin reste un peu plus longtemps et puis voilà quoi […] du coup on commence les transmissions un peu plus tôt, du coup ça fait qu'on est dispo pour 14h »

e. Est-ce un réel besoin ?

Finalement, seulement une dizaine de téléconsultations ont été réalisées sur neuf mois, sur trois EHPAD. Les soignants faisaient remonter que la fréquence d’avis spécialisés nécessaires était plutôt faible, même si cela pouvait être variable.

I2 : « c’est très périodique, on va avoir euh...ouais… une par mois…une... pas

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consultations pendant plusieurs mois, tout dépend de l’évolution des résidents puis des besoins, c’est très, très fluctuant… »

La fréquence peu élevée de téléconsultation qui en découlait, avait en conséquence un manque d’anticipation sur l’organisation et des difficultés de manipulation de la plateforme liées au peu d’utilisations.

I5 : « Oui, alors après, il faudrait un peu plus de pratique. »

I8 : « la maniabilité de la machine ; parce que bon, ben voilà, c'est vrai qu'on en

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