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D´efinitions, constructions, et premi`eres propri´et´es

Dans le document ELEMENTS DE CALCUL STOCHASTIQUE (Page 23-28)

D´efinition 3.1 SoitX={Xt, t≥0}un processus issu de 0 et `a valeurs dansR. On dit que X est un mouvement browniens’il v´erifie l’une des deux conditions suivantes (´equivalentes) :

(a) X est un processus gaussien centr´e et de fonction de covarianceE[XsXt] =s∧t.

(b) X est un processus `a accroissements ind´ependants et stationnaires tel que Xt∼N (0, t)pour tout t≥0.

On montre que le MB est `a trajectoires continues. Pr´ecisons que la propri´ete d’ind´ependance des accroissements signifie que pour tout s t, la variable Xt−Xs est ind´ependante de σ{Xu, u≤s}, tribu du pass´e avants. La propri´et´e de stationnarit´e des accroissements signifie simplement que la loi de Xt−Xs ne d´epend que de t−s : pour t s, Xt−Xs d

= Xt−s. Les processus `a accroissements ind´ependants et stationnaires (P.A.I.S) portent aussi le nom deprocessus de L´evy.Leur structure a ´et´e caract´eris´ee dans les ann´ees trente successivement par De Finetti, Khintchine et L´evy. Nous reviendrons plus loin sur ces processus tr`es importants qu’utilisent de plus en plus les financiers math´ematiciens.

Contentons-nous pour l’instant de renvoyer aux deux monographes de r´ef´erence [1], [21] ou encore [20]

pour de plus amples informations.

Comme nous le disions plus haut, la preuve rigoureuse de l’existence du mouvement brownien repose sur la construction d’une mesure de probabilit´es sur l’espace des trajectoires, lamesure de Wiener.Plus pr´ecis´ement, on prend comme espace de probabilit´es sous-jacent l’espace Ω = C(R+,R) des fonctions continues de R+ dans R, on note Xt(ω) = ω(t) pour tout t 0 le processus canonique (ici, ω Ω est une fonction), FtX =σ{Xs, s≤t} la filtration canonique etF =F. La mesure de Wiener est

23

24 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT BROWNIEN une probabilit´e sur (Ω,F,{FtX}) sous laquelleX est un mouvement brownien au sens de la d´efinition pr´ec´edente. Nous renvoyons par exemple `a [11] pour la construction de cette mesure. Signalons au passage que la construction de Wiener a donn´e naissance `a une axiomatique plus g´en´erale, l’axiomatique de Kolmogorov(1933), laquelle permet de construire une classe beaucoup plus large de processus. Dans la suite, le mouvement brownien sera souvent not´eB(comme Brownien) ouW (comme Wiener). Quand il sera n´ecessaire de consid´erer la mesure de probabilit´es sur l’espace des trajectoires, nous utiliserons plutˆot la notation X du processus canonique. On peut aussi construire plus simplement le Brownien comme limite de promenades al´eatoires renormalis´ees :

Cette propri´et´e est notamment exploit´ee pour les simulations. SoitX une v.a. de Bernoulli, i. e.P[X = 1] =P[X =−1] = 1/2 et soit{Xn, n≥0}une suite de v.a. ind´ependantes et ´equidistribu´ees de mˆeme en loi pour toutt∈[0,1].On peut alors montrer alors quetoutela trajectoire du processusUN converge en loi vers celle du mouvement brownienB. Cette convergence en loi de processus porte aussi le nom de principe d’invariance de Donsker, et utilise de fa¸con cruciale la notion de tension d’une famille de lois de probabilit´es. Nous renvoyons par exemple `a [10] pour plus de d´etails sur ces deux notions.

Etablissons maintenant l’´equivalence entre les points (a) et (b) dans la d´efinition du Brownien : supposons d’abord que (a) soit vraie et fixonsr≤s < t. On a

E[Xr(Xt−Xs)] =E[XrXt]E[XrXs] =r∧t−r∧s=r−r= 0.

3.2. D ´EFINITIONS, CONSTRUCTIONS, ET PREMI `ERES PROPRI ´ET ´ES 25

0 1 2 3 4 5

−10

−5 0 5

Fig.3.1 – Trajectoires Browniennes

DoncH = Vect{Xr, r≤s}est orthogonal `aXt−XsdansL2. Mais commeX est un processus gaussien par hypoth`ese, ceci entraˆıne que σ(H) =σ{Xr, r≤s} est ind´ependante de Xt−Xs, et donc que X est `a accroissements ind´ependants. Enfin, on sait queXt−Xsest une gaussienne centr´ee, et qu’il suffit donc de calculer sa variance pour d´eterminer sa loi. Or

Var(Xt−Xs) =E[(Xt−Xs)2] =E[Xt2]2E[XsXt] +E[Xt2] =t−2s+s=t−s,

d’o`u Xt−Xs ∼N (0, t−s), ce qui montre (b). R´eciproquement, supposons que (b) ait lieu. Soient a1, . . . , anRet 0 =t0≤t1< . . . < tn. On peut red´ecomposer

Xn

i=1

aiXti= Xn

i=1

(ai+. . .+an)(Xti−Xti−1)

et on voit que le terme de droite est une somme de gaussiennes ind´ependantes (par ind´ependance des accroissements), donc une gaussienne. Ceci entraˆıne que X est un processus gaussien, et l’on voit imm´ediatement qu’il est centr´e. Pour calculer sa covariance, on ´ecrit pour touts≤t

E[XsXt] =E[Xs(Xs+Xt−Xs)] =E[Xs2] +E[Xs(Xt−Xs)] =s+ 0 =s=s∧t.

¤

Exercice 3.2 * Soit W un mouvement brownien et 0 r < s < t. Calculer les quantit´es P[Wr >

0],P[Wr>0, Ws>0] etP[Wr>0, Ws>0, Wt>0].

Exercice 3.3 (a) SoitX un processus `a accroissements ind´ependants. Montrer que si E[|Xt|] <+∞

(resp. E[|Xt|2] < +∞), alors le processus Xt1 = XtE[Xt] (resp. Xt2 = Xt2E[Xt2]) est une FtX -martingale. Montrer aussi que siE[expθXt]<+∞pour un certainθ∈R,alors

Xt3 = expθXt E[expθXt]

26 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT BROWNIEN est uneFtX-martingale.

(b) Apr`es avoir v´erifi´e les hypoth`eses d’int´egrabilit´e, identifier les processus X1,X2 et X3 dans le cas du mouvement brownienB : montrer queXt1=Bt, Xt2= (Bt)2−tet que Xt3= exp£

θBt−θ2t/2¤ . Le point (b) de l’exercice pr´ec´edent admet une c´el`ebre (et tr`es utile) r´eciproque, due `a Paul L´evy : Th´eor`eme 3.4 [Th´eor`eme de caract´erisation de P. L´evy]Soit{Xt, t≥0}un processus continu issu de 0. Alors X est un mouvement brownien si l’une des deux conditions suivantes est v´erifi´ee : (a) Les processusX ett7→(Xt)2−t sont des martingales.

(b) Le processust7→exp£

θXt−θ2t/2¤

est une martingale pour toutθ∈R.

Remarque 3.5 Si B1 et B2 sont deux Browniens ind´ependants, alors le produit B1B2 est une mar-tingale. On peut le voir de deux fa¸cons :

(a) En utilisant le fait que siF,G sont deux tribus etX, Y sont deux v.a. telles queX∨F et G sont ind´ependantes ainsi queY ∨G et F, alorsE[XY|F ∨G] =E[X|F]E[Y|G].

(b) En remarquant que (B1+B2)/

2 est un processus gaussien de covariancet∧s, donc un Brownien.

Donc (Bt1+B2t)2/2−test une martingale, de sorte queBt1Bt2 = ((B1t +Bt2)2−t)−((Bt1)2−t)/2− ((Bt2)2−t)/2,diff´erence de trois martingales, est aussi une martingale.

Le th´eor`eme suivant, ´egalement c´el`ebre, va maintenant permettre de pr´eciser la r´egularit´e de la trajectoire brownienne :

Th´eor`eme 3.6 [Lemme de Kolmogorov]Soit{Xt, t≥0} un processus `a valeurs dansRd tel qu’il existe c, ε, p avec

E[|Xt−Xs|p] c|t−s|1+ε

pour tous t, s≥0.Alors p.s. les trajectoires deX sont α-H¨older pour tout α∈]0, ε/p[.

Les d´emonstrations des th´eor`emes de L´evy et de Kolmogorov sont par exemple donn´ees dans [11] ou dans [17]. Rappelons qu’une fonctionf :R+Rd estα-H¨older si

sup

0≤s<t≤T

|f(t)−f(s)|

|t−s|α < +∞

pour tout T 0. En particulier, on voit que pour tout β α 0, f β-H¨older f α-H¨older f continue, et que f d´erivable ⇒f 1-H¨older. En gros, laα-H¨olderianit´e de f signifie que localement au voisinage de x0, la courbe de f est comprise entre celle de x 7→ f(x0) +|x−x0|α et celle de x7→f(x0)− |x−x0|α.Pour le Brownien, on calcule

E[|Xt−Xs|p] = 1 p2π(t−s)

Z

R

|x|pe−|x|2/2(t−s)dx

= µ 1

2π Z

R

|x|pe−|x|2/2dx

|t−s|p/2 = cp|t−s|1+(p−2)/2,

de sorte que par le lemme de Kolmogorov, le Brownien est α-H¨older pour toutα∈]0,1/21/p[. En faisant tendre p→ ∞, on voit que le Brownien est α-H¨older pour tout α∈]0,1/2[. On peut montrer que la valeur 1/2 n’estpasatteinte :

sup

0≤s<t≤T

|Xt−Xs|

|t−s|1/2 = +∞

pour toutT 0.En particulier, la courbe brownienne a la propri´et´e remarquable d’ˆetrepartout continue et nulle part d´erivable. Signalons qu’il n’est pas ´evident de construire de telles fonctions sans faire appel aux probabilit´es, un exemple c´el´ebre ´etant cependant la fonction de Weierstrass (1889) :

f(t) = X+∞

k=1

αkcosβkt,

qui est partout continue et nulle part d´erivable d`es queαβ >1 + 3π/2.

3.2. D ´EFINITIONS, CONSTRUCTIONS, ET PREMI `ERES PROPRI ´ET ´ES 27 La filtration naturelle deB est FtB =σ{Bs, s≤t} ∨N o`uN repr´esente la tribu des n´egligeables pour P. CommeB est `a trajectoires continues, rappelons que ©

FtB, t≥

est automatiquement c`ad : FtB = \

s>t

FsB.

Transformations du Brownien.Si{Bt, t≥0}est un mouvement brownien, alors on peut montrer, en v´erifiant leur caract`ere gaussien et en calculant leur esp´erance et leur covariance, que les processus suivants :

(a)t7→ −Bt (processus sym´etrique), (b)t7→c−1Bc2t (processus r´e´echelonn´e),

(c) t7→tB1/tsit6= 0, t7→0 sit= 0 (processus invers´e),

sont aussi des mouvements browniens. Remarquons que le fait que le processus (b) soit un Brownien est implicite dans la construction par discr´etisation en (N−1/2, N−1) vue pr´ec´edemment. L’invariance du processus (b) porte aussi le nom d’invariance par Scalinget signifie que le Brownien est un processus autosimilaire.Une ´etude exhaustive des processus autosimilaires, assez couramment utilis´es en Finance, est le livre [20]. Venons-en maintenant `a d’autres propri´et´es trajectorielles du Brownien :

Proposition 3.7 Soit{Bt, t≥0} un mouvement brownien. Alors p.s.

(a) lim supt→+∞t−1/2Bt= lim supt→0t−1/2Bt= +∞.

(b) lim inft→+∞t−1/2Bt= lim inft→0t−1/2Bt=−∞.

(c) limt→+∞t−1Bt= 0.

Preuve :Pour (a), on consid`ere la v.a.

R = lim sup

t→+∞ t−1/2Bt = lim sup

t→+∞ t−1/2(Bt−Bs)

pour tout s 0. Par ind´ependance des accroissements de B, R est ind´ependante de σ{Bu, u≤s}

pour tout s≥ 0, et donc de σ{Bu, u≥0} en faisant tendre s → ∞. Or R est clairement mesurable par rapport `a σ{Bu, u≥0},de sorte que R est ind´ependante d’elle-mˆeme, et ceci n’est ´evidemment possible que siRest une constante d´eterministe (loi du tout ou rien). Supposons queRsoit finie. Alors P[t−1/2Bt≥R+ 1]0 quandt→+∞. Mais par scaling,

P[t−1/2Bt≥R+ 1] =P[B1≥R+ 1]6= 0

pour toutt≥0,de sorte que n´ecessairementR= +∞. De mˆeme, on montre que lim supt→0t−1/2Bt= +∞p.s.

Le point (b) est une cons´equence imm´ediate de la sym´etrie du Brownien, et le point (c) d´ecoule simplement de la loi des grands nombres.

¤ Cette proposition permet de mesurer grossi`erement deux quantit´es reli´ees `a la courbe brownienne, d’une part sa vitesse locale en chaque point t0 - qui est plus grande que |t−t0|1/2, d’autre part le volume qu’elle occupe dans le demi-espaceR+×R- qui est plus grand `a l’infini que celui d´elimit´e par les courbes t7→√

tet t 7→ −√

t, mais plus petit que celui d´elimit´e par les courbest 7→t et t7→ −t. Une question naturelle concerne alors la vitesse locale et le taux de croissance exacts du Brownien. La r´eponse est donn´e par le c´el`ebre th´eor`eme suivant, dˆu `a Khintchine :

Th´eor`eme 3.8 [Loi du logarithme it´er´e]Soit{Bt, t≥0} un mouvement brownien. Alors p.s.

(a) lim supt→+0Bt/ψ(t) = 1et lim inft→0Bt/ψ(t) =−1, (b) lim supt→+∞Bt/ϕ(t) = 1 etlim inft→+∞Bt/ϕ(t) =−1, o`u l’on a pos´eψ(t) =p

2tlog log(1/t)pour toutt <1/e,etϕ(t) =√

2tlog logt pour toutt > e.

Remarquons que les fonctionsψetϕressemblent beaucoup `at7→√

tau sens o`uψ(t)/t1/2+∞, ψ(t)/tα 0 pour toutα <1/2 quandt→0, etϕ(t)/t1/2+∞, ϕ(t)/tα0 pour toutα >1/2 quandt→+∞.

Ainsi, une bonne image d´eterministe de la courbe brownienne, aussi bien localement que globalement, sont les fonctionst7→√

t ett7→ −√

t.Ceci ´etait d’ailleurs d´ej`a sugg´er´e par la propri´et´e de Scaling vue pr´ec´edemment. Le th´eor`eme suivant sera utilis´e dans la construction de l’int´egrale stochastique. Il met une nouvelle fois en ´evidence le caract`ere “quadratique” de la courbe brownienne :

28 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT BROWNIEN g´en´eral de la s´erie|Ztn−t|2 converge n´ecessairement p.s. vers 0.

¤ Le th´eor`eme suivant, d’une port´ee surtout th´eorique mais fondamentale pour la th´eorie actuelle des

´equations diff´erentielles stochastiques, montre cependant que le choix d’une subdivision non r´eguli`ere peut rendre infinie la variation quadratique du Brownien :

Th´eor`eme 3.10 [Th´eor`eme de la p-variation forte] Pour toutp≥1,soit Vtp= sup particulier, le th´eor`eme pr´ec´edent entraˆıne que le Brownien n’est pas `a un processus `a variations finies, au sens du chapitre 1.

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