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Le temps n’est plus où les phénomènes immuables focalisaient l’attention. Ce ne sont plus d’abord les situations stables et les permanences qui nous intéressent, mais les évolutions, les crises et les instabilités.

Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, 1976, La nouvelle alliance, Paris, Gallimard.

L’objectif de ce chapitre est de tester, et d’éventuellement valider, les hypothèses présentées dans la première partie et faisant de l’Assemblée générale un acteur-reflet pertinent du Système-Monde. Il s’agira en effet de mettre en évidence les grandes régions politiques du monde de 1985 à 2010 en se basant essentiellement sur l’étude des votes et les parrainages des résolutions présentées dans la section précédente.

2.3.1 Étudier les votes : graphes et modèle graphique

Les données utilisées pour construire les figures suivantes ont la forme de matrices rectangulaires avec en lignes les États membres de l’ONU et en colonnes les codes des résolutions soumises au vote de l’Assemblée générale. Chaque case du tableau contient un code alphanumérique correspondant aux quatre positions possibles (pour mémoire, oui, abstention, non, ne participe pas au vote). Plusieurs traitements peuvent être envisagés pour produire des regroupements sur les lignes pour déterminer quels pays votent de la même façon, sur les colonnes pour établir une typologie des résolutions en fonction des positions adoptées par les États.

Il est possible de considérer la matrice comme la matrice d’adjacence d’un graphe biparti. Une opération usuelle consiste alors à transformer cette matrice État/résolu- tion en matrice de cooccurence (ou de similarité)2 État/État ou résolution/résolution.

Ces matrices peuvent être utilisées pour réaliser des processus de classification type CAH (classification ascendante hiérarchique). Il est possible également de transformer le tableau de départ en tableau disjonctif complet et de le soumettre à une Analyse des correspondances multiples3. Une autre option, souvent utilisée, consiste à recoder

numériquement les positions de vote afin de soumettre le tableau à une analyse factorielle.

1. Robert Keohane, 1967, “Political Influence in the General Assembly”, International Conciliation, 577, cité par Wang 1999, op.cit. : “The costs of exercising pressure tend to be too high for the marginal gains, particularly in view of the resentment and long-run antagonism that pressure can produce [. . .] It’s only on very important issues [. . .] that bilateral pressure become worthwhile for the great powers”.

2. Dans le premier cas, les cases fourniront le nombre de positions communes, dans le deuxième cas, leur pourcentage.

3. ACM : méthode semblable à une analyse factorielle des correspondances mais adaptée aux variables qualitatives grâce à un codage booléen. Concrètement, il y aurait en lignes les États et en colonnes les quatre modalités possibles pour chaque résolution.

Quelle que soit la méthode utilisée, l’hypothèse implicite est que, si des États votent systématiquement de la même façon sur tous les sujets, il est possible de les considérer comme politiquement proches. À l’inverse, deux États votant systématiquement de façon différente sont supposés être politiquement éloignés l’un de l’autre. L’étude des discours des acteurs peut la plupart du temps permettre de valider les relations mises en évidence par ces traitements. Quelle que soit la méthode utilisée, les résultats fournis sont uniquement descriptifs et ne permettent pas d’expliquer les partitions obtenues. La démarche la plus pertinente se déroule donc en deux temps : tester la robustesse des partitions obtenues avec différentes méthodes, puis considérer cette partition comme une variable à expliquer.

L’un des aspects amusants concernant la littérature quantitative sur les votes à l’ONU est que la comparaison entre les résultats obtenus par les différent-e-s auteur-e-s est le plus souvent impossible à réaliser. La raison s’explique moins par le choix des méthodes (toutes produisent peu ou prou les mêmes résultats) que par la sélection des données effectuée. Les auteur-e-s américain-e-s héritaient tous les dix ans des données collectées par leurs prédécesseur-e-s, les harmonisaient, corrigeaient certaines erreurs, puis les transmettaient à leur tour. Ce n’est plus le cas depuis 2003 où Erik Voeten rend sa base, la plus complète existant à ce jour, publique (voir annexe B.1 page 249). Cette base a beau être complète (tous les résultats de votes de résolutions à l’AG depuis sa création), elle comporte cependant de nombreuses erreurs. Et chaque auteur-e qui l’utilise commence par préciser qu’il ou elle a corrigé un certain nombre d’erreurs, sans bien sûr indiquer lesquelles ou la façon de les corriger (retour aux sources onusiennes, suppression des colonnes douteuses ?). . .

Les résultats qui suivent utilisent les votes portant sur les résolutions dans leur ensemble, moins les votes unanimement positifs. Les États dont le taux de non participation au vote atteint ou dépasse 30% ont été éliminés avant les traitements. En ce qui concerne les dates choisies, s’il est aisé de justifier des deux extrémités, justifier le choix des périodes intermédiaires est plus délicat. Il serait possible par une pirouette rhétorique d’expliquer qu’après tout, cela n’a aucune importance : dans la mesure où il s’agit de montrer la fiabilité d’une source d’information (l’AG de l’ONU) sur un phénomène (l’évolution du Système-Monde), n’importe quelle date, n’importe quel intervalle feront l’affaire. Une option plus intelligente consisterait à sélectionner un certain nombre d’événements dont on peut supposer qu’ils ont perturbé le fonctionnement du système onusien. Mais les critères pour sélectionner ces événements manquent : si l’effondrement du bloc socialiste est sans nul doute un événement d’importance mondiale, il est difficile d’en trouver d’équivalents, sauf à suivre un discours dominant de type journalistique qui ferait, par exemple, du 11 septembre 2001 le début du XXIe siècle1. Deux types de justification existent

concernant les traitements réalisés et les résultats exposés ici : une justification statistique et une justification matérielle.

Afin de mettre en évidence les discontinuités temporelles au sein du système onusien, j’ai utilisé la corrélation de matrices. Chaque matrice de similarité État/État au temps t a été corrélée avec la même matrice au temps t + 1. Seuls les acteurs présents aux deux périodes sont conservés afin d’obtenir des matrices de taille identique. Cela a supposé pour la plupart des sessions t la construction de deux matrices différentes, une matrice ta permettant la corrélation avec la session t − 1 et

Figure 2.18 – Corrélation des matrices de similarité 1985-2009

Toutes les corrélations sont significatives au seuil de 1 pour mille. Lorsque la courbe est plate à un niveau élevé (1985-1988), cela revient à considérer que 90% des similarités entre paires d’acteurs à un moment t s’expliquent par leur similarité à un moment t − 1. Lorsque la courbe est plate, il est donc inutile de multiplier les points d’observation. Les creux correspondent à l’arrivée de nouveaux membres, arrivée souvent consécutive à une transformation du Système-Monde. Les points noirs indiquent les points d’observation choisis. Bien entendu, ces choix restent en partie arbitraires et d’autres sessions pourraient être sélectionnées en se basant sur cette même courbe.

Si le creux de la période 1990-1991 s’explique par une bifurcation majeure du Système-Monde (effondre- ment du bloc socialiste et dislocation de l’URSS), celui des années 2004-2006 s’explique par des causes endogènes au système onusien. On observe à cette période à la fois une augmentation du nombre de résolutions proposées aux votes (71 en 2004-2005, 76 en 2005-2006 et 86 en 2006-2007), ce qui n’était plus le cas depuis 1991, et une forte instabilité concernant les taux d’abstention et de non participation aux votes.

une matrice tb permettant la corrélation avec la matrice t + 1. Il est ainsi possible

de repérer les périodes de stabilité et les discontinuités. Le graphique 2.18 fournit la courbe de ces corrélations et permet de justifier les dates retenues concernant l’étude des votes (sessions 1987, 1991, 1996, 2000, 2004 et 2009).

Si des données exhaustives ont été collectées pour les votes, cela n’a pas été le cas pour les discours ou les auteurs de résolutions. En ce qui concerne les discours, les relevés ont été faits pour une session sur deux de 1985 à 2009. Les données concernant les auteurs de résolutions sont exploitables pour cinq sessions seulement (41, 46, 51, 56 et 61) pour la session plénière et la troisième commission.

La première étape pour les six sessions sélectionnées consiste à calculer le taux national de non participation aux votes, puis d’exclure les membres ayant un taux supérieur ou égal à 30%. Le côté en grande partie arbitraire de ce taux ne peut être nié. Il m’a paru préférable d’appliquer le même seuil aux différentes dates même si les distributions ne sont pas complètement comparables. Les boîtes à moustache des six séries (figure 2.19 page suivante) montrent que ce seuil permet d’inclure systématiquement 90% des individus.

Figure 2.19 – Taux d’absentéisme pour les six sessions étudiées

La dispersion des taux de non participation atteint son maximum au milieu de la période considérée. Ensuite, les écarts se resserrent mais le nombre de membres situés au-delà de la borne supérieure (Q3 + 1.5 × (Q3-Q1)) reste élevé.

Les six matrices État/résolutions sont transformées en matrices de similarité qui indiquent par paire d’acteurs le taux de positions communes sur l’ensemble des votes : 1 indique un comportement toujours similaire, 0 un comportement systématiquement opposé. Les histogrammes de la figure 2.20 montrent les distributions des similarités. Le tableau 2.12 permet une appréciation plus fine des répartitions via les principaux indicateurs statistiques de centralité et de dispersion.

Tableau 2.12 – Similarité des votes : statistiques descriptives

Session 42 46 51 55 59 64 Min 0.041 0 0.054 0.03 0.014 0.03 Q1 0.634 0.52 0.581 0.597 0.563 0.507 Médiane 0.821 0.733 0.676 0.701 0.676 0.687 Moyenne 0.749 0.694 0.677 0.706 0.673 0.67 Q3 0.89 0.88 0.811 0.836 0.831 0.866 Max 1 1 1 1 1 1 Écart-type 0.185 0.21 0.15 0.165 0.184 0.207 CV 0.248 0.302 0.221 0.234 0.274 0.309

L’aspect consensuel de l’Assemblée générale est perceptible à travers ces indicateurs. À toutes les sessions, les trois quarts des paires d’acteurs ont une similarité supérieure à 50%. L’écart entre médiane et moyenne s’est considérablement resserré depuis la fin de la guerre froide.

Figure 2.20 – Histogrammes des similarités (votes)

La 42e session apparaît atypique avec un mode égal à 90% de similarité entre paires d’acteurs. Les

sessions suivantes présentent une distribution généralement bi-modale, avec un premier mode situé autour de 50% de votes similaires et un second situé autour de 90%.

Trouver un seuil pertinent commun aux six sessions considérées relève de la gageure. Proposer des seuils différents et statistiquement justifiés pour chacune nuirait à la clarté de l’ensemble et rendrait les comparaisons malaisées. . .

Les premiers et les derniers déciles sont utilisés pour mettre en évidence les plus fortes oppositions et les plus fortes similarités. De façon plus intuitive, l’ensemble des paires de similarité entre États est examiné et trié. Les 10% les plus faibles et les 10% les plus élevées sont seules conservées pour produire les graphes des plus faibles et des plus fortes ressemblances. Prendre un seuil exigeant est nécessaire pour produire des images lisibles et efficaces (quand 150 États sont considérés, le nombre de liens possibles est de 11175. . .). Se baser sur un seuil statistique plutôt que sur une valeur brute de similarité (90% des votes communs par exemple) permet de contourner le problème lié à l’évolution générale des votes lors de la période considérée.

Prendre cette option revient à étudier deux graphes par session, soit douze graphes au total. Afin de ne pas multiplier les figures, seuls les plus intéressants sont reproduits par la suite. Les caractéristiques principales de ces différents graphes sont indiquées dans les deux tableaux 2.13 et 2.14.

Tableau 2.13 – Graphes des similarités (premier décile)

Session 42 46 51 55 59 64

Seuil 0.45 0.44 0.49 0.52 0.45 0.43

Ordre 157 158 163 156 178 174

Composante connexe 1 1 1 1 1 1

Diamètre 3 2 2 2 3 3

Clique max. (ordre) 3 4 6 6 5 4

Quelle que soit la session choisie, la structure du graphe est la même : une composante connexe regroupant tous les sommets, au diamètre faible, et dont la structure générale est créée par. . . les États-Unis et Israël. Il convient de noter le seuil relativement élevé de similarité : les États aux comportements les plus dissemblables votent de la même façon sur près d’une résolution sur deux.

Tableau 2.14 – Graphes des similarités (dernier décile)

Session 42 46 51 55 59 64

Seuil 0.92 0.93 0.87 0.9 0.9 0.91

Ordre 157 158 163 156 178 174

Isolés 42 58 36 29 49 39

Composantes (nombre) 6 5 3 2 4 3

Comp. max. (ordre) 101 82 123 89 85 95

Diamètre comp. max. 5 5 8 5 5 6

Clique max. (ordre) 23 42 22 27 29 28

Si l’aspect du premier décile varie peu, ce n’est pas le cas du dernier. Le nombre de sommets isolés varie fortement, tout comme le nombre de composantes connexes. L’ordre maximal (nombre de sommets) des cliques reste stable, excepté en 1991, tout comme le diamètre de la composante connexe la plus grande. Si certaines propriétés d’ensemble varient peu, il est nécessaire de pousser plus loin l’étude afin de voir si les acteurs impliqués restent les mêmes.

La structure des graphes relatifs au premier décile (i.e. les 10% de paires d’États qui votent le moins souvent de façon similaire) reste relativement stable d’une session à l’autre, même si l’on repère un effet guerre froide assez net en comparant les figures 2.21 page ci-contre et 2.22 page 130.

L’étude des derniers déciles de votes similaires aux différentes dates sélectionnées permet de mettre en évidence trois phénomènes majeurs. Jusqu’à la dislocation du bloc socialiste, un ensemble formé par les membres du MNA et du G77, auxquels s’ajoutent les États du Pacte de Varsovie, votent de façon très similaire. Quelques ensembles de très petite taille, dont un constitué par cinq des membres de la CEE de

Figure 2.21 – Graphe du premier décile - session 42 (1987-1988)

Un lien entre deux États signifie qu’ils votent de façon différente dans au moins 45% des cas. Pour des raisons de lisibilité, seuls quelques États aux positions remarquables sont nommés. L’opposition États-Unis contre tous ou presque se passe de commentaire. La grande majorité des États se définit d’abord par l’opposition aux États-Unis, puis par l’opposition à des États plus ou moins proches des positions américaines (voir l’ordre d’apparition en haut de droite à gauche).

Le graphe a été réalisé avec le logiciel R, package ‘statnet’, algorithme mds (multidimentional scaling ). Cet algorithme considère la matrice des distances géodésiques (distance la plus courte entre deux sommets mesurée en nombre de liens) comme une matrice de distances géographiques. Si les fondements statistiques de l’algorithme sont bien connus, il tend à placer, avec un graphe de cet ordre, de nombreux sommets aux mêmes coordonnées.

l’époque, sont également visibles. Plus le seuil est élevé, plus cette structure apparaît nettement1.

Après 1991, le bloc socialiste disparaît, et deux composantes connexes se font face. D’une part, une composante connexe comprenant davantage de sommets, mais à la densité plus faible, composée essentiellement de membres du G77 et du MNA. La composante connexe qui apparaît et grossit de session en session, tant en nombre d’acteurs qu’en nombre de liens, est formée par ce qu’il est possible de nommer un peu vite des États occidentaux.

Cette description pourrait n’être qu’un artefact dû au seuil choisi. De nombreux tests effectués2 montrent qu’il n’en est rien et que, de session en session, la même

configuration apparaît. Il va de soi que cette structure similaire concerne l’aspect général et non la place et les relations particulières de tel ou tel acteur.

1. Voir les graphes des 5 derniers centiles dans mon article paru en 2010, « Les votes de l’Assemblée générale de l’ONU de 1985 à nos jours. Pistes (carto)graphiques », M@ppemonde, 97.

2. Outre l’article de M@ppemonde déjà cité, voir Laurent Beauguitte, 2009, “Multiscalar approaches of voting behaviour of European countries in the United Nations General Assembly”, Paper presented at the 5thECPR General Conference, Potsdam et Laurent Beauguitte et Maher Ben Rebah, 2010, « Espaces méditerranéens, vers une convergence politique et économique ? », Communication présentée au colloque Espace d’action, espace en action : la Méditerranée à l’invite de la géographie, Sousse.

Figure 2.22 – Graphe du premier décile - session 55 (2000-2001)

Un lien entre deux États signifie qu’ils votent de façon différente dans au moins 49% des cas. Les États-Unis restent l’acteur structurant en ce qui concerne les plus faibles similarités de vote, ils sont rejoints par Israël, les États fédérés de Micronésie et, de façon un peu moins nette, les Îles Marshall. Les États en haut à gauche du graphe se signalent par une non participation aux votes relativement importance (quoique inférieure à 30%), ce qui explique leur position. France et Royaume-Uni continuent à nettement s’individualiser (votes sur le désarmement et le nucléaire obligent) et plusieurs États de l’ex-bloc socialiste affichent un tropisme occidental expliquant leur position.

Le graphe a été réalisé avec le logiciel R, package ‘statnet’, algorithme mds (multidimentional scaling ).

Cette évolution apparaît plus nettement encore lorsque le seuil de similarité choisi est plus élevé. Les deux figures 2.25 page 135 montrent quelles paires d’États votent de façon similaire durant les 42e et 59e sessions plus de 98 fois sur 100. Si en

1987-1988, certains États du bloc socialiste montrent une cohésion sans faille (sur 145 résolutions), la situation se transforme radicalement en 2009-2010 avec l’apparition d’un bloc soudé composé en majeure partie d’États membres (ou candidats) de l’UE.

Le recours aux graphes permet de résumer les principales tendances mais présente un inconvénient de taille : le caractère non-exhaustif des relations mises en évidence. Ainsi, la « distance » entre les différentes composantes connexes n’est pas apparente, et il est impossible de connaître la situation des États isolés.

Pour situer l’ensemble des acteurs, il m’a semblé intéressant, plutôt que de reprendre les techniques éprouvées mentionnées plus haut (ACM, CAH, etc.), de tester une méthode issue de l’analyse des réseaux sociaux, à savoir la recherche de l’équivalence structurale. Dans un graphe, deux sommets qui ont les mêmes relations avec les mêmes acteurs sont dits structurellement équivalents . Cette méthode a été très peu utilisée à ma connaissance en géographie, elle permet pourtant d’obtenir des résultats intéressants.

Plusieurs méthodes existent pour calculer cette équivalence structurale : celle utilisée ici est une adaptation de la méthode CONCOR aux matrices valuées et non

orientées. Mise au point au début des années 70, la méthode CONCOR soumet une matrice de distances (euclidiennes, topologiques, etc.) à une itération de corrélations. Une matrice corrélée avec elle-même après x itérations ne contient plus que des 1 et des -1, ce qui permet une première partition en deux sous-matrices. Les deux sous-matrices de distances correspondantes sont soumises à leur tour à une série de corrélations pour parvenir à une nouvelle partition1.

Chaque étape permet d’obtenir une partition complète en deux ensembles disjoints. La matrice utilisée en entrée est la matrice des similarités entre paires d’États. L’inconvénient principal de cette méthode est que le nombre de classes obtenu est obligatoirement un multiple de 2. Une structure ternaire de type centre - périphérie intégrée - périphérie délaissée2 ne pourrait pas être mise en évidence par cette

méthode. Implicitement, cette méthode introduit une dimension temporelle dans l’analyse : une itération de corrélation revient à raisonner en imaginant ce qui se passerait si cet instantané (matrice de distances à un moment t) se reproduisait x fois.

Les cartes 2.26 et 2.27 pages 136-137 montrent les partitions obtenues pour quatre sessions. La position de la Russie évolue de manière particulièrement intéressante : se rapprochant des États occidentaux durant la décennie 90 puis s’en éloignant. À l’inverse, la Turquie qui est plus proche au départ des « États du Sud » glisse de façon durable vers les « États du Nord ». Les deux dernières sessions étudiées (59 et 64) montrent une fois de plus le rôle central des États-Unis pour la définition des ensembles. Les mêmes traitements ont été faits une fois exclus États-Unis et Israël des matrices, les résultats sont sensiblement identiques. Ce qui revient à considérer que s’il y a bien une divergence nette en les États-Unis et le reste de l’AG, il existe une discontinuité politico-spatiale toute aussi nette entre ce qui peut être qualifié d’Occident (Corée du Sud, Israël et Japon inclus) et le reste du monde.

Les partitions en huit classes apportent peu d’informations complémentaires (elles permettent cependant la mise en évidence du bloc socialiste avant 1991) et n’ont pas été reproduites ici.

La constitution des ensembles cohérents obéit également à des logiques de mar- chandages clairement mises en évidence dès les premières années de fonctionnement de l’ONU. Des années 60 au début des années 90, il est ainsi admis tacitement que les États d’Afrique noire votent contre Israël et qu’en échange, les pays arabes votent contre l’Afrique du Sud3.

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