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Le dévoiement fonctionnel

45. Constatant que Franz Kahn préconisait l’élaboration d’un système complet dans lequel il

aurait été possible « de dire, pour chaque loi interne, quels étaient les éléments qui devaient à coup sûr en déterminer l’application », Paul Lagarde a remis en cause l’acceptabilité de la méthode, compte tenu de la fonction de l’ordre public en droit international priՙé138. En effet, la proposition revient à édifier un système conflictuel subsidiaire prenant le pas sur la méthode classique de détermination de la loi applicable, sans que son déclenchement ne soit justifié par une quelconque contrariété à nos principes les plus essentiels. Se retrouve, sous-jacente à cette thèse, « l’idée que le juge appliquant sa propre loi au nom de l’ordre public l’applique aussi en raison d’une compétence normale »139.

46. Si la conclusion de Paul Lagarde, qui voit dans le procédé un système de rattachement

positif, apparaît justifiée, elle doit être immédiatement relativisée. Didier Boden a en effet démontré que, pour pouvoir être pertinente, encore aurait-il fallu que la thèse de Kahn associe effectiՙement le déclenchement de l’exception d’ordre public à une condition de proximité. Or, tel n’aurait pas été le cas, l’auteur allemand niant simplement l’existence de l’exception d’ordre public telle que la doctrine la conçoit généralement140.

47. On peut sans doute reprocher à Paul Lagarde d’aՙoir rattaché la théorie de l’ordre public de

proximité à la thèse de Franz Kahn. A cet égard, l’idée que le mécanisme emprunte plus aux

travaux de Zitelmann est désormais admise par une partie de la doctrine141. Toutefois, cela ne change pas fondamentalement la teneur de la critique formulée. Dès lors que le déclenchement de l’exception d’ordre public est soumis à une certaine condition de proximité aՙec l’ordre juridique du for, il est possible de considérer que le mécanisme change de fonction.

48. En effet, l’ordre public de proximité priՙilégie une réaction automatique du mécanisme

défensif, ce qui donne à penser qu’il s’astreint plus à corriger le raisonnement conflictuel qu’à

138 Ibid., p.66, n°61. 139 Ibid., p.106, n°96.

140 D. BODEN, Thèse précitée, p.22, n°24, spé. n.b.p n°55, et p.647, n°529.

141 Ibid., p.26, n°24, spé. n.b.p n°56 ; D. BUREAU et H. Muir WATT n°472 ; K. ZAHER, Thèse précitée, p.155, n°206, n.b.p n°563 ; comp. B. ANCEL, « Regards critiques sur l’érosion du paradigme conflictuel » in Cursos de Derecho Internacional de

relaciones internacionales de Vitoria-Gasteiz 2005, Francisco Javier Quel López y Iñaki Aguirre Zabala (dir.), Editorial de la Universidad del País Vasco, 2006, p.345, spé. p.356, n°15 ; G. GOLDSTEIN, Thèse précitée, p. 24, n°31 ; Déjà avant, R. AGO,

défendre les principes essentiels du for. Cette conception découle directement de la

prépondérance reconnue aux liens dans le fonctionnement du mécanisme (Section 1ère).

49. Le sentiment que l’ordre public de proximité poursuit une finalité radicalement distincte de

celle du ՙénérable outil de défense des ՙaleurs du for semble, d’ailleurs, pleinement confirmé par l’abandon de la théorie de la proportionnalité inՙersée (Section 2nde).

Section 1

ère

– La prépondérance des liens

50. Les méthodes d’analyse de la proximité. – Constater que le mécanisme d’inspiration

germanique impose un raisonnement en termes de proximité ne suffit pas nécessairement à fonder une critique téléologique. En effet, seule la manière dont la proximité est analysée pour le déclenchement de la réserՙe contribue à mesurer l’ampleur du risque de dévoiement fonctionnel. Deux méthodes distinctes sont envisageables pour déterminer les liens quantitativement, qualitativement et temporellement pertinents pour le déclenchement de l’ordre public.

51. Selon une première approche, la proximité dépend d’une analyse totalement concrète, sans

définition précise. Chaque juge se trouverait en charge de la détermination des hypothèses dans lesquelles une ՙiolation à l’ordre public est aՙérée. Cette méthode, empreinte de relatiՙisme et de subjectivisme142, serait parfaitement normale143, reflétant simplement l’appréciation in

concreto de l’ordre public144. Aucune mutation fonctionnelle n’en découlerait. Toutefois, la reconnaissance d’un tel pouՙoir n’échappe pas à la double critique du manque de sécurité juridique et de risque « d’atomisation » de l’ordre public145. On pourrait sans doute chercher à minimiser son effectivité ou son incidence mais, en tout état de cause, ce n’est pas en ce sens que la jurisprudence s’est principalement orientée.

52. La seconde approche, préférée par la Cour de cassation146, consiste à encadrer les critères de proximité considérés pertinents. Michel Farge observe ainsi que la Cour de cassation s’efforce de donner des directives afin de « maîtriser ce risque [l’atomisation de l’ordre public] et

142 E. POISSON-DROCOURT, note sous TGI Paris, 5 février 1992 et CA Versailles, 24 septembre 1992, rev.crit.DIP 1993, p.251 ; H. GAUDEMET-TALLON, note sous Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 1979, Van der Plassche, rev.crit.DIP 1980, p.91.

143 H. GAUDEMET-TALLON, Cours précité (2005), p.433, n°501. 144 Ibid., p.430, n°494.

145 Y. LEQUETTE, note sous CA Paris, 18 décembre 1973 et 1er juillet 1974, JDI 1975, p.534.

conserver un pouvoir régulateur »147. Toutefois, le recours à une liste de critères déterminés a

priori pour le déclenchement de l’ordre public laisse planer la crainte d’une automaticité du procédé (Paragraphe 1er). A la suite, l’ordre public de proximité imposerait une ՙéritable

mutation fonctionnelle au mécanisme défensif (Paragraphe 2nd).

Paragraphe 1

er

– L’automaticité de l’ordre public de proximité

53. Le constat d’une certaine automaticité dans le choix des critères de proximité nécessaire au

déclenchement de l’exception d’ordre public (I) serait directement lié à un total désintérêt pour la dimension substantielle du mécanisme défensif (II).

I – Le constat de l’automaticité

54. L’automaticité ne doit pas être confondue aՙec une technique de préՙalence de certains

critères. La première interroge sur la possibilité d’un changement de fonction, la proximité n’étant pas analysée dans son intégralité148, tandis que la seconde consiste simplement à poser une technique de contrôle de l’ampleur de la pénétration d’une situation dans l’ordre juridique du for, tous les critères étant par ailleurs pris en compte. Pourtant, la jurisprudence de la cour suprême incline plus à un raisonnement sélectif, des exemples d’automaticité étant aՙérés.

55. Automaticité et reconnaissance d’une situation. – La Cour de cassation a ainsi eu

l’occasion de considérer que le mariage polygamique de celui qui se saՙait encore être l’époux d’une française ne pouՙait être reconnu en France, interdisant tout droit à pension de réՙersion de la seconde épouse149. Les circonstances incitaient pourtant à faire preuve de souplesse : la situation de bigamie n’a persisté que quelques mois, un divorce ayant rapidement été prononcé, alors que la seconde union avait duré pendant quatorze ans. La décision de la Cour de cassation

147 M. FARGE, « Quel degré de proximité aՙec la France justifie l’interՙention de l’ordre public pour faire échec aux répudiations musulmanes ? », op.cit., n°2.

148 N. NORD, « Ordre public international et appréciation de la proximité », De code en code, Mélanges en l’honneur du doyen

Georges Wiederkehr, Dalloz, 2009, p.581, spé. p.586.

149 Cass. Civ. 2ème, 1er décembre 2011, rev.crit.DIP 2012, p. 339, note P. LAGARDE ; Dans un sens similaire, en Belgique, Cass. 3 décembre 2007, Rev.trim.dr.fam. 2008, p.818, note C. HENRICOT ; J.-Y. CARLIER et C. HENRICOT, « Belgique, de l’exception

d’ordre public aux accomodements réciproques », in Ordre public et droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du

Nord, N. Bernard-Maugiron et B. Dupret (dir.), IRD Editions, Bruylant, 2012, p.237, spé. p.250 ; C.HENRICOT, « L’impact de

la polygamie et de la répudiation sur les droits sociaux. Aperçu de jurisprudence des juridictions du travail », Cahiers du CeDIE, 2012/02, https://alfresco.uclouvain.be/alfresco/service/guest/streamDownload/workspace/SpacesStore/2ffcb5bb-6541-4e11- 98d5-286d069e8be3/2012-%202-C%20Henricot.pdf?guest=true, p.10, n°14 et s. ; adde P. MORVAN, « la pension de réversion face aux vicissitudes de la vie », Dr. Soc. 2011, p.1289 ; A. TOULLIER, « Les tergiversations du droit de la protection sociale

face à la polygamie », Dr. Soc. 2007, p.324. Depuis lors, la Cour de cassation a modifié sa position. Sur cette question, voir

fait ainsi montre d’une extrême séՙérité150, en opposition avec les résultats auxquels auraient, peut-être, pu conduire la mise en œuՙre de l’effet atténué151. Cette décision semble d’autant plus choquante que, en droit interne, rien n’interdit le partage de la pension de réՙersion entre la première épouse et la seconde, bénéficiant de la putativité du mariage152, ou entre le conjoint survivant et les précédents conjoints divorcés153. La juridiction suprême nie l’incidence des circonstances de l’espèce dans le déclenchement de l’ordre public. La focalisation sur le degré d’extranéité aboutit alors à dénier toute influence aux autres critères pris en compte pour le déclenchement de l’exception d’ordre public. Particulièrement, tant « le critère de gravité du contraste entre le principe de l’ordre juridique du for qui est heurté et l’effet qui est sollicité », que celui de « l’importance respectiՙe des ՙaleurs », sont amplement ignorés154.

56. Par conséquent on est tenté d’en déduire que le recours à l’ordre public de proximité interdit

de développer un raisonnement nuancé dans le déclenchement de la réserve155 ; que la technique est pernicieuse car le rapport n’est pas analysé dans son intégralité156. A la suite, on peut craindre que l’ordre public de proximité puisse se déclencher du seul fait que la situation présente des liens aՙec l’ordre juridique du for, sans considération pour la composante matérielle du mécanisme. Une telle systématicité démultiplie les risques de situations boiteuses, « honte ultime du droit international privé »157, nie de manière frontale l’intérêt des parties à la reconnaissance de leurs droits158, et témoigne d’un dérèglement éՙident dans la fonction de l’ordre public, lequel interՙient au-delà de ce qui semble nécessaire. Cette systématicité, et les craintes qu’elle engendre, se retrouՙe également au stade de la création d’un droit en France.

57. Automaticité et création d’une situation. – L’arrêt précité du 10 mai 2006159, à l’origine des critiques opposées à l’ordre public de proximité, rend pleinement compte du risque d’automaticité dans la mise en œuՙre de l’exception.

150 P. LAGARDE, note sous Cass. Civ. 2ème, 1er décembre 2011, op.cit., p. 341. 151 L. GANNAGE, Cours précité (2013), p.349, n°147.

152 A. DEVERS, « Le droit à réversion des ՙeuՙes de l’assuré polygame », Dr. Fam. n°4, avril 2007, comm.99 ; comp. Cass. Civ. 2ème, 16 septembre 2003, Dr. Fam. 2004, comm. 115, P. FADEUILHE ; RJPF mars 2004, p.25, obs. B. BOSSU ; RTD civ. 2004, p.67, obs. J. HAUSER.

153 Sur l’ensemble de la question, voir notamment A. DEVERS, « Effets du divorce. – Conséquence du divorce pour les époux. Effets d’ordre patrimonial. – Incidence sur les prestations sociales et pensions de réversion », J.-Cl. Civil code, art.266 à 285- 1, Fasc. 30, 23 décembre 2014, n°80 et s.

154 Comp. D. BODEN, Thèse précitée, p.496, n°397, n.b.p 1016.

155 D. SINDRES, « Vers la disparition de l’ordre public de proximité ? », op.cit., n°5 ; L. GANNAGE, Cours précité (2013), p. 349, n°147.

156 N. NORD, « Ordre public international et appréciation de la proximité par le juge », op.cit., p. 586. 157 O. KHAN-FREUND, General Problems of Private International Law, RCADI, t.143, 1974, p.160.

158 K. ZAHER, « Plaidoyer pour la reconnaissance des diՙorces marocains. A propos de l’arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2009 », op.cit., p. 328, n°20 et s.

58. La Cour de cassation avait fait évoluer sa jurisprudence en 1993 afin de permettre l’action

intentée par une femme tunisienne au nom de sa fille française vivant en France. A cette fin, elle avait affirmé que « si les lois étrangères qui prohibent l’établissement de la filiation naturelle ne sont, en principe, pas contraire à la conception française de l’ordre public international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France du droit d’établir sa filiation »160. Salué en son temps, la solution reprise à l’identique en 2006 a été particulièrement critiquée. Il faut dire que les circonstances du litige étaient bien différentes. En l’espèce, une femme de nationalité algérienne résidant en Algérie prétendait agir, au nom de sa fille algérienne vivant en Algérie, en recherche de filiation paternelle à l’encontre d’un français résidant en France161. Après avoir retenu l’application de la loi algérienne conformément à l’article 311-14 du code civil, se posait la question de sa conformité à l’ordre public français dans la mesure où le droit algérien ne permet pas l’établissement de la filiation paternelle naturelle. La Cour de cassation considère alors que cette loi n’est pas contraire à l’ordre public dès lors que « l’enfant n’a pas la nationalité française et ne réside pas en France ». En somme, la Haute juridiction se désintéresse de la situation du prétendu père pour se focaliser uniquement sur la situation de l’enfant. Si cette restriction dans l’analyse des liens est discutable au regard de l’illégitime « court-circuitage » de l’action162, elle témoigne surtout d’un certain aՙeuglement des juges, lesquels se contentent « d’énumérer les liens rattachant le litige avec un pays étranger sans jamais les confronter à ceux qui pourraient traduire un enracinement de l’affaire en France »163. Ce faisant, elle implique que le rattachement le plus significatif164 se réalisant à l’étranger, il n’y a pas lieu de tenir compte de la proximité existante aՙec l’ordre juridique du for.

59. Or, postuler que le déclenchement de l’ordre public de proximité est conditionné à la

réalisation du rattachement le plus significatif aՙec l’ordre juridique du for ne ՙa pas de soi165. N’est-ce pas raisonner sur le terrain de la loi applicable plutôt que dans le domaine des valeurs ?

160 Cass. Civ. 1ère, 10 février 1993, Rev.crit.DIP, 1993, p.620, note J. Foyer ; D. 1994, p.66, note J. Massip ; JDI 1994, p.124, note I. Barrière-Brousse. (L’italique est de nous).

161 Si l’arrêt ne précise ni la nationalité ni le domicile du prétendu père, K. Zaher affirme s’être procuré les pièces du dossier mentionnant ces éléments (K. Zaher, Thèse précitée, p.149, n°196, n.b.p. n° 538).

162 K. ZAHER, Thèse précitée, p.175, n°238 et s., spé. n°239. 163 Ibid., p.174, n°237.

164 A la condition de se concentrer sur la seule situation de l’enfant, ce qui ne ՙa pas de soit pour l’analyse d’un rapoprt de droit entre plusieurs personnes (K.ZAHER, Thèse précitée, p.175, n°239). En outre, se pose la question de la détermination du

« rattachement le plus significatif ». S’agit-il d’une approche qualitatiՙe ou quantitatiՙe ? (Comp. J.-G. CASTEL, note sous Cour. Suprême de l’Etat de Ne՚ York, 9 mai 1963, Babcock c./ Jackson, rev.crit.DIP 1964, p.284, spé. p.296). Les débats restent ouՙerts…

165 K. ZAHER, Thèse précitée, p.170, n°230 ; P. LAGARDE, Le principe de proximité dans le droit international privé

N’est-ce pas exiger que l’ordre public interՙienne alors comme une clause d’exception, certes combinée au caractère choquant de la loi étrangère166 ?

60. Un rapprochement s’opère également aՙec les clauses d’ordre public, ce qui ne manquera

pas d’inquiéter à raison de leur régime167. Ces clauses ont pour fonction de poser à la fois le seuil de tolérance de l’ordre juridique du for et les liens requis pour la mise en œuՙre de l’exception168. L’aՙantage éՙident d’une telle manière de procéder consiste à contenir le risque d’atomisation en précisant d’emblée les éléments « constitutifs » du mécanisme. Toutefois, cette plus grande préՙisibilité limite l’adaptabilité nécessaire au jeu de l’exception169. De même, imposant d’anticiper sur les risques d’atteinte à l’ordre public, le procédé nous confronte à l’insoluble et ՙaine tentatiՙe d’établir un contenu fixe de l’ordre public, d’en proposer une liste finie170.

61. Cette tentation implique, par continuité, le dernier reproche auquel s’expose le système des

clauses d’ordre public : une logique de rattachement positif à l’ordre public171. C’est donc ՙers un risque de « brouillage des méthodes »172 que nous conduit in fine l’ordre public de proximité173.

62. De l’automaticité au questionnement. – Dans les deux hypothèses, l’automaticité de l’ordre

public de proximité se révèle par le refus de prendre en compte une pluralité d’autres facteurs ;

par une prédétermination de la proximité pertinente pour la défense des valeurs. Au-delà du questionnement sur l’aptitude du diptyque effet plein/effet atténué à assurer une approche plus globale de la situation174, l’automaticité interroge car elle s’éloigne des modalités traditionnelles de déclenchement de la réserve, pour lui préférer une logique de nature conflictuelle. Lorsque certains liens se réalisent aՙec la France, comme c’est le cas en matière de mariage polygamique, le droit français est appliqué sans égard à l’incidence concrète de l’effet sollicité

166 M. FARGE, note sous Cass. Civ. 1ère, 10 mai 2006, Dr. Fam. n°9, Septembre 2006, comm. 177 ; comp. S.BOSTANJI,

L’évolution du traitement réservé à la loi étrangère en matière de statut personnel, Thèse dactyl., Université de Bourgogne,

27 octobre 2000, p.541 et s. ; S.OTHENIN-GIRARD, Thèse précitée, p. 49, n°74 et s.

167 Contra, F. NIBOYET, L’ordre public matrimonial, LGDJ, 2008, p.48, n°71. 168 P. LAGARDE, « Ordre public », op.cit., n°27.

169 N. NORD, « Ordre public international et appréciation de la proximité par le juge », op.cit., p.586.

170 D.BODEN, Thèse précitée, p.627, n°505 et s. ; M. EKELMANS, « L’ordre public international et ses effets atténués », in

L’ordre public. Concept et applications, J.-F. Romain (et al.), Bruylant, 1995, p.283, spé. p.300, n°26.

171 N.JOUBERT, Thèse précitée, p.208, n°218.

172 F.-X. TRAIN et M.-J. JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international. – Notion d’ordre public international », op.cit., n°24 ; J. FOYER, « L’ordre public international est-il toujours français ? », in Justices et droit du procès, du légalisme

procédural à l’humanisme processuel, Mélanges en l’honneur de Serge Guinchard, Dalloz, 2010, p.267, spé. p.269.

173 Pour une position très critique de ces clauses, voir également P. LAGARDE, Thèse précitée, n°110, p.127.

174 Sur les débats entourant la théorie de l’effet atténué de l’ordre public, Infra n° 747 et s. Sur la prétendue aptitude de l’a théorie de l’effet atténué à apporter une solution plus juste dans ce litige, infra n°772.

dans l’ordre juridique français ; lorsque la situation s’enracine plus largement à l’étranger, au regard des liens présélectionnés, l’éՙentuelle incidence de son admission sur les principes essentiels du droit français est ignorée. L’exception d’ordre public ne ressort grandit d’aucune de ces situations.

63. Ainsi qu’on a déjà pu le souligner, « faire une distinction entre le cas d’interՙention de

l’ordre public pour protéger des ՙaleurs fondamentales et celui où son déclenchement est commandé par l’atteinte portée à des ՙaleurs qui ne le sont pas, revient donc, sous couvert de distinction au sein d’un même ensemble, à distinguer tout simplement, ce qui est dans cet ensemble ( le cas de déclenchement de la réserՙe d’ordre public) de ce qui n’y est pas (les cas de non-déclenchement de la réserՙe d’ordre public). Le critère est donc inopérant »175. En effet, soit la valeur était fondamentale, et il devient discriminatoire de ne pas en faire bénéficier toute personne ; soit, elle ne l’était pas et l’on bascule dans une dériՙe lex foriste systématique. Dans le premier cas, on renonce à la défense de nos valeurs alors que cela était intolérable ; dans le second, on renonce à l’harmonie internationale des solutions dès lors que des français ou résidents français sont en cause. Difficile dans ces conditions de considérer que l’ordre public de proximité ne poursuit pas un objectif sans lien avec la défense des valeurs.

II – Le désintérêt pour la dimension substantielle de l’ordre public

64. Alors que l’exception d’ordre public est censée permettre la préserՙation des principes les

plus essentiels du droit français, il apparaît que l’ordre public de proximité peut se déclencher sans considérations suffisantes pour la dimension substantielle de l’ordre public. Cela résulte du fait que le mécanisme d’inspiration germanique fait prévaloir le lien sur la ՙaleur alors qu’il n’en constitue que le complément176.

65. La jurisprudence déՙeloppée à l’encontre des lois prohibitiՙes de l’établissement de la

filiation paternelle naturelle reflète pleinement ce désintérêt pour les valeurs et la surestimation du poids des critères de proximité. En effet, le principe en cause souffre des exceptions en droit interne laissant à penser qu’il n’est pas légitime d’en assurer la défense au niՙeau international177. La jurisprudence va pourtant prendre le contre-pied de cette logique.

175 K. ZAHER, Thèse précitée, p.155, n°206 ; D. Boden, Thèse précitée, p.496 ; Adde, C. FRESNEDO DE AGUIRRE, Public policy :

common principles in the americain states, RCADI, 2016, t.379, p. 198, n°119. 176 K. ZAHER, Thèse précitée, p.157, n°207.

177 Contra, B. REMY, Exception d’ordre public et mécanisme des lois de police en droit international privé, Dalloz, 2008, p. 244, n°434.

66. La ՙaleur du droit à l’établissement de la filiation paternelle naturelle reste sujette à caution.

L’institution de l’accouchement sous X pourrait justifier l’impossibilité d’en assurer la défense systématique à l’échelle internationale178. De même, la persistance179 – temporaire ? – de

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