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urbaines plus durables ?

Isabelle Lacourt, Maurizio Mariani

Risteco, France

I

l n’est plus nécessaire de démontrer que les systèmes alimentaires actuels ne sont pas durables (la consommation alimentaire repré- sente 20 à 30 % des impacts environnementaux, Tukker et al., 2006). Néanmoins, l’absence de scénario consensuel pour résoudre les problèmes environnementaux en maintenant la productivité agricole sert d’alibi aux décideurs pour imposer les leviers économiques et les coupures budgétaires. Les données épidémiologiques sur les maladies liées à l’alimentation, comme la « diabésité », causées par des régimes riches en sucre et en matières grasses, noircissent ce tableau. Mais le libre choix des consommateurs prévaut sur la prévention contre les mauvaises habitudes alimentaires. Enfin, il manque une méthode de mesure de la durabilité reconnue par tous et des indicateurs pour intégrer dans l’analyse économique des systèmes alimentaires le coût de telles externalités et mieux identifier les leviers d’actions.

La ratification du Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan par plus de 100 villes dans le monde souligne leur volonté de jouer un rôle dans de nouveaux modèles de coopération — l’idée que les villes soient déterminantes pour le développement de systèmes alimentaires durables gagne progressivement du terrain car les zones urbaines constituent des carrefours entre les systèmes alimentaires locaux et globalisés. Voilà pourquoi les décideurs sont appelés à

traiter de manière prioritaire la question des politiques alimentaires urbaines et l’essor de pratiques alimentaires innovantes transforme les villes en espaces d’innovation sociale (Schiff, 2013). Cette efferves- cence masque trop souvent les compétences consolidées des villes en matière d’approvisionnement alimentaire, et notamment le potentiel de la restauration collective (RC) pour changer le paradigme, au profit de systèmes alimentaires régénératifs. Plusieurs pionniers ont démontré la possible requalification de la RC (Lacourt et Mariani, 2015) en basant la production de repas de qualité sur l’utilisation d’ingré- dients frais. Des efforts sont maintenant nécessaires pour montrer tout l’intérêt de ces démarches et convaincre les villes d’abandonner la politique de moins-disant pour la RC.

La RC peut dynamiser l’économie locale et devenir protagoniste en matière d’éducation alimentaire (par exemple en sensibilisant sur l’ensemble du cycle de vie de la production alimentaire, de la ferme aux déchets), ceci en en prônant l’exemple au lieu de théoriser. 40 % des calories sont consommées hors foyer. Dans l’Union européenne (EU), l’ensemble du marché de la RC (dont les repas servis dans les écoles, universités, crèches, administrations, maisons de retraite, hôpitaux et prisons) représentait 82 milliards d’euros en 2013 (GIRA Foodservice, 2014). C’est faible en comparaison du chiffre d’affaires annuel de 1 048 milliards d’euros réalisé par l’industrie des aliments et des boissons (Fooddrink Europe, 2014), mais suffisant pour émettre un signal important en faveur du changement et de l’innovation. C’est pourquoi la RC peut constituer un levier économique approprié et renforcer la légitimité et l’efficacité des autorités publiques en matière de sensi- bilisation et de coopération avec la société civile pour promouvoir une production et une consommation alimentaire plus durables. Sans oublier qu’en moyenne un citoyen européen sur six consomme quoti- diennement un repas de RC.

L’effet synergique de la RC sur les politiques alimentaires urbaines durables découle essentiellement de :

› la possibilité de planifier à l’avance une demande pour de grandes quantités de denrées de base, en fonction des différentes saisons. Une telle demande est traitée aujourd’hui séparément par les dif- férents acheteurs ;

› l’exemplarité pour promouvoir l’éducation alimentaire, l’inclu- sion sociale et les économies locales avec des repas sains et qui réduisent les effets du gaspillage alimentaire ou encore de la mal- nutrition des patients dans les hôpitaux.

Les propositions avancées pour créer des outils utiles aux décideurs et définir une méthodologie consensuelle capable d’intégrer les bonnes pratiques existantes comprennent :

› un système cartographique considérant les paramètres suivants : l’emplacement des cuisines et restaurants publics, y compris les points de livraison ; la quantité d’aliments transformés et servis ; les effectifs et qualifications du personnel. Ce système doit faci- liter l’optimisation des flux logistiques urbains et la coordination des appels d’offre entre différents donneurs d’ordre en permet- tant d’intégrer des critères d’écoefficience et d’incorporer des sys- tèmes alimentaires alternatifs ;

› un système de veille mutualisé pour mesurer des impacts environ- nementaux tels que la consommation d’énergie et d’eau et le gas- pillage alimentaire et comparer des méthodes de production de repas, sur place, en liaison chaude ou froide, sur la base de tels indicateurs, afin de faciliter les décisions en matière de planifica- tion et d’investissement ;

› un code d’activité spécifique, encore inexistant, pour mieux com- prendre les coûts réels et le poids économique d’une activité représentant jusqu’à 21 milliards de repas servis par an dans l’UE et gérée avec les fonds publics.

De tels instruments ne peuvent certainement pas se substituer à la vision sociétale des services alimentaires publics, cruciale pour impulser le nécessaire changement de paradigme et qui a été discutée sous différents angles au cours des sessions thématiques consa- crées à la RC. Mails ils peuvent produire des données objectives pour répondre aux enjeux et objectifs communs de la RC. Et surtout ils peuvent remettre en question de manière positive et concrète les scénarios conventionnels généralement prescrits par les décideurs publics actuels, où l’industrialisation remplace le savoir-faire humain et élimine des emplois et la massification réduit les coûts, au détriment de la qualité, de l’environnement et des économies locales. 

BIBLIOGRAPHIE

TUKKER A., HUPPES G., GUINÉE J., HEIJUNGS R., KONING A. (de), OERS L. (VAN),

SUH S., GEERKEN T. , HOLDERBEKE M. (VAN), JANSEN B. and NIELSEN P. (2006),

“Environmental Impact of Products (EIPRO) - Analysis of the life cycle environmental impacts related to the final consumption of the EU-25”, http://ec.europa.eu/environment/ipp/pdf/eipro_report.pdf.

SCHIFF R. (2013), “The Role of Food Policy Councils in Developing

Sustainable Food Systems”, Journal of Hunger & Environmental

Nutrition, 3(2-3), pp. 206-228.

GIRA FOODSERVICE (2014), The Contract Catering Market in Europe 2009 —

2014 — 15 counties, for FoodServiceEurope, October 2014.

FOODDRINK EUROPE (2014), Data & Trends of the European Food and Drink

Industry 2013-2014.

LACOURT I. and MARIANI M. (2015), City Food Policies. Securing our daily