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De la difficulté d'inventer –––––– une identité transfrontalière

28 février 1998

La coopération entre les Alsaciens et leurs voisins rhénans, allemands ou suisses est ancienne. Mais le discours est en avance sur la réalité.

Les relations sont ambiguës et parfois teintées d'arrière-pensées, y compris lorsqu'il s'agit d'évoquer "l'Europe des régions"

STRASBOURG régions situées des deux côtés du nois et vice-président de la inventent à chaque fois, la façon Il en est de la coopération trans- Rhin. La Conférence du Rhin région, de marquer un scepticis- de faire. Il n'y a pas de recette, il frontalière comme de l'Europe : supérieur, pilotée par les ins- me : « La coopération institution- y a une ouverture d'esprit ». Et la grande majorité des Alsaciens y tances étatiques, existe depuis nelle est très formelle : on se d'aligner les initiatives, notam- est favorable, mais la réalité a 1975. Les élus locaux et territo- réunit beaucoup sans grande ment franco-allemandes, dans les encore besoin de gagner beau- riaux ont créé le Conseil rhénan conséquence ». Un scepticisme domaines des transports, de l'en- coup de terrain. Pourtant, les début 1998. L'Union européenne auquel s'oppose le discours plus vironnement, de la santé ou de la institutions sont en place depuis apporte son soutien en octroyant optimiste d'Adrien Zeller (UDF- culture. Seule ombre au tableau : assez longtemps pour attester de des crédits au titre de son pro- FD), député bas-rhinois, prési- les échanges d'enseignants ne se la volonté des Français, des gramme Interreg. dent sortant de la région : « font pas aussi bien qu'il serait Allemands et des Suisses de L'action transfrontalière est de nécessaire.

conduire des actions communes Tout cela n'empèche pas Hubert plus en plus multiforme. Elle

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Mettre les hésitations de la coopé- Mirage ou pas, les Alsaciens veu- existante est par trop confortable ». dent de l'assemblée alsacienne ration transfrontalière au seul lent pourtant croire à la coopéra-

masquent pourtant mal les décep- compte des Allemands serait tion avec leurs voisins, mais inté- Le discours de M. Zeller sur tions dûes à l'attitude du parte- néanmoins trop facile et, pour grée dans une Europe des régions l'Europe des régions est très naire allemand. La constitution tout dire, injuste. Il y a d'abord les : celle-ci éviterait le tête-à-tête proche de celui de M. Haenel, son du Conseil rhénan - qui regroupe réticences des Etats. Paris aurait avec l'Allemagne. Tous ne sont concurrent pour la prochaine pré- l'Alsace, le Bade-Wurtemberg, la ainsi vu d'un mauvais oeil la pas d'accord sur la nature des par- sidence de l'assemblée alsacienne Rhénanie-Palatinat et la Suisse du création du Conseil rhénan. tenaires. Ainsi, la commission : « La suppression des frontières à Nord-Ouest - a été longtemps Certains désignent aussi du doigt permanente du conseil régional a l'intérieur de l'Union met en retardée en raison des hésitations les Alsaciens eux-mêmes, ou du décidé, en septembre 1996, de valeur les régions. Une accéléra- des deux Lànder allemands. Plus moins leurs élus et certaines per- privilégier dans les opérations de tion de cette politique commu- grave, la nature même du nouvel sonnalités de la société civile. M. jumelage les Etats « culturelle- nautaire donnera de l'air non seu- organe, un simple forum dépour- Haenel fait partie de ceux-là : ment les plus proches : lement aux régions mais aux vu de budget et d'administration. «On a l'impression qu'ici on veut Allemagne, Suisse, Autriche, institutions représentant l'Etat, « On se trompe si l'on croit que développer un mythe autour Liechtenstein, Belgique orientale telles que les préfectures ou les les Allemands veulent s'associer, d'une coopération qui va de soi (germanophone), Luxembourg ». académies ». Mais il n'est pas travailler avec nous, en tout cas avec les riches Badois et les Ici encore, les institutions se sont question qu'elle se substitue à moins que les Alsaciens ne le riches Bâlois, alors qu'il n'y a pas multipliées : celles créées par les l'Europe des Etats, ce serait idiot pensent ou ne veulent le croire », de grands efforts pour mieux tra- Quinze et le Conseil de l'Europe, », tient à préciser le président dit M. Haenel. Il ajoute : « Le vailler avec les Lorrains et les auxquelles s'ajoute l'Association alsacien.

bilinguisme est unilatéral » Francs-Comtois ». Le fameux consensus alsacien

Renaud Dorandeu, directeur de –––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Cette inquiétude récurrente cor- l'Institut d'Etudes Politiques (OEP) Mirage ou pas, les Alsaciens veulent respond à une mise en garde de Strasbourg, partage le même

pourtant croire à ia coopération avec contre une doctrine qui existe, point de vue : « L'enseignement

leurs , , dans une mais s'exprime rarement de façon du français n'est pas une priorité leurs llltCgx'E'C dans Une explicite, hormis chez quelques pour les autorités du Bade- Europe des régions : celle-ci éviterait le autonomistes déclarés et au sein

Wurtemberg ». tête-à-tête avec . du mouvement régionaliste

______________________________________ Alsace d'abord, dont le fondateur, Un récent rapport de Jean- Les crispations dans le nord de la des régions d'Europe (ARE). Robert Spieler, a appartenu au Laurent Vonau (RPR), conseiller région dûes à l'arrivée d'habitants Front national jusqu'à la fin des régional, sur l'installation de allemands relèvent, explique M. prend tout son sens sur cet enjeu années 80. Elle consiste, de la nombreux foyers allemands dans Dorandeu, d'une caractéristique de la dimension régionale de part de ses partisans, à se cacher le nord de l'Alsace évoque cette répandue chez les Alsaciens : un l'Europe : pas un seul des diri- derrière l'Europe des régions question, identifié comme un «sentiment unitaire par défaut » geants locaux n'y est opposé. M. pour échapper à la République phénomène de périurbanisation qui se traduit par « le refus de Haenel le premier : « C'est française et laïque, « ou centralis- autour de la ville allemande de l'autre, plutôt que de se souder important pour l'avenir parce me de l'Etat jacobin », à la soli- Karlsruhe, le mouvement touche entre l'autre, plutôt que de se sou- qu'il s'agit là d'un bon outil pour darité nationale et coopérer avec des ménages aux revenus moyens der entre eux pour conduire des l'intégration européenne ». Le les régions qui le méritent, c'est- (le prix du foncier étant moins actions dynamiques ». Le direc- sénateur haut-rhinois met tout de à-dire celles qui sont riches. En cher sur la rive française du teur de l'IEP donne deux même deux conditions : Elle ne somme, une Europe allant de Rhin), « ne parlant guère le fran- exemples : la mobilisation pour le doit pas être le prétexte pour bâtir Karlsruhe à Bâle...

çais » : alors que le dialecte, TGV est le fait des politiques : le une Europe fédérale à partir des

explique M. Vonau, ne peut « évi- refus de l'installation des activités régions, et l'Alsace, pour en pro- Ce danger apparaît néanmoins demment pas tenir lieu d'un véri- de frêt aérien par la société DHL fiter, doit simplifier son Meccano mineur dans une Alsace qui, mal- table bilinguisme ». Le document sur l'aéroport de Strasbourg est le institutionnel ». Bernard gré ses conservatismes et ses note cependant que les « immi- résultat d'une forte mobilisation Reumaux, président du Forum du ambiguïtés, avec l'importance du grés » allemands « ne font pas populaire. Aussin comme beau- Baggersee, lieu de débat créé en vote FN, est très majoritairement l'objet d'un rejet ou d'un mépris, coup d'autres, trouve-t-il vite les 1996 et destiné à lutter contre les européenne et ouverte, ne serait- comme ce pourrait être le cas limites de la coopération trans- dérives extrémistes et commu- ce que dans les têtes - et c'est déjà à d'immigrants venant de pays frontalière : « Elle est essentielle- nautaristes en Alsace, véhicule beaucoup -, à la coopération fron- moins développés ». Mais il pré- ment institutionnelle ». une thèse comparable. Pour lui, la talière. « Ici, nous avons l'avanta- cise que « les problèmes de L'universitaire nourrit d'autant région doit mettre fin à ses « ge de connaître les besoins et les langue sont apparus comme le plus de doutes que le Bade- nombreuses féodalités, qui, au- craintes de nos voisins », assure principal obstacle au fonctionne- Wurtemberg pèse bien trop lourd delà du discours, ont peur du M. Zeller.

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6 avril 1998

STRASBOURG,