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D´etection et caract´erisation du brouillard de jour

Chapitre 4 Estimation de la visibilit´ e atmosph´ erique par cam´ era embarqu´ ee

4.2 D´etection et caract´erisation du brouillard de jour

De nombreuses m´ethodes ont ´et´e propos´ees depuis une quinzaine d’ann´ees concernant la d´e-tection de brouillard de jour par cam´era et la caract´erisation de la visibilit´e dans le brouillard. Nous ne nous attarderons pas sur les nombreuses m´ethodes statiques permettant d’estimer la densit´e de brouillard, soit par comparaison d’images [Narasimhan 03b], soit par d´etection et estimation simultan´ee du voile atmosph´erique [Kaftory 07], soit par comparaison des contrastes attendus par rapport `a une sc`ene 3D ou `a des mires [Busch 98, Narasimhan 01, Kwon 04, Hallowell 05, Babari 10] car l’ensemble de ces m´ethodes sont sp´ecifiques au traitement statique et ne peuvent ˆetre transpos´ees en conditions dynamiques alors que la sc`ene est inconnue.

4.2.1 Mat´eriels de mesure de la visibilit´e m´et´eorologique

Les mat´eriels de mesure de la visibilit´e m´et´eorologique sont essentiellement de type optique. Lorsqu’il s’agit de qualifier la visibilit´e, ils sont alors appel´es visibilim`etres. D’autres mat´eriels existent, mais ils s’int´eressent plus `a la transmittance de l’atmosph`ere pour des gammes d’ondes ´electromagn´etiques telles que les ondes hertziennes ou les ondes radar (longueurs d’onde micro-m´etriques). Leurs domaines d’applications respectifs sont limit´es `a ces gammes de fr´equences.

Les principaux mat´eriels optiques utilis´es pour estimer la distance de visibilit´e m´et´eorolo-gique sont les transmissiom`etres et les diffusiom`etres. Les transmissiom`etres estiment le coeffi-cient d’extinction du brouillard `a partir de l’att´enuation d’un faisceau au travers d’une couche d’atmosph`ere d’´epaisseur donn´ee. Ils sont constitu´es d’une base ´emettrice et d’un d´etecteur comme illustr´e sur la figure 4.6.

Figure 4.6 – Sch´ema de principe d’un transmissiom`etre.

Ces appareils utilisent une lumi`ere modul´ee qui leur permet de fonctionner de jour comme de nuit et de n’estimer que l’extinction du faisceau ´emis. Lors de la phase de calibrage de l’appareil (en atmosph`ere la plus s`eche et la plus propre possible), le r´ecepteur enregistre un flux provenant de la base ´emettriceΦ0. En pr´esence de brouillard ou d’une source de perturbation de l’atmosph`ere (fum´ee, poussi`ere, pluie, neige etc.), la base re¸coit un flux incident mesur´eΦm0. Le coefficient d’extinction de l’atmosph`ere est estim´e connaissant la distance ´emetteur-r´ecepteur que l’on appelle la « base » par :

k= 1 dlnm Φ0  (4.1) Comme nous l’explicitons dans la section 3.4.3, cette mesure d’att´enuation est l’att´enuation effective pour une base donn´ee. Le coefficient d’extinction k du mod`ele d’att´enuation de Beer-Lambert (mod`ele sous-jacent utilis´e dans les transmissiom`etres) ne peut ˆetre consid´er´e comme constant dans le brouillard de nuit car le brouillard n’est pas un pur ph´enom`ene d’extinction. La diffusion avant (donc l’´ecart `a la loi de Beer-Lambert) ´etant fonction de la distance, de la

densit´e et de la granulom´etrie du brouillard, on ne devrait pas extrapoler la port´ee lumineuse dans le brouillard de nuit. Une mesure r´eelle correspond `a une mesure d’att´enuation effective pour une base (distance) donn´ee. En revanche, l’int´erˆet de ces mat´eriels est que la base peut ˆetre tr`es grande (de 10 m jusqu’`a plusieurs kilom`etres), on peut donc obtenir une mesure moyenne valable dans une gamme de distances proches de celle de la base. Malheureusement ils sont coˆuteux et l’alignement des blocs optiques peut se r´ev´eler d´elicat.

Les diffusiom`etres sont nettement moins encombrants que les transmissiom`etres. Le principe consiste `a illuminer un volume d’atmosph`ere r´eduit et `a observer la lumi`ere diffus´ee dans la direction du r´ecepteur comme illustr´e sur la figure 4.7.

Figure 4.7 – Sch´ema de principe d’un diffusiom`etre.

La quantit´e de lumi`ere diffus´ee dans la direction du r´ecepteur est telle que :

I= AI0V f)e−kd (4.2)

avec A une constante d´ependant de la puissance et de l’optique de la source, I0 l’intensit´e de la source, V le volume diffusant (intersection du faisceau d’´emission et du faisceau d’analyse),

f) la fonction de diffusion dans la direction d’analyse qui d´epend de la granulom´etrie, k le coefficient d’extinction et d la longueur du trajet optique entre ´emetteur et r´ecepteur.

Le coefficient d’extinction est estim´e tel que :

k= −ln(I/dA0IO) (4.3)

o`u A0 est une constante d´ependant de la configuration mat´erielle.

Cet appareil, moins encombrant qu’un transmissiom`etre est en revanche plus sensible aux h´et´erog´en´eit´es du brouillard. De plus, comme pour le transmissiom`etre mˆeme si l’origine est dif-f´erente, il souffre d’un biais structurel : la fonction f (θ) d´epend de la granulom´etrie du brouillard. Ainsi, si le processus de formation du brouillard donne un brouillard compos´e de gouttelettes dont la distribution de tailles de gouttes est diff´erente de celle associ´ee `a la fonction f (θ), l’esti-mation de k est biais´ee. Comme nous l’explicitons dans la section 3.4.3, la valeur de k ne devra pas non plus ˆetre extrapol´ee sur de grandes distances avec cet appareil, en particulier pour estimer la port´ee visuelle dans le brouillard de nuit.

La sensibilit´e aux h´et´erog´en´eit´es empˆeche de concevoir un diffusiom`etre embarqu´e. D’une part, la mesure ne sera repr´esentative que de l’endroit pr´ecis o`u se trouve le v´ehicule et non de son environnement. D’autre part, les turbulences de l’air g´en´er´ees par le v´ehicule en circulation ne feront que renforcer les h´et´erog´en´eit´es de la masse d’air prise en compte pour la mesure. Mais les besoins d’une caract´erisation locale des conditions m´et´eorologiques sont ´evidents, en

particulier `a cause de leur impact sur la visibilit´e. Le d´eveloppement de m´ethodes fond´ees sur l’utilisation de cam´eras permettra d’embarquer un capteur sur le v´ehicule et d’enrichir la gamme des fonctionnalit´es assur´ees par cet outil. Nous pr´esentons dans la suite les diff´erents travaux orient´es sur la d´etection et la caract´erisation de brouillard par cam´era.

4.2.2 D´etection et caract´erisation du brouillard diurne par cam´era

Diff´erentes m´ethodes sp´ecifiquement d´edi´ees `a l’estimation de la visibilit´e en conditions em-barqu´ees existent d´ej`a depuis quelques ann´ees. Celles-ci sont le plus souvent orient´ees sur la d´etection de brouillard de jour et en particulier sur la caract´erisation de la densit´e de brouillard en s’appuyant sur le mod`ele de Koschmieder. Parmi ces m´ethodes, [Pomerleau 97] s’attache `a es-timer le contraste au niveau des marquages routiers, puis en utilisant l’hypoth`ese « monde plan » il estime la distance du point le plus loin appartenant `a la route avec un contraste sup´erieur ou ´egal 5 %. La m´ethode utilis´ee pour calculer le contraste ´etant fond´ee sur l’utilisation d’ondelettes ou par comparaison de la variance des lignes images en fonction de leur hauteur dans l’image. Cette m´ethode s’appuie sur le contraste au niveau des marquages et est donc inop´erante lorsque ces derniers sont masqu´es.

La m´ethode propos´ee dans [Mori 07] s’appuie sur une comparaison d’images `a diff´erentes distances d’un v´ehicule pr´ec´edent. Elle n´ecessite que l’on ait d´etect´e un v´ehicule et que ce mˆeme v´ehicule soit vu ult´erieurement `a diff´erentes distances. La taille apparente du v´ehicule permet aux auteurs d’avoir une notion de distance relative au v´ehicule. En s’appuyant sur la loi de Koschmieder, la d´egradation des contrastes en fonction de la distance permet d’estimer la distance de visibilit´e dans le brouillard de jour.

Dans [Hagiwara 05], un nouvel indice appel´e WIPS3 (Intensit´e pond´er´ee du spectre de puis-sance) extrait par une analyse d’images est propos´e. Il est calcul´e en analysant les images par des filtres fr´equentiels refl´etant les caract´eristiques du syst`eme visuel humain. Des test comparatifs entre la mesure WIPS et des ´evaluations subjectives humaines ont pr´esent´e une bonne corr´ela-tion. L’indice WIPS n’est en revanche pas bien corr´el´e aux mesures de transmissivit´e effectu´ees en parall`ele. Cet indice pourrait donc ˆetre int´eressant pour analyser le comportement du syst`eme visuel humain en pr´esence de brouillard et son rapport avec la transmissivit´e, qui est une mesure des propri´et´es physiques du brouillard et non de ses effets physiologiques.

De nombreux travaux concernant la d´etection et la caract´erisation du brouillard de jour ont ´et´e propos´ees par Hauti`ere [Hauti`ere 05, Hauti`ere 06c, Hauti`ere 06b, Boussard 08]. Ces m´e-thodes peuvent ˆetre class´ees dans deux cat´egories :

D´etection du plus lointain contraste sup´erieur `a 5 %

ces m´ethodes consistent `a calculer les contrastes en des points r´epartis sur toute l’image, puis en se fondant sur l’hypoth`ese « monde plan » (cam´era monoculaire) ou en se fondant sur la disparit´e (syst`eme de st´er´eovision [Hauti`ere 06b]) `a estimer la distance du point de contraste sup´erieur `a 5 % le plus lointain. Cette distance ´etant ´egale `a la distance de visibilit´e mobilis´ee dans le brouillard de jour. Un aspect majeur soulign´e dans [Hauti`ere 07a] est que ces techniques s’appuyant sur des contrastes d´etectables et mesurables par la cam´era sont des techniques d´e-pendantes de la sc`ene. L’estimation est fauss´ee si les objets de la sc`ene ne sont pas eux mˆemes contrast´es par rapport `a leur fond ou si les objets de contrastes suffisant sont ponctuels ou discontinus tels que c’est illustr´e sur la figure 4.8. L’auteur distingue les notions de distance de visibilit´e mobilis´ee et mobilisable. La distance de visibilit´e mobilisable ´etant ´egale `a la

Figure 4.8 – Distance de visibilit´e mobilisable (visibilit´e m´et´eorologique) et distance de visibilit´e mobilis´ee.

tance de visibilit´e atmosph´erique (limite forte) alors que la distance de visibilit´e mobilis´ee est la distance maximale au point de contraste sup´erieur `a 5 % pr´esent dans la sc`ene.

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Evolution d’intensit´e d’un mat´eriau lambertien uni en fonction de la distance

les m´ethodes propos´ees dans [Hauti`ere 06c] s’appuient sur la physique du brouillard et ne d´ependent ni de la pr´esence de marquage, ni de la pr´esence d’un v´ehicule pr´ec´edent, ni de la pr´esence d’objets contrast´es dans la sc`ene. Un objet lambertien dans une sc`ene de brouillard de jour a une luminance d´ependant strictement de sa distance. Un objet suppos´e lambertien tel que le bitume voit sa luminance d´ecroˆıtre selon la loi de Koschmieder. Cette propri´et´e se traduit par la position d’un point remarquable de cette fonction d’intensit´e en fonction de la distance. La position du changement de signe de la d´eriv´ee seconde de la luminance de la route en fonction de sa distance est caract´eristique de la distance de visibilit´e. La difficult´e r´esidant dans la capacit´e `a observer un objet uni sur une grande distance devant le v´ehicule. Ceci est r´ealis´e par une croissance de r´egion en partant du bas de l’image jusqu’`a atteindre le ciel tout en respectant des conditions de croissance fond´ees sur des crit`eres photom´etriques tel qu’illustr´e sur la figure 4.9. On obtient ainsi un calcul direct de la distance de visibilit´e tel que :

Vmet= 3λ

2[vi− vh] (4.4)

avec λ=hα/cos qui d´epend de la configuration g´eom´etrique et intrins`eque de la cam´era (h, hauteur, α la focale en pixels et θ le tangage) et vi l’indice de la ligne contenant le point d’inflexion de la d´eriv´ee seconde de l’intensit´e en fonction de la distance et enfin, vh l’indice de la ligne d’horizon.

La m´ethode propos´ee par [Mori 07] est limit´ee `a l’estimation de brouillard en conditions de suivi de v´ehicules, ce qui ne cadre pas avec la situation type trait´ee dans DIVAS : un conducteur seul. On retiendra que bien que s’appuyant sur la d´efinition de la distance de visibilit´e m´et´eorolo-gique de jour (plus lointaine distance de d´etection d’un objet de contraste sup´erieur `a 5 %), les m´ethodes cherchant un tel objet dans la sc`ene sont susceptibles de ne renvoyer qu’une distance de visibilit´e mobilis´ee, par d´efinition inf´erieure `a la distance de visibilit´e m´et´eorologique. La deuxi`eme m´ethode qui s’appuie sur les propri´et´es physiques du brouillard n’est pas compl`ete-ment d´ecorr´el´ee de la sc`ene. Elle n´ecessite la pr´esence d’un objet uni dont l’intensit´e tend vers celle du ciel. Un tel objet est en l’occurrence disponible dans de nombreuses sc`enes routi`eres : la route. Les principales limitations de cette deuxi`eme m´ethode sont les masquages de la route par d’autres v´ehicules ou des ´el´ements de l’infrastructure ou la distance de visibilit´e g´eom´etrique de

Figure 4.9 – Estimation de la distance de visibilit´e par croissance de r´egion (a) et d´erivation des param`etres d’int´erˆet (b).

la voie (en virage, la voie n’est plus visible apr`es quelques dizaines de m`etres, la croissance de r´egion ne peut se poursuivre jusqu’`a ce que la route se confonde avec le ciel).

Nous allons aborder dans la suite les outils et les mises en œuvre existantes concernant le brouillard de nuit. Bien que seules les conditions d’illumination changent entre le jour et la nuit, les mod`eles et outils utilis´es pour le brouillard de jour ne sont plus tout `a fait les mˆemes.