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4. Discussion

4.2 La valorisation de certaines personnalités et de certains événements

4.1.1 De l’émergence des constats à l’émergence des contestations

Les résultats chronologiques ont permis de distinguer 4 phases dans l’histoire du risque sanitaire de la pollution minière, traitées dans la presse régionale. Ces grandes phases que nous appelons « Dénoncer les gestionnaires » « Dénoncer l’Etat » « Le temps des révélations » et « Le temps des conflits » ne sont pas linéaires et parfaitement découpées dans le temps. Avec un regard historique sur les articles, nous

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sommes capables de distinguer des moments clés, une fois regroupés et analysés, ces moments permettent de définir des phases. La première « Dénoncer les gestionnaires » représente aussi le début de l’émergence de la question du risque sanitaire dans l’échantillon. La période est très vaste du fait du peu d’articles parus à cette époque. C'est la période où la presse est au plus proche de l’Etat et de ses avis. La parole du citoyen existe mais elle ne sera jamais aussi faible. C’est d’ailleurs en 2004 quand la parole des citoyens se libère que les accusations envers l’Etat abondent. C’est une évolution logique en lien avec l’évolution sociétale engendrée par la fermeture de la mine et le retrait des gestionnaires. L’Etat qui a pris en main la réhabilitation des mines, affirme ses responsabilités envers le territoire et l’environnement, il devient donc la cible première des accusations de mauvaise gestion. Ici nous voyons l’importance du lien entre la presse et les évolutions sociétales.

A partir du XXIème siècle, il y a un engouement médiatique pour ce territoire où ne cessent les rebondissements concernant l’histoire des pollutions minières, leur gestion et les relations entre acteurs. C’est pour cela que « le temps des révélations » est une phase intéressante. La presse embrasse son rôle d’informateur en révélant de nombreuses situations portant préjudice à l’Etat. C’est à cette période qu’il y a un réel tournant dans les relations entre la presse et l’Etat. La presse s’intéressera de plus en plus au point de vue de la société civile. Là où les sciences dures vont vraiment se concentrer sur l’aspect pédologique et chimique, c’est-à-dire sur l’aléa, la presse a su présenter, à sa manière, les enjeux, la vulnérabilité et la résilience. Ici l’intérêt de cette étude est de se rapprocher des sciences sociales pour analyser le risque. L’étude des articles tend à montrer que la vulnérabilité du territoire s’amenuise grâce à l’augmentation des connaissances, du nombre d’acteurs dans l’opposition mais aussi grâce leur organisation. La presse retranscrit cette évolution. Les deux premières phases « dénoncer les gestionnaires » et « dénoncer l’Etat » sont donc des phases de constats, de recherche, de volonté de compréhension. Ce sont aussi les phases où les relations entre les acteurs semblent stables. La presse accompagne les mouvements de la société, elle en est en même temps le stimulateur. « Le temps des révélations » précède « le temps des conflits » et la presse est un acteur central au moment des scandales qui concernent l’Etat. C’est aussi un acteur central « au temps des conflits ». Il est possible de considérer que si les conflits prennent de l’importance, c’est aussi parce que la presse alimente les tensions avec des titres chocs et des

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articles concentrés sur les critiques des uns envers les autres. Le temps des conflits est aussi le temps des victoires pour les citoyens et des échecs pour l’Etat. Nous avons pu démontrer un rapport de force qui s’est équilibré voire inversé. La presse semble être la vitrine idéale pour ces constats. L’aspect chronologique de l’échantillon fait donc surtout ressortir les conflits et les tensions. Chaque période rend le conflit un peu plus complexe, en ajoutant des acteurs, notamment dans l’opposition et des éléments compromettants, notamment pour l’Etat.

Ces résultats présentent quelques limites. Les catégories sont hétérogènes et peuvent être critiquées. Excepté pour la mise en cause des gestionnaires, qui s’arrête après 2004, pour se concentrer sur l’Etat, il n y a aucun type de sujet traité par la presse (révélation, conflit ou accusation) qui reste cantonné dans la phase qui lui est attribuée. Ce choix de catégories peut être vu comme arbitraire. Certaines années très importantes en termes de nombres d’articles rédigés comme 2013 ou 2016 auraient pu être des catégories à part entière. En effet, les années sont très hétérogènes en termes de nombres d’articles. Nous avons, par exemple, 22 articles datés de 1990 à 1999 contre 47 parus exclusivement en 2013 et 48 en 2018. Nous pouvons proposer plusieurs explications à cela : avant 2004 et la fin de l’activité minière, on suppose une certaine pudeur de la presse régionale à relayer des informations « négatives » sur l’activité qui fait fonctionner l’économie du territoire. Cette hypothèse est appuyée par le fait qu’en 1999, on ne recense pas d’article sur les pollutions malgré les inondations dévastatrices qui peuvent éroder les sols et polluer l’Orbiel. Cette absence de couverture médiatique peut être causée par le fort mouvement social minier à l’approche de la fermeture de la mine. Les acteurs citoyens, d’Etat mais aussi la presse auraient pu limiter leurs critiques de la mine par respect ou inquiétude face à la situation. La deuxième possibilité est que certaines années, comme celle de 2013, sont traversées par des scandales, liés à l’Etat, qui ont des répercussions à très long terme dans l’année. Dans un premier temps, le scandale émerge, ce qui provoque plusieurs articles qui tentent de comprendre les détails et les dessous de l’affaire. Ensuite, il y a les premières réactions dans l’immédiateté, puis des réactions plus à froid. Les faits peuvent provoquer des conférences de presse, des réunions publiques, des évaluations ou des études et de l’expertise. Si l’affaire se produit en début d’année, toutes ces réactions suivront la même année. Si un journal a couvert le moment de la révélation, il aura tendance à continuer de suivre l’ensemble des répercussions. La

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dernière hypothèse est que certains événements comme les Commissions Locales d’Informations sont sources d’articles avant et après, ils résonnent donc plus longtemps que d’autres. Avant la CLI la presse annoncera ses enjeux, et interrogera les différents acteurs sur leurs attentes. La transparence étant un enjeu essentiel qui traverse l’échantillon, elle sera toujours questionnée. Après la CLI, on pourra faire des comptes rendus, réinterroger les acteurs, faire le bilan des enjeux et de la transparence. En 2018, 10% des articles traitaient de la CLI.

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Il n’y a pas de raison statistique aux phases historiques, elles sont partiales et qualitatives. On aurait certainement pu imaginer de nombreux autres découpages. Par exemple en coupant les groupes aux quantiles de l’échantillon, ou alors en découpant des groupes tous les quatre ans. Ici du fait du biais de l’échantillon, un découpage statistique n’a pas beaucoup de sens, car l’analyse n’est pas complète et les manques trop importants biaisent les statistiques. Pour une correcte analyse statistique, il faudrait, par exemple, lire chaque jour, chaque quotidien, entre les dates et en extraire tous les articles sur le sujet. Les groupes réalisés présentent l’avantage de comprendre la cristallisation d’une situation spécifique. En regardant du point de vue des acteurs et des propos relayés on s’approprie les différentes visions des acteurs, ce qui permet une vision d’ensemble. Il y a bien différentes phases, cependant celles-ci ne sont pas absolues, elles sont relatives à une étude menée, un sujet d’intérêt, des éléments sur lesquels l’on se concentre.