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De la source à sa déposition dans l’environnementA.3

Formes chimiques émises dans l’atmosphère A.3.1.

Les sources naturelles du mercure émettent principalement du mercure élémentaire (Hg(0)) alors que les sources anthropiques émettent des proportions variables de Hg(0), de mercure réactif (Hg(II) ou RGM -reactive gaseous mercury- ou GOM -gaseous oxidized

mercury) et généralement une partie plus faible de mercure particulaire (HgP).

La spéciation du mercure des émissions anthropiques est un paramètre critique car il conditionne le devenir du mercure dans l’environnement. En effet, les formes réactives du Hg se déposent à proximité de leurs sources alors que le Hg(0) sera quant à lui déposé loin de ses sources. Les principales méthodes de mesure des concentrations de mercure et de leur spéciation dans le flux des cheminées des sources anthropiques ont été développées sur des centrales à charbon (Norme EPA 29, 101, Hydro Ontario Method, NF-13211). Carpi, (1996) reportait, que les centrales de combustion de charbon émettaient entre 20-50% de Hg(0) et 50-80% de Hg(II). Ces méthodes de prélèvement ont été aussi beaucoup appliquées aux incinérateurs de déchets (ménagers ou dangereux) et montraient des émissions en Hg(II) gé-néralement plus élevées que les centrales de charbon (10-20% Hg(0) et 75-85% de Hg(II)). Cette partition d’espèce entre ces deux systèmes est fonction de la concentration en par-ticules, des concentrations en S et Cl dans les fumées et des concentrations en autres métaux dans les flux de gaz (Laudal et al., 2000). Le comportement du mercure dans un système de combustion est loin d’être simple. La figure 7 présente les voies potentielles de réaction lors de la combustion et de la post-combustion du charbon (Galbreath and Zygarlicke, 2000).

Les formes de mercure dans les flux de gaz sont très étudiées autant théoriquement qu’expérimentalement afin de déterminer les meilleures conditions de piégeage des systèmes d’épuration des fumées. Ces systè-mes jouent un rôle critique dans la spéciation et l’émission du mercure en cheminée. La figure 8 illustre des réactions possibles de conversion et de recombinaison du Hg(0) et du Hg(I) (instable) en Hg(II) plus aisément piégeable par les particules du flux gazeux et les procédés d’épuration par voie liquide ou par pulvérisation de charbon actif.

Processus atmosphériques et déposition A.3.2.

Dans l’atmosphère, le mercure est majoritairement présent sous la forme Hg(0) et

sa concentration moyenne est de l’ordre de 1.5 ng.m-3. Il est distribué de façon homogène

dans le réservoir atmosphérique global. Son temps de résidence y a été estimé à environ 1 an (Schroder and Munthe, 1998). Le mercure réactif (Hg(II)) est présent dans l’atmosphère dans des proportions comprises entre 0.1 et 2% du mercure total suivant les lieux. Il résulte de l’oxydation du Hg(0). Le mercure peut aussi être associé à des phases particulaires dans

l’atmosphère. Il est constitué principalement des formes réactives de mercure. Les concen-trations de ces deux espèces dans l’atmosphère globale varient entre 1 et 100 pg.m-3 et ne

représentent qu’une très faible partie dans le bilan global. Il existe cependant des contrastes de distribution atmosphérique entre la surface et la haute atmosphère. Néanmoins, ces formes Figure 8: Réactions potentielles de recombinaison du Hg(0) et du Hg(I) conduisant à la formation de Hg(II) plus facilement épuré des fumées que le Hg(0) (Liu et al,. 2010).

Figure 7 : Transformations potentielles du mercure durant la combustion de charbon (Extrait de Galbreath and Zygarlicke, 2000).

sont responsables de la déposition du mercure dans les écosystèmes et méritent donc une attention particulière sur leurs processus de formation (Lindberg et al., 2007).

L’oxydation du mercure atmosphérique est encore mal contrainte. Il a longtemps été interprété que les radicaux OH et l’ozone étaient les principaux oxydants atmosphériques du Hg(0). Néanmoins de récents travaux expérimentaux (Ariya et al., 2002, Donohoue et al., 2005, 2006) ont montré que ces réactions présentaient des vitesses faibles comparées aux vitesses d’oxydation des halogènes atmosphériques (Cl, Br). Même si le chlore présente des vitesses de réaction plus importante que Br, ce dernier est l’espèce la plus représentée des deux dans l’atmosphère.

On le trouve notamment présent dans les aérosols marins et dans l’atmosphère sous forme BrO. On attribue l’oxydation Hg(0) en Hg(II) à la photochimie. Seigneur and Lohman, 2008 indiquaient que la pho-tochimie du mercure est conditionnée par la dissociation photochimique de BrO produi-sant le radical Br responsable de l’oxydation de Hg(0). La production de mercure réactif dans l’atmosphère est soumise à des varia-tions diurnes et saisonnières. Des réacdans l’atmosphère est soumise à des varia-tions potentielles d’oxydation du Hg(0) sont présentées en figure 9. Ces réactions d’oxydation peuvent être réalisées en phase gazeuse, mais aussi cata-lysées par les phases particulaires, d’où la production de Hg particulaire. Ces halogènes sont aussi responsables des épisodes de dépôt intégral du mercure de l’atmosphère sur les surfaces arctiques (Mercury Atmospheric Depletion Events, ADME) durant le printemps (Goodsite et al., 2004). Ces ADME contribuent à enrichir significativement les écosystèmes arctiques en mercure, alors qu’il n’existe aucune source d’émission anthropique proche. Le mercure réactif et particulaire du réservoir atmosphérique global est soumis à des dépôts sous formes humides et sèches. Le mercure émis sous forme Hg(II) des systèmes industriels est hydrosoluble et très réactif. Il va donc subir une déposition rapide en fonction des conditions atmosphériques. Il sera soit incorporé à des phases liquides (gouttelettes) et retombera sous forme humide, soit il s’associera rapidement à des particules ou aérosols atmosphériques ayant des vitesses Figure 9 : Mécanisme réactionnel potentiel entre Hg et Br dans l’atmosphère conduisant à la formation de mercure réactif (Seigneur and Lohman 2008)

de sédimentation fonction de leur taille et contribuera ainsi à des dépôts secs. La figure 10 résume le cycle du mercure atmosphérique.

Dans cette figure le terme «legacy source» correspond aux réémissions de Hg(0) des surfaces, qui indiquent que le mercure provenant de sources anthropiques ou du réservoir atmosphérique global peut être remis dans le cycle atmosphérique et subir à nouveau une oxydation.

Réactivité post-déposition dans les sols A.3.3. Le mercure issu des sources anthropiques et du réservoir atmosphérique global est déposé dans les sols par voie atmosphérique sous forme de dépôts secs (Hg(0) et HgP) ou humides (Hg(II) et HgP ). Les sols peuvent directement incorporer le mercure (dépôts humi-des) ou bien le réémettre dans l’atmosphère via les réactions de réduction et d’évaporation qui se déroulent à l’interface sol-air. La fraction de Hg incorporée peut subir de nombreux processus entraînant sa mobilité et son évasion sous forme Hg(0).

Les principaux facteurs contrôlant la volatilisation du Hg(0) du sol sont liés aux caractéristiques du sols, aux types de processus mis en jeu ainsi qu’aux caractéristiques environnementales (Schuster et al., 1992, Schulter, 2000, Gabriel and Williamson, 2004, Xin et Gustin, 2007). Les flux de mercure rapportés à la concentration du mercure dans les sols ont été montrés plus importants pour les sols contaminés que non contaminés (Wang et al., 2007). L’humidité du sol permet la mobilité des formes ioniques du mercure et augmente la probabilité des réactions de réduction du Hg(II) en Hg(0) (Gustin and Stamenkovich, 2005). Les conditions météorologiques, climatiques et atmosphériques (concentration en oxydant, pression et température, vitesse des vents, ensoleillement) jouent un rôle important. La nature du sol est aussi un paramètre fondamental. Le contenu en matière organique, la capacité d’échange ionique, la texture, le pH, les concentrations en Fe, Mn et oxydes d’Al peuvent influencer la capacité de sorption du Hg(II) dans les sols ainsi que le potentiel Figure 10 : Cycle du mercure atmosphérique indiquant les formes chimiques émises par les sources anthropiques ou naturelles, leur transport et leur oxydation par les processus atmosphériques (Extrait de Gustin et Jaffe, 2010).

de volatilisation du Hg(0) des sols. Certaines études montrent que les caractéristiques du sol (structure et composition) permettent d’adsorber le Hg(0) produit par la réduction du Hg(II). Le sol est donc un réservoir complexe que l’on considère généralement comme un compartiment émetteur de Hg à l’atmosphère même si les bilans émission / déposition / séquestration sont encore trop complexes pour être établis (Schluter, 2000). Déposition dans les lichens A.3.4. Les lichens sont des associations de champignons et d’algues vertes ou de cyano-bactéries. Ces associations symbiotiques forment un thalle commun qui ne dispose pas de racine. Les lichens dérivent donc les nutriments essentiels à leur croissance des apports atmosphériques. Ils sont présents sous trois structures différentes (crustacé, foliacé ou fruticuleux, voir figure 11), qui leurs permettent d’être représentés dans d’innombrables situations géographiques. Ces filtres naturels de la matière atmosphérique échantillonnent de fait les minéraux essentiels à leur métabolisme ainsi que les autres contaminants de l’atmosphère. Pour ces raisons, les lichens sont utilisés depuis de nombreuses années pour biomonitorer l’état de l’environnement. La mesure de l’abondance et de la diversité des lichens renseigne sur les paramètres globaux de l’atmosphère. En effet, en fonction des espèces, les lichens ont des sensibilités différentes à la concentration en polluants de l’air du milieu où ils sont implantés (ex: pluies acides, métaux lourds).

Figure 11 : Espèces de lichens fréquemment retrouvées sur la zone d’échantillonnage de Metz (voir chapitre 4): (1) Evernia Prunastri, (2) Ramalina

Farinacea, (3) Hypogymnia Physodes (4) Xantoria Parietina (Extrait du rapport de Stage de Master 2, L. Fenet, CRPG, 2009)

La mesure des concentrations en métaux lourds échantillonnés par les lichens permet de renseigner sur la présence ou l’absence de contamination. Avec son caractère de polluant, le mercure a souvent été pris en compte dans les études de biosurveillance de l’environnement. Dans sa revue sur la bioaccumulation des métaux lourds dans les lichens, Garty, (2001) présentait les concentrations en mercure retrouvées dans les différents lichens en fonction du site d’échantillonnage (pollué versus non-pollué). Les zones relativement indemnes de

pollution indiquaient une gamme de variation de 0.02 à 3 µg.g-1. Les zones de contaminations

diffuses (zones urbaines ou à proximité de sources anthropiques peu denses) présentaient une gamme de variation équivalente. À proximité des sources industrielles (usine de chlore, raffinage de métaux) ou naturelles (site géothermique) émettrices de mercure, la gamme de variation était entre 0.02 et 20 µg.g-1, indiquant que les lichens pouvaient être utilisés pour indiquer la présence ou l’absence de contamination importante. Les mécanismes d’accumulation des métaux lourds par les lichens sont très étudiés par les lichenologistes et les biologistes. Néanmoins, ils restent des phénomènes extrêmement complexes et les facteurs contrôlant l’accumulation sont de plus variables en fonction du métal et de l’espèce de lichen (Backor and Loppi 2010). L’assimilation des métaux lourds dans la matrice lichénique est un processus dynamique qui implique accumulation et excrétion. Le temps de résidence dans un lichen a été déterminé entre 2 et 5 ans pour différents éléments (Walther et al. 1990). Sarret et al., (1998) présentaient l’accumulation d’une particule dans le lichen comme la succession de quatre étapes (cas général). D’abord adsorption du métal à la surface du lichen et dans les tissus intra-cellullaires, ensuite complexation intra-cellulaire à certaines métalloprotéines, puis complexation extra-cellullaire aux macro-molécules des parois du champignon avant de subir une dernière complexation avec les acides organiques comme les oxalates ou bien les acides licheniques. A la différence de nombreux autres métaux apportés au lichen par la matière particulaire de l’atmosphère, le Hg est majoritairement présent sous forme gazeuse élémentaire (Hg(0)) dans l’atmosphère. Le lichen doit donc dériver une partie de son mercure des dépôts secs de Hg(0). L’autre source provient certainement de dépôts secs et humides résultant de l’oxy-dation du Hg(0) par les différents oxydants atmosphériques. Néanmoins, à l’heure actuelle, aucun mécanisme n’a été identifié. Garty, (2001) reportait l’existence de corrélations entre Hg et Br (oxydant atmosphérique du Hg) dans les données disponibles sur les lichens. La concentration en Hg(0) étant homogène dans l’ensemble du réservoir atmosphérique global, les oxydants atmosphériques seraient peut-être la raison pour laquelle il existe des variations de concentrations importantes dans les lichens éloignés des sources de contaminations anth-ropiques (Carignan and Sonke, en révision).

Références Bibliographiques