• Aucun résultat trouvé

Développement de sondes thermiques

Chapitre I : La microscopie thermique à sonde locale

I.1 Les microscopies thermiques à sonde locale

I.1.2 Développement de sondes thermiques

La microscopie thermique à sonde locale est une discipline d’actualité. Dans un souci constant d’amélioration de ces performances, l’effort de recherche se répartit essentiellement sur deux domaines : la mise au point de sondes thermiques toujours plus résolutives et sensibles d’une part, et l’élaboration de nouveaux mécanismes d’acquisition d’autre part. Ce paragraphe aborde l’état de l’art de ces thématiques à partir de 1999 au travers d’une liste non exhaustive des récentes innovations.

L’équipe de Rangelow et al. a mis au point une sonde reposant sur un filament thermorésistif de dimensions nanométriques [RAN2001]. Ce filament de platine, intégré à un microlevier piézorésistif, est obtenu par déposition suivant deux méthodes : les dépositions par faisceau d’ions focalisé et par faisceau induit d’électrons. Les auteurs obtiennent ainsi un filament de 70 nm de diamètre (figure I-6). Cette sonde leur permet d’atteindre une résolution spatiale inférieure à 80 nm ainsi qu’une résolution thermique de 10-3 K. La sensibilité est estimée de l’ordre de 2 µ V.K-1.

Figure I-6 : Représentation de la sonde mise au point par Rangelow et al. [RAN2001].

Actuellement les efforts de développement de ce type de sonde sont orientés vers la maîtrise de la dynamique du microlevier piézorésistif [GOT2003] [IVA2003]. Il est en particulier démontré que la sensibilité aux déformations verticales du microlevier est maximale aux hautes fréquences (50-60 kHz) pour atteindre une valeur limite de 0,01 nm sur une bande passante de 100 Hz. De plus cette sensibilité apparaît d’autant plus grande que

Justifié par le développement rapide des technologies de l’information, de nouveaux principes de stockage à haute densité sont développés. L’équipe de Yang a associé une jonction thermorésistive et un senseur piézoélectrique pour former une sonde AFM [YAN2006]. Bénéficiant de la technologie des NEMS, l’élément piézoélectrique est intégré à la base du microlevier tandis que l’élément chauffant, situé à l’autre extrémité, supporte une micro-pointe en silicium (figure I-7). Cette micro-pointe, formée par gravure et oxydation à 950 °C, présente un rayon de courbure de 30 nm. Le temps de montée à une température de 90 °C est estimé à 3 µs, ce qui permet d’atteindre une fréquence d’écriture théorique de 100 kHz. La sensibilité du capteur piézoélectrique est estimée à 5,41×10-4.R (où R est sa résistance nominale). Elle permet ainsi de distinguer des déplacements verticaux de 20 nm. Cette sonde permet d’atteindre une densité d’écriture de 31,6 Gb/in².

Figure I-7 : Structure schématique de la sonde proposée par Yang et al. pour le stockage d’information à haute densité [YAN2006].

Avec l’objectif de s’affranchir du système de détection laser nécessaire à l’étude topographique de la surface de l’échantillon, l’équipe de McNamara a développé un nouveau type de sonde thermique [MCN2005]. La particularité de cette sonde réside dans un microlevier constitué en polyimide. Ce matériau est un bon isolant thermique et d’une grande flexibilité ce qui permet une réduction de un à deux ordres de grandeurs de la force de contact par rapport à une sonde AFM traditionnelle. La plage de déflexion et la constante de raideur (0,15 N.m-1) de ce microlevier étant plus grandes que celles du nitrure de silicium, l’asservissement en force de la sonde n’est plus indispensable pour garantir l’intégrité des éléments mis en contact. Le dispositif expérimental se limite alors à l’électronique du contrôle thermique de la pointe. Plusieurs microleviers peuvent ainsi être utilisés simultanément sur le même support. Cette sonde est adaptée aux applications ne nécessitant pas la séparation des informations topographique et thermique telles que le stockage des données et la lithographie.

Le microscope thermique à sonde locale est un instrument en constante évolution. Le domaine de la nano-lithographie contribue au développement de sondes toujours plus résolutives et performantes. On déplore toutefois le manque de polyvalence de ces sondes les cantonnant à des domaines d’utilisation très précis ainsi qu’un manque de diffusion. N’étant pas toutes adaptées à la réalisation de mesures quantitatives, nous présentons ci-dessous les techniques de conception utilisées et les performances intrinsèques de ces sondes.

En particulier dans ce domaine d’application, la durabilité des sondes ainsi que la fiabilité et la vitesse d’exécution sont des paramètres cruciaux. Pour remédier aux problèmes

d’usure et de détérioration des sondes, Bae et al. ont réalisé en 2003 une sonde en diamant dopé au bore [BAE2003]. Ce matériau a la particularité de présenter une grande dureté et une contrainte critique de déformation plastique d’environ 60 GPa. Sa résistivité électrique est estimée à 3,2.10-3 Ω.cm. Le microlevier et la pointe sont obtenus simultanément par la méthode de déposition de vapeur chimique à fil chaud (HF-CVD) sous une atmosphère contenant des vapeurs de tri-méthyle bore (B(CH3)3). En comparant la résistivité électrique du matériau ainsi déposé à la valeur du diamant pure, les auteurs estiment le niveau de dopage en bore à 1020 cm-3. D’une épaisseur de 3 µm, le microlevier composé de deux bras est fixé sur un support en verre Pyrex® via une couche d’aluminium de 300 nm (figure I-8). La pointe de forme pyramidale présente un rayon de courbure à son extrémité de 40 nm. L’élément chauffant est obtenu par un fin pont de matière reliant les deux bras de levier au niveau de la pointe. Le temps de réponse thermique de cette sonde est estimé à 45.10-8 s. Une modélisation par éléments finis permet aux auteurs de mettre en évidence un temps de réponse beaucoup plus court par rapport à celui d’une structure identique en silicium. Résultant de la haute valeur de la conductivité thermique du diamant, ce temps de réponse offre la possibilité de travailler à une vitesse de balayage élevée de l’ordre de 100 µm.s-1 sous une charge de 1 µN.

La fréquence de résonance de ce microlevier est estimée à 215 kHz et sa constante de raideur à 20 N.m-1.

Figure I-8 : Représentation schématique d’une sonde thermique en diamant dopé au bore [BAE2003].

En 2007, Lee et al. proposent une solution pour améliorer la vitesse d’exécution des méthodes de lithographie traditionnelle [LEE2007]. Ces méthodes font intervenir des solvants présents dans la couche photosensible lesquels s’évaporent naturellement au cours du temps.

Afin de perfectionner les processus de fabrication en rendant les étapes suivantes plus efficaces, il est nécessaire de réduire la durée d’insolation. L’une des solutions possibles consiste à réduire le temps entre chaque phase de gravure. Pour ce faire les auteurs ont choisi d’utiliser jusqu’à neuf sondes thermorésistives simultanément. La particularité de leur approche réside dans l’utilisation de sondes incorporant des éléments chauffants de tailles variables (figure n°I-9). Fixées sur le même support, leur mise en contact est réalisée

sonde est composée de deux bras de levier reliés en leur extrémité afin de soutenir une pointe de rayon de courbures variables allant de 10 nm à 5 µm. Réalisés en silicium dopé au bore, ces microleviers mesurent 100 µm de longueur. Dans le but d’augmenter la conductivité électrique des microleviers, une couche d’or-chrome est ensuite déposée. L’élément chauffant en tungstène est réalisé par la technique de dépôt de vapeur chimique par faisceau d’ions focalisés directement à la base de la pointe. Il mesure 10 µm de long, 1 µm de large et 0,8 µm d’épais. La fréquence de résonance de ces sondes est estimée par une approche numérique à 154 kHz. Chauffées indépendamment les unes des autres, ces sondes permettent l’utilisation quasi-simultanée de gravure de différentes finesses. Les auteurs démontrent la possibilité d’associer leur sonde à un microscope à force atomique traditionnel en modelant un film résistif et en le transférant sur une structure métallique de 2 µm de large.

Figure I-9 : Représentation d’un ensemble de sondes thermiques fonctionnant en parallèle. Les dimensions de ces sondes varient de 10 nm à 5 µm [LEE2007].

L’utilisation de courants de sonde de forte intensité pour l’évaluation des propriétés thermiques peut dans certain cas devenir une source d’erreur. En effet dans le cas des échantillons constitués de deux matériaux dont l’un est conducteur électrique, des fuites de courant peuvent s’établir entre la sonde et l’échantillon [HU2003]. La sonde peut alors fournir au cours du balayage des informations erronées. En pratique il est d’usage de passiver la surface du conducteur. Pour remédier à ce problème, l’équipe de Hu propose de déposer une couche d’un matériau isolant sur l’élément actif de sondes à thermocouple et à thermistance.

Le type de matériau utilisé doit posséder la propriété d’être à la fois un bon isolant électrique et un bon conducteur thermique afin de ne pas dégrader la sensibilité de la sonde. Les auteurs proposent trois matériaux : le diamant, le nitrure de silicium et le nitrure d’aluminium, en couche mince allant de 200 à 500 Å.

Avec le souci constant d’améliorer la résolution spatiale, certaines équipes de recherche ont choisi d’intégrer des nanotubes de carbone aux sondes thermiques [ARA2004].

L’équipe de Yuan et al. ont par exemple associé un nanotube de carbone à une sonde à thermocouple [YUA2007]. Dans cette configuration le nanotube possède l’une de ces extrémités fixée à la jonction thermocouple et l’autre reste libre. Cette dernière est alors utilisée pour réaliser le contact avec la surface de l’échantillon. La résolution annoncée est de l’ordre du diamètre du nanotube considéré, soit 50 nm [SHI2000].

Quel que soit le type de sonde utilisé, la réalisation de mesures quantitatives nécessite une calibration préalable. Cette étape indispensable permet l’étalonnage des signaux fournis

par la sonde en fonction de sa température. Pour ce faire Dobson et al. ont mis au point, en 2005, une instrumentation permettant la mesure de la température absolue des structures de dimensions inférieures au micromètre [DOB2005]. Le principe de fonctionnement de leur instrument repose sur la mesure du bruit thermique (bruit Johnson) qui caractérise le bruit généré par les porteurs de charge dans une résistance électrique R en équilibre thermique.

L’amplitude de ce bruit thermique est déterminée par la relation suivante : (4kBT.R.∆f)1/2, où

∆f est la bande passante considérée et kB la constante de Boltzmann. Dans les métaux, cette température parasite se caractérise par l’agitation des porteurs de charge. La mesure de température dépend donc directement du libre parcours moyen des électrons libres. Il s’ensuit que les dimensions de l’élément sensible sont limitées par l’ordre de grandeur du libre parcours moyen des électrons dans le métal. Les auteurs utilisent leur instrument pour calibrer une sonde thermorésistive dont l’élément actif en palladium est situé à l’extrémité d’un microlevier d’AFM traditionnel avec une précision de 1 K. Ils valident ensuite la méthode par l’évaluation de la température de fusion d’un cristal de benzophénone.

Figure I-10 : Schéma de principe du dispositif électronique de Lee et al. [LEE2005].

En 2005 Lee et al. ont présenté une nouvelle interface électronique dédiée à la gestion d’une sonde thermorésistive [LEE2005]. Leur dispositif est basé sur un pont de Wheatstone et inclut une boucle d’asservissement, un démodulateur ainsi qu’un ensemble d’amplificateurs et de filtres appropriés (figure I-10). La sonde utilisée est constituée d’un microlevier en polyimide, recouvert d’une couche d’or, de 360 µm de longueur, de 120 µm de largeur et de 3,5 µm d’épaisseur. L’élément chauffant est obtenu par deux dépôts successifs de chrome et de nickel respectivement de 20 et 100 nm sur l’extrémité de la pointe. Cette sonde présente une résolution latérale inférieure à 50 nm, une constante de raideur de l’ordre de 0,3 N.m-1 ainsi qu’une fréquence de coupure de 500 Hz. L’originalité de leur approche réside dans la mise au point d’un modèle intégrant l’ensemble du système. Pour optimiser la réponse du circuit, la modélisation électronique prend également en compte la sonde et le transfert vers l’échantillon. Les auteurs ont notamment intégré l’influence de l’échantillon par l’ajout d’un ensemble empirique d’ondes sinusoïdales normalisées. L’élément thermorésistif est modélisé par une source de puissance dépendante de la température. Le déphasage présent entre la

puissance fournie et la variation de température résultante est quant à lui pris en compte par l’ajout d’un filtre passe-bas. Ainsi réalisé leur modèle est étalonné par comparaison avec les valeurs expérimentales. Il permet alors d’optimiser les réglages et de ce fait d’optimiser les performances du système électronique. La sensibilité aux variations de la conductance thermique de contact est estimée à 29 pW.K-1 pour une sensibilité aux bruits inférieure à 3 pW.K-1. Les auteurs évaluent la résolution en température de leur dispositif à 2,5 mK.

L’équipe de Kwon a présenté, en 2006, le développement d’une technique appelé la méthode 2ω [KWO2006]. Cette méthode repose sur la mesure au deuxième harmonique du signal électrique présent aux bornes d’une sonde thermocouple. Contrairement à la méthode 3ω des sondes thermorésistives pour laquelle le signal prend naissance sur l’ensemble de l’élément actif, le signal à 2ω trouve son origine dans une zone localisée à proximité de la jonction thermocouple. En effet, de part la géométrie pyramidale de la sonde, l’effet Joule est relativement localisé à son sommet. De plus cette génération de chaleur étant amplifiée par la présence de la jonction, le signal thermoélectrique se trouve d’autant plus localisé. Selon les auteurs, cette méthode à 2ω devrait permettre l’augmentation de la résolution spatiale des images thermiques acquises dans le mode de fonctionnement à courant alternatif. Après une description de leur dispositif expérimental, une première série d’image est présentée avec une résolution spatiale inférieure à 80 nm. Pour améliorer la résolution et la sensibilité, les auteurs travaillent actuellement à la réduction de la taille des jonctions thermocouples utilisées.

Dans le but d’améliorer la résolution spatiale des méthodes de caractérisation des propriétés magnétiques des matériaux, le SThM a été couplé à la méthode dite de résonance ferromagnétique (FMR) [MEC2004]. En pratique l’échantillon est intégré à la paroi d’une cavité résonante et placé au milieu d’un champ magnétique d’une intensité maximale de 0,2 T. Une sonde thermorésistive classique est alors utilisée pour échauffer localement l’échantillon sur une surface de contact estimée à 200 nm. Alimentée par un courant de 10 mA sous une fréquence de modulation de 50 kHz, la sonde fournit une amplitude de température de quelques 0,1 K. Les micro-ondes générées par l’échauffement local sont alors détectées par la cavité résonnante en fonction de l’intensité du champ magnétique environnant.

Le SThM fut utilisé en 2004 pour caractériser une thermopile de dimensions micrométriques [FON2004]. Pour ce faire une sonde en nitrure de silicium intégrant une thermistance en son extrémité a été mise en œuvre. Avec une résolution spatiale de 150 nm et une résolution en température de 0,5 °C, cette sonde a permis l’identification des jonctions chaudes et froides ainsi que la mise en évidence de gradients de température.

Cette étude bibliographique des techniques et des sondes associées au SThM révèle un grand nombre de contributions. Le domaine des sondes thermiques est ainsi très prolifique.

Nous constatons toutefois que la plupart des sondes mises au point demeurent confidentielles.

Des problèmes de production, de reproductibilité et de fiabilité entravent leur diffusion. A ce jour, seul un petit nombre de sondes thermiques est disponible sur le marché. La sonde thermorésistive, utilisée dans notre étude, en fait partie. Nous allons désormais aborder les diverses méthodes permettant l’interprétation de la réponse d’une sonde thermorésistive et par conséquent de son équilibre thermique.

Documents relatifs