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Chapitre 4 : La Lignée Germinale, un Bastion à Protéger

A. De l’œuf à la mouche

A.2 Développement des gonades

De nombreuses revues ont été écrites sur le sujet. Dans cette partie je ferai une synthèse de Santos 2004, Kunwar 2006 et Lesch 2012 pour l’embryogenèse et des travaux et revues de L. Gilboa pour le développement des gonades larvaires femelles.

A.2.1 Formation des cellules germinales primordiales

Encore aujourd’hui le mécanisme de formation des PGC est nébuleux. Les noyaux qui se dirigeront vers le pôle postérieur deviendront ceux des cellules germinales primordiales (les PGC). Celles-ci sont les premières à se cellulariser 90 minutes après la fertilisation. gcl,

pgc, pumillio et nanos maintiennent les PGC embryonnaires transcriptionnellement inactives

pendant la première partie de leur migration (Williamson et Lehmann 1996) et la transcription de outsider dans celles qui se perdent en route permet leur élimination (Coffman et al. 2002). Un des rôles de Piwi est la maintenance des cellules germinales adultes pour les deux sexes, elle permet la répression des rétrotransposons LTR dans les précurseurs des cellules germinales mâles (Kalmykova et al. 2005). Chez la femelle, on retrouve dans les mutants piwi un petit nombre de gamètes (environ égal au nombre de cellules souches formées à la fin de la métamorphose) et plus aucune cellule souche (Lin et Spradling 1997). On ne sait pas si ces fonctions nécessitent la présence d’un petit ARN.

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A.2.2 Embryogenèse

Une fois formées, les PGC se différencient des cellules somatiques : environ trois heures après la ponte de l’œuf, elles commencent leur migration. D’abord de façon passive : elles s’accrochent à l’intestin moyen puis le traversent grâce à la dissolution partielle des connections entre les cellules épithéliales (Callaini et al. 1995; Jaglarz et Howard 1995). Elles migrent ensuite dans le mésoderme, à ce stade, la plupart des transcrits maternels sont rapidement dégradés et la transcription zygotique des PGC commence au stade 9 (Seydoux et Dunn 1997), soit une heure plus tard que dans les cellules somatiques de l’embryon (Simonelig 2012). Des gènes zygotiques régulent ensuite la migration chimiotactique des PGC dans l’embryon : wunen et wunen-2 repoussent les PGC loin des tissus adjacents (ils sont exprimés dans le système nerveux central, l’ectoderme et l’intestin moyen ventral). Elles sont alors attirées vers le mésoderme par Hmgcr, fpps, columbus, quemao et β-ggt1 (pour revue voir (Santos et Lehmann 2004; Kunwar, Siekhaus, et Lehmann 2006; Lesch et Page 2012)).

A.2.3 Organogenèse de la gonade larvaire

Quand les PGC arrivent dans le mésoderme, elles s’agrègent avec les « mesodermal somatic gonadal precursor cells » (SGP) qui expriment HMGCoAr ce qui stoppe leur migration. Leur morphologie change, elles deviennent rondes et non mobiles puis les deux types de cellules forment une paire de gonades compactes : c’est la coalescence (Jaglarz et Howard 1995) dirigée par E-Cadherin/shotgun (shg) et fear of intimacy (foi) (Jenkins et al. 2003; M.Van Doren et al. 2003). L’embryon est alors au stade 14. À ce moment, l'identité sexuelle des cellules germinales est déterminée : les testicules ou les ovaires embryonnaires sont établies (Murray et al. 2010). Dans les testicules embryonnaires, un petit sous-ensemble de PGC donne lieu aux cellules souches adultes (les GSC) de la lignée germinale mâle et occupe la niche de cellules souches, le hub (Le Bras et Van Doren 2006). Dans la larve femelle, les PGC subissent quatre mitoses asynchrones et forment des ovaires larvaires composés d'environ 150 PGC et plusieurs types de cellules somatiques (Gilboa et Lehmann 2006). Dans ces travaux je me suis intéressée exclusivement à la lignée germinale femelle (Fig. 29). D’une part, parce que la femelle produit et transmet l’information nécessaire à la répression des ET dans sa descendance, qu’elle soit mâle ou femelle. D’autre part, parce que le système de read-out de la répression par les piARN que nous utilisons, le TSE, ne fonctionne pas chez le mâle.

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Figure 29 – Schéma du développement de la lignée germinale femelle chez D.

melanogaster. Les PGC sont formées au pôle postérieur de l’embryon. Elles migrent durant la

gastrulation et se séparent en deux groupes pour former les gonades qui contiennent également des cellules somatiques. Les cellules germinales subissent environ 4 mitoses asynchrones durant les 3 phases larvaires (L1, L2 et L3) pour donner des gonades pupales contenant approximativement 150 PGC.

Au début de la vie larvaire, (stades L1-L2), les cellules germinales et somatiques subissent une phase de prolifération. Les PGC sont entourées de cellules somatiques dès le stade L1 : les Intermingled cells (IC) et les Swarm Cells (SC) forment alors la partie postérieure de la gonade. Un peu avant le stade L3, les cellules somatiques précurseurs des filaments terminaux, (TF, Fig. 30) sont les premières à se différencier grâce à l’expression de facteurs de transcription comme Bric-à-brac ou engrailed.

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Figure 30 - Représentation schématique du développement de la lignée germinale femelle de Drosophila melanogaster. Antérieur vers le haut. De gauche à droite : stades L1

(24h), L2 (48h), Jeune L3 (72h), Vieille L3 (96h), Pupe (120h) et partie antérieure du germarium adulte (Gilboa 2015).

Ils formeront la niche somatique contenant les GSC dans le germarium adulte.

pumillio (pum) est exprimé dans les cellules des filaments terminaux. Il est impliqué dans la

division asymétrique des PGC (dès la fin du stade L3). Cette division asymétrique est nécessaire à la future organisation de l’ovaire (Lin et Spradling 1997). Au stade L3, les cellules germinales primordiales s’alignent au milieu de la gonade pour l’organisation des ovarioles futures. À la fin du stade larvaire (L3-Pupe), les TF vont s’empiler et recruter des (Intermigled Cells (IC) via la voie Notch : celles-ci deviendront les « Cap Cells » (Fig. 30). Avant ce stade, dpp est produit par les cellules somatiques et maintient les PGC indifférenciées tout en favorisant leur prolifération (Gilboa et Lehmann 2004). Les PGC qui se retrouvent éloignées de la niche commencent à exprimer Bam et leur différenciation débute 112h After Egg Laying (AEL) : les premiers cystoblastes sont observés au stade pré-pupal (Ohlstein et McKearin 1997). À la fin de la métamorphose, des cellules somatiques (Sheet Cells) migrent entre les empilements de TF pour séparer la gonade en 16 à 20 ovarioles distincts.

80 Au stade L3, pumillio et piwi sont impliqués dans le maintien de l’état indifférencié des cellules germinales et dans leur organisation. Sans pum, les spectrosomes sont réduits, de taille variable, voire même absents. Les PGC se divisent de façon symétrique, forment des clusters entourés de cellules somatiques, elles n’ont pas de canaux cytoplasmiques (structure reliant les cellules sœurs après une division) et restent diploïdes. Dans le mutant piwi, aucune GSC n'est présente dans les ovarioles ni dans les testicules : le développement de l’ovaire semble se passer normalement jusqu’en L3 mais les PGC ne s’alignent pas correctement dans la gonade. A la place, elles se différencient et peuvent donner quelques chambres à œuf défectueuses avec un nombre de cellules nourricières aberrant et des défauts de polarité (Lin et Spradling 1997; Cox et al. 1998). En revanche les cellules somatiques de l’ovariole sont toujours présentes.