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Pourquoi développer maintenant l’étude des grandes villes en Afrique ?

CHAPITRE 1 : L’AEROSOL DE COMBUSTION EN AFRIQUE

1.5. Pourquoi développer maintenant l’étude des grandes villes en Afrique ?

Depuis les années 2000, le changement climatique est devenu une problématique majeure, affectant inégalement les différentes régions de la Terre. Par ailleurs, la crise économique mondiale récente a montré que les décisions politiques ont des impacts sur l’ensemble des pays du monde bien que ressentie différemment selon les pays. Les scientifiques modélisent (nécessairement sous diverses hypothèses) les impacts des variations de concentrations en gaz à effet de serre et particules, notamment sur la température (IPCC, 2007). Ces approximations tiennent à la complexité du système océan-terre-atmosphère et de son évolution. L’année 2009 a marqué une période critique quant aux avancées sur le changement climatique, avec la conférence de Copenhague en Décembre. Cette conférence, qui succède au protocole de Kyoto qui devait prendre fin en 2012, a permis d’envisager de nouvelles contraintes d’émissions des gaz à effet de serre pour les pays développés. Il a également été envisagé l’application de contraintes à d’autres pays comme l’Inde, la Chine et le Brésil dont l’économie est en pleine croissance et qui devraient réduire dans le futur leurs émissions de gaz à effet de serre. Une question consiste à savoir où en est le continent africain vis-à-vis de ces débats quant à des mesures restrictives des gaz à effet de serre ? Avec une superficie de 30 millions de km2, l'Afrique est sept fois plus étendue que l'Union Européenne et trois fois plus vaste que la Chine. Toutefois, en dépit de la diversité des peuples et des végétations, les différents pays africains présentent certaines caractéristiques communes importantes, notamment du point de vue des ressources naturelles et de l'agriculture, de faibles niveaux de revenus par habitant, et de la marginalisation dans les affaires politiques mondiales. Avec des niveaux élevés d'inégalités et une capacité limitée des gouvernements à fournir des services à

Chapitre I : L’aérosol de combustion en Afrique

la majorité des populations, de nombreux Etats africains servent des intérêts particuliers, notamment là où la richesse minière et/ou pétrolière génère(nt) des ressources considérables. Hormis l’Afrique du Nord et l'Afrique du Sud, les autres régions d’Afrique ont une industrialisation limitée, menacée par la puissance conquérante du secteur manufacturier chinois, avec sa capacité à produire de très grands volumes de marchandises à bas prix. Par conséquent, en termes d’économie mondiale, les pays africains se réduisent pour une large part à une source de matières premières et de produits agricoles. En ce qui concerne le changement climatique et avec les inventaires globaux actuels, l'Afrique se distingue aussi comme étant le continent qui a le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre et de particules. En 2005, c'est environ 29 Gt de dioxyde de carbone qui sont émis annuellement par les combustibles fossiles (pétrole et ses dérivés, le gaz naturel) à l’échelle du globe. En outre, plus des trois-quarts de la consommation d’énergie intervient dans les pays industrialisés de l'hémisphère Nord, en liaison avec une consommation d'énergie par habitant nettement supérieure à celle des pays de l'hémisphère Sud : 8,1 tonnes d'équivalent pétrole par habitant et par an (tep.an-1.hab-1) en Amérique du Nord, 3,6 tep.an-1.hab-1 en Europe à comparer aux 0,5 tep.an-1.hab-1 en Afrique (Bouneau et al, 2007). Par exemple, en 2007, les émissions de CO2 par habitant pour l'ensemble de l'Afrique s'élevaient à 1 tonne/hab de CO2

contre une moyenne mondiale de 4,3 tonnes/hab. Plus précisément, les Etats-Unis émettent 19,9 tonnes/hab de CO2, l'UE15 (les quinze pays de l'UE du début 2004) 6,9 tonnes/hab de

CO2 et la Chine, 3,2 tonnes/hab. L’Afrique du Sud est la seule exception en Afrique, avec une

moyenne de 7,9 tonnes de CO2/habitant en 2004 (PNUD, 2007), un niveau très proche de

ceux des pays développés, du fait de sa dépendance très forte au charbon pour la production d'électricité et la fabrication du pétrole (liquéfaction du charbon noir). Cependant, malgré les émissions de CO2 en moyenne, l’Afrique constitue un continent témoin des changements

climatiques et de ses différents impacts en termes de déforestation, de désertification et par suite, en termes de ressources vitales. Ces impacts multiples se répercutent sur de très nombreux secteurs d'activités : agronomie et rendement des cultures, écologie et écosystèmes, ressources en eau et hydrologie et de nombreux aspects sanitaires et socio-économiques connexes.

Aussi, la croissance démographique rapide du continent africain ces dernières décennies (cf. figure 1.4) ainsi qu’un fort exode rural, tendent de plus en plus à concentrer dans de grandes métropoles (e.g. Abidjan, Lagos) une grande partie des quelques activités nationales polluantes, en plus du développement des activités pétrolières et minières le long des côtes du Golfe de Guinée. De même, les combustions de bois, charbon, … sont largement répandues

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pour les besoins domestiques. Tout ceci contribue à des émissions anthropiques considérables et croissantes d’aérosols de combustion dont les inventaires sont très largement peu étudiés à l’échelle du continent.

Fig. 1.4 : Population en Afrique de l’Ouest en 1960 et projection en 2020 (SWAC, 1999)

Par ailleurs, des mesures « surprenantes » de concentrations en carbone suie dans certaines capitales en Afrique, comparativement aux mesures dans les capitales d’autres pays au monde (e.g. Paris et Pékin) ont mis en évidence des niveaux de pollutions très élevés sur des sites de trafic routier dans les capitales africaines (Doumbia et al., 2011, Cachier et al., 2009). Le tableau 1.4 présente des exemples de concentrations en carbone suie mesurées dans 3 capitales africaines, comparées à celles de capitales de pays industrialisés.

Tableau 1.4 : Concentrations moyennes de carbone suie (en µg/m3) dans différentes villes.

Type Ville Période BC (µg/m3) Références bibliographiques

Trafic urbain Dakar (Sénégal) de Juin 2008 à Juillet 2009 5,7-15,4 Doumbia et al. (2011)

Trafic urbain Bamako (Mali) Avril 2008 19,2±8,9 Doumbia et al. (2011)

Trafic urbain Cotonou (Bénin) Mai 2005 4,9±3,9 Doumbia et al. (2011)

Trafic urbain Paris (France) d’Août à Octobre 1997 14±7 Ruellan and Cachier (2001)

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Ces résultats mettent en évidence des niveaux de pollution élevés dus au trafic routier mais aussi aux feux domestiques dans les capitales d’Afrique de l’Ouest (Cachier et al., 2009), du même ordre de grandeur que ceux dans les capitales des pays développés. Cela pose ainsi un problème aigu et pressant de qualité de l’air et de santé publique pour les populations urbaines, quand on sait que l’accès aux infrastructures médicales est encore limité en Afrique, contrairement aux pays développés.